Deux anciens chefs de la sûreté nucléaire contestent la pertinence de l'atome comme réponse au climat
Tandis que le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, plaide pour 500 milliards pour les centrales de nouvelle génération, des responsables de haut niveau émettent des doutes sur les coûts et les délais inhérents à la filière.
Les centrales nucléaires européennes de nouvelle génération nécessiteront un investissement de « 500 milliards [d'euros] d'ici à 2050 », estime Thierry Breton dans un entretien au Journal du dimanche du 9 janvier. Le commissaire européen au Marché intérieur juge « crucial » d'ouvrir la labellisation verte au nucléaire dans le cadre de la transition énergétique et de la taxonomie européenne.
« Les centrales nucléaires existantes, à elles seules, nécessiteront 50 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2030. Et 500 milliards d'ici à 2050 pour celles de nouvelle génération ! » affirme le commissaire français. Pour Thierry Breton, « inclure le nucléaire dans la taxonomie est donc crucial pour permettre à la filière d'attirer tous les capitaux dont elle aura besoin ».
Depuis la présentation du projet de taxonomie par la Commission européenne, les prises de position s'enchaînent.
Dans un communiqué daté du 3 janvier, quatre experts, parmi lesquels deux anciens chefs d'autorités de sûreté nucléaire, Greg Jaczko, ancien président de la Commission de réglementation nucléaire des États-Unis, et Wolfgang Renneberg, ancien chef de la sûreté des réacteurs, de la radioprotection et des déchets nucléaires en Allemagne, soulignent « le caractère extrêmement coûteux » de la filière. Vulnérable aux défauts internes, mais aussi aux impacts externes comme l'élévation du niveau de la mer, les tempêtes et les inondations, le nucléaire est « risqué pour l'investissement sur les marchés financiers, et donc dépendant de subventions publiques et de garanties de prêts très importantes ».
Ces anciens responsables de haut niveau soutiennent que « pour apporter une contribution pertinente à la production mondiale d'électricité, jusqu'à plus de dix mille nouveaux réacteurs seraient nécessaires, selon le type de réacteurs ».
Ils soulignent que le nucléaire est « plus cher que les énergies renouvelables en termes de production d'énergie et de réduction des émissions de CO2, même en tenant compte des coûts des outils de gestion du réseau comme le stockage d'énergie ».
lls affirment que le nucléaire en tant que stratégie contre le changement climatique est « trop lourd et complexe pour créer un régime industriel efficace pour les processus de construction et d'exploitation des réacteurs dans le délai de construction prévu et la portée nécessaire à l'atténuation du changement climatique ».
Outre les problèmes techniques et de sécurité non résolus « associés à de nouveaux concepts non éprouvés », « il est peu probable qu'il apporte une contribution pertinente à l'atténuation du changement climatique nécessaire d'ici les années 2030 en raison des délais de développement et de construction extrêmement longs du nucléaire et des coûts de construction écrasants du très grand volume de réacteurs qui seraient nécessaires pour faire la différence », estiment Greg Jaczko et Wolfgang Renneberg, appuyés par Bernard Laponche, ancien ingénieur au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et docteur ès sciences en physique des réacteurs nucléaires, et Paul Dorfman, secrétaire du comité du gouvernement britannique CERRIE (Committee Examining Radiation Risks of Internal Emitters),comité examinant les risques de radiation des sources d'émission internes au pays.
Mes commentaires : Depuis Tchernobyl et Fukushima, les problèmes posées par les centrales nucléaires restent inchangés même s'aggravent au fur et à mesure du vieillissement du parc des réacteurs en place en France et dans le monde.
- Les hommes et la sûreté de fonctionnement : conception ancienne, exploitation et respect/ adéquation des procédures, maintenance sous contrainte de délai et sous-traitance, dégradation des installations sous l'effet du flux neutronique, nouvelles générations d'opérateurs …
- l'exposition considérable aux radiations des intervenants de maintenance,
- la méconnaissance du vieillissement des réacteurs,
- les rejets permanents et les effets sanitaires,
- la vulnérabilité aux attentats terroristes, le problème latent du devenir des déchets radioactifs,
- la dépendance de la France pour le combustible et l'exploitation des pays miniers avec des ravages écologiques et sanitaires,
- les exigences sociétales de l'exploitation de l'énergie nucléaire : société policière, secret, ... le coût réel de l'électricité produite : un secret bien gardé,
- l'incapacité de la France à faire face avec ses moyens actuels à un accident nucléaire de moyenne amplitude ou plus.
La production d'électricité via l'énergie nucléaire reste la technologie de production intrinsèquement la plus dangereuse et, elle génère des déchets dont on ne sait que faire, cadeau empoisonné pour les générations futures. Le peuple français a toujours été écarté du débat puis des choix et décisions d'investissements énergétiques. Il est vrai que le choix de l'énergie nucléaire pour la production d'électricité est justifié par les besoins de l'armement nucléaire dont disposent l'Armée de l'Air et la Marine Nationale.
Une société qui se revendique de l'humanisme, se devrait de faire ses choix énergétiques en priorité en tenant compte de l'acceptabilité du risque (gravité potentielle des conséquences et probabilité d'occurrence). Le nucléaire est, de fait, le seul procédé énergétique en service avec un tel risque ultime catastrophique que l'on a qualifié (du côté des "nucléocrates") pendant des années comme "impossible" puis "improbable", puis enfin comme "peu probable".
M.E.