Recycler les éoliennes, oui c'est possible !
Projet Zebra : la première pale d'éolienne en résine thermoplastique entièrement recyclable sort d'usine : Dans le cadre du projet Zebra, un consortium d'industriels et de centres techniques, organisé autour de l'IRT Jules Verne, a annoncé avoir fabriqué le premier prototype de pale d'éolienne à échelle 1 à base de résine thermoplastique, recyclable à la différence des thermodurcissables habituellement utilisés. Un pas vers la mise en place d'une filière éolienne recyclable.
Vent d'enthousiasme ! Un consortium d’industriels et de centres techniques, piloté par l’IRT Jules Verne, a annoncé jeudi 17 mars avoir franchi une étape importante vers la construction d’une filière de recyclage des pales d’éolienne dans le cadre du projet Zebra (Zero wastE Blade ReseArch) : le premier prototype de pale d’éolienne en composite thermoplastique, entièrement recyclable, est sorti de l’usine espagnole de LM Wind Power, fabricant de pales et membre du consortium. « La production d’une pale à échelle 1 de 62 mètres de longueur en résine thermoplastique est une première mondiale ! » s’enthousiasme Céline Largeau, cheffe du projet Zebra côté IRT Jules Verne.
Lancé en septembre 2020, le projet Zebra est financé à hauteur de 18,5 millions d’euros par le programme d’investissement d’avenir (PIA). « C’est le plus gros projet de l’IRT Jules Verne, souligne Mme Largeau. Il devrait déboucher sur une solution commerciale d’ici le premier ou le deuxième semestre 2024. » En plus de l’IRT Jules Verne et de LM Wind Power, le projet rassemble le chimiste Arkema, la plateforme de développement de composites et de leur recyclage Canoe, le producteur de fibre de verre Owens Corning, le groupe Suez pour la partie commissioning et Engie, en tant qu’opérateur de champs éoliens.
Les pales d’éolienne actuelles sont fabriquées à partir de matériaux à fibres de verre et de résine thermodurcissable. « Le problème, c’est qu’une fois que les matériaux thermodurs sont renforcés avec les fibres de verre, il n’est plus possible de les séparer. Les pales en fin de vie sont souvent enfouies sous terre », développe la cheffe de projet. La seule solution pour éviter l'enfouissement et recycler en partie les pales consiste à broyer le matériau composite, qui peut ensuite être réutilisé dans d’autres matériaux. « Mais la matière obtenue n’a plus les mêmes propriétés mécaniques, elle ne peut pas être réutilisée pour faire une pale d’éolienne », pointe la spécialiste.
L’innovation principale apportée par le consortium concerne donc l’aspect matériaux : pour être recyclable, cette nouvelle génération de pale est composée d’une résine thermoplastique (appelée Elium), conçue par le chimiste Arkema, renforcée par de nouveaux matériaux en fibre de verre développés par Owens Corning. « L’intérêt du thermoplastique, c’est que la matrice polymère peut être dissociée de la fibre de verre, puis récupérée, par un procédé thermique et chimique », explique la porte-parole côté IRT Jules Verne.
À l’échelle du laboratoire, les équipes du projet Zebra ont démontré que l’ensemble de la résine pouvait être récupéré. « L’idée, c’est de pouvoir récupérer une résine de même qualité pour refaire des pales. Sinon, d’autres applications sont envisageables, comme dans l’automobile », indique-t-elle. Pour cela, un procédé de recyclage par dissolution, qui débute par une étape thermique, a été mis au point dans le cadre du projet Zebra. « L’innovation se situe au niveau du solvant utilisé, dont l’efficacité a été montrée en laboratoire », note Céline Largeau. Le passage à l’échelle du procédé de recyclage constitue une prochaine étape importante pour les membres du groupe d'industriels et de centres techniques.
Mais ce n’est pas la dernière étape à franchir : le consortium doit également vérifier que ce prototype de pale à échelle 1 résiste bien aux contraintes mécaniques que subissent les éoliennes. « Les pales d'éolienne subissent des sollicitations mécanique très importantes, les vitesses sont élevées, les vibrations sont fortes, détaille Mme Largeau. Nous allons réaliser une batterie de tests pour valider les propriétés mécaniques de la pale thermoplastique. »
Enfin, avant l’étape de commercialisation, l’équation économique doit être validée. « Comme le thermoplastique est déjà très utilisé par d'autres secteurs, l’industrie automobile pour les pare-chocs ou bien les pièces sous le capot par exemple, il n’y a pas de surcoût par rapport à la technologie actuelle en résine thermodurcissables, avance Céline Largeau, confiante. Nous le démontrerons au cours du projet. »