Système électrique sous tension : de l'urgence de baisser notre consommation !
Vague de froid, absence de vent et production nucléaire en baisse. Ces trois facteurs mettent sévèrement à mal notre système électrique faisant craindre des tensions sur l'approvisionnement dans les prochaines semaines. Pour les experts, cela devrait pousser le gouvernement à accélérer sur la grande oubliée de la transition énergétique : l'efficacité énergétique (rénovation thermique, baisse de la consommation d'énergie...).
La vague de froid qui s’abat sur l’Hexagone, contrastant avec les températures exceptionnellement douces pendant les fêtes de fin d’année, risque de mettre à mal notre approvisionnement en électricité. Selon RTE, le gestionnaire du réseau, "le recours à des moyens post marché (interruption de grands consommateurs industriels, baisse de la tension sur les réseaux de distribution) serait probable en cas de vague de froid (de l’ordre de 4°C en dessous des normales) ou de situation de très faible production éolienne sur la plaque européenne, et quasi-certain si ces deux facteurs se combinent".
C’est pour cette raison que le gouvernement planche sur un décret autorisant une augmentation temporaire des plafonds de production des centrales à charbon pour les mois de janvier et février. Depuis le 1er janvier, celles-ci sont normalement limitées à un seuil d'émission de gaz à effet de serre équivalent à environ 700 heures de fonctionnement sur l'année. Le projet de décret prévoit d'élever ce seuil à 1 000 heures. La France compte encore deux centrales à charbon, à Saint-Avold (dont la fermeture est prévue en mars prochain) et à Cordemais.
Face à ces tensions, n’est-on pas allés trop vite sur la sortie du charbon, mais aussi la fermeture de Fessenheim, érigées en symboles par le président Emmanuel Macron ? "On s’est effectivement précipités sur la fermeture de Fessenheim, même si ça n’aurait pas tout changé, du coup, on essaie de trouver des moyens de passer l'hiver", explique Nicolas Goldberg, senior manager énergie pour le cabinet de conseil Colombus Consulting. "Je pense que nous aurons encore un ou deux hivers compliqués le temps que l’EPR de Flamanville, la centrale à gaz Landavisiau et les parcs éoliens offshore ne soient mis en service".
Pour Neil Makaroff, du Réseau action climat, la situation actuelle est le résultat du retard pris par la France sur les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. "Notre système électrique n’est pas fiable d’autant qu’on a une envolée des prix due à l'importation de gaz au sein de l’Union européenne. La France subit la procrastination sur les énergies renouvelables – nous sommes l’un des rares pays en Europe à ne pas avoir atteint ses objectifs 2020 - mais aussi sur la rénovation énergétique des bâtiments et l’efficacité énergétique. La première bataille à mener est celle de la baisse de la consommation d’énergie" rappelle le chargé des politiques européennes.
La France fait actuellement face à plusieurs problématiques. L’absence de vent ralentit la production des éoliennes. D’autre part, la disponibilité du parc nucléaire a atteint son niveau le plus bas jamais enregistré à cette période de l’année avec une fourchette comprise entre 43 et 51 GW pour la majeure partie de janvier. "Il ne s'agit néanmoins en rien de situations de 'black-out' impliquant une perte généralisée de l'alimentation électrique sur le territoire, mais d'une opération contrôlée par RTE et mise en œuvre en lien avec l'administration territoriale de l'Etat, qui a un impact localisé et limité dans le temps (2 heures maximum consécutives), épargnant les consommateurs sensibles (en particulier le secteur de la santé)", a précisé RTE.
Faire tourner les centrales à charbon pour éviter les coupures d’électricité, c’est finalement un moindre mal pour Nicolas Goldberg. "Certes, les centrales à charbon sont très polluantes, mais s'il devait y avoir des coupures d'électricité parce qu'on a interdit aux centrales à charbon de fonctionner, le risque serait très important sur le plan de l’acceptabilité de la transition écologique" prévient-il. "Nous sommes à la croisée des chemins, on devrait être plus sereins après 2024, même si on n’échappera pas à la question de la performance énergétique" rappelle-t-il lui aussi.