Transition énergétique : Avec la guerre en Ukraine, l'heure du choix pour les Occidentaux
La crise énergétique, en cours depuis plusieurs mois et exacerbée par la guerre en Ukraine, peut-elle constituer le déclic pour enfin sortir des énergies fossiles ? C'est en tout cas la nouvelle stratégie défendue par le Président Emmanuel Macron, officiellement candidat à sa réélection. Si le gouvernement va déployer des mesures pour aider les ménages les plus pénalisés, il affirme surtout vouloir investir dans la transition énergétique dès aujourd'hui.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’indépendance énergétique – en particulier à l’égard du belligérant russe – est devenue le nouveau mot d’ordre mondial. Les États-Unis ont officialisé mardi 8 mars l'embargo sur les importations américaines de pétrole et de gaz russes. De ce côté-ci de l’Atlantique, le Royaume-Uni a également annoncé qu'il allait cesser ses importations de pétrole russe d'ici la fin de l'année. Et la Commission européenne, qui écarte l’option d’un embargo, vient de présenter son plan pour réduire de deux tiers les importations de gaz russe de l’UE dès 2022, avant un Congrès qui réunira les États-membres jeudi 10 et vendredi 11 mars à Versailles.
La France justement, à travers la voix de son ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a rappelé ce mercredi 9 mars que la seule réponse face à la crise énergétique était "l’indépendance énergétique totale dans les dix prochaines années". Cette fois, il n’y aura pas de "quoi qu’il en coûte" a-t-il prévenu, alors que le gouvernement a déjà mis sur la table au moins 20 milliards d’euros depuis le début de la crise à travers les chèques énergie, l'indemnité inflation, le gel des prix du gaz ou le plafonnement des hausses du prix de l'électricité. "Soyons lucides, l’État seul ne pourra pas compenser tout le choc énergétique que nous subissons car il doit être le premier investisseur dans la transition énergétique et l’accompagnement des ménages" a expliqué Bruno Le Maire.
Le ministre a joint la parole aux actes avec cette annonce majeure, rompant avec le principe de non-affectation des recettes fiscales érigé par Bercy (qui avait résisté aux Gilets Jaunes). "Je m’engage à ce que l’intégralité des recettes fiscales issues des énergies fossiles aillent au développement des énergies vertes. Chaque euro ira vers les énergies renouvelables et décarbonées, vers la transition énergétique et donc vers notre indépendance énergétique" a déclaré Bruno Le Maire en ouverture d’une réunion consacrée au sujet.
Ce changement de stratégie et de ton face à la crise énergétique avait déjà été amorcé en début de semaine par le Président lui-même, lors de son premier déplacement de campagne à Poissy, dans les Yvelines. "L’objectif qu’on doit se fixer c’est de ne plus dépendre de ces énergies fossiles que nous ne produisons pas pour nous déplacer, pour nous chauffer et autres, qui pèsent sur notre pouvoir d’achat quand il y a une crise ou de la spéculation et qui en plus polluent. Il y a une synchronisation des agendas sur le pouvoir d’achat et la réduction des émissions de CO2" a affirmé Emmanuel Macron.
L’Allemagne, qui a interrompu la certification du gazoduc Nord Stream 2, a elle aussi promis d'accélérer sur les énergies renouvelables. Elle se fixe l’objectif d’atteindre 100 % d'énergie propre d'ici 2035, en avance de quinze ans. Mais à court terme, le pays, opposé à un embargo, n’a d'autres choix que de continuer à acheter du gaz et du pétrole à la Russie. En outre, si le gouvernement allemand a renoncé à relancer le nucléaire, il renonce aussi à son objectif d’éliminer progressivement le charbon d’ici 2030.
"Au vu de la situation extraordinaire dans laquelle nous nous trouvons, il est possible de penser que les États membres ne voudront pas utiliser le gaz au même niveau pendant la transition. Nous resterons alors coincés un peu plus longtemps avec le charbon", a affirmé Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne.
Pour diversifier leur approvisionnement, les Européens se tournent également vers le gaz naturel liquéfié en provenance des États-Unis ou du Qatar, malgré une empreinte carbone jusqu'à deux fois plus importante que le gaz livré par gazoduc, et donc sur la construction de nouvelles infrastructures gazières. Du côté des États-Unis, les experts s'attendent à une relance de la production de pétrole et de gaz. La ministre américaine de l'Energie a en effet demandé aux compagnies pétrolières du pays de produire davantage de pétrole pour soulager le marché. Alors que les émissions de CO2 liées aux énergies fossiles ont encore battu un record en 2021, la tendance risque de se poursuivre encore un moment.