Malgré les catastrophes, les réassureurs sous-estiment gravement les risques climatiques
Selon une nouvelle enquête publiée par Standard and Poors, les réassureurs sous-estiment de 30 à 50 % leur exposition aux catastrophes climatiques. Or ces dernières vont se multiplier et s'intensifier à mesure que la planète se réchauffe. Pour l'expert Thibault Laconde, c'est tout le système de gestion des risques qu'il faut revoir pour anticiper et non pas déléguer des risques qui frapperont inévitablement.
Nuages cracheurs de feu en Australie, dôme de chaleur en Amérique du nord, sécheresse historique à Madagascar, inondations records en France, Allemagne et Belgique… lors du premier semestre 2021, et particulièrement cet été, les évènements climatiques se sont succédés à un rythme soutenu. Malgré cette situation, selon une nouvelle note publiée par la société de notation financière Standard & Poors, trois quarts des réassureurs considèrent le changement climatique comme un facteur de moyenne importance dans leur prise de décision.
"Notre analyse de scénario suggère que les estimations des réassureurs concernant leur exposition au risque de catastrophe naturelle -et donc au risque climatique physique- pourraient être sous-estimées de 33 % à 50 %", notent les experts de S&P. Une donnée qui pourrait elle-même être sous-estimée car dans sa méthodologie, S&P projette que la fréquence des événements extrêmes des trois dernières décennies est représentative du futur. Or le dernier rapport du Giec, le groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat, montre bien que les sécheresses, les inondations, les catastrophes naturelles en général vont s’intensifier et se multiplier dans les prochaines années à mesure que la planète se réchauffe. Et ces dernières ont un coût.
L’institut de recherche du réassureur suisse Swiss Re estime qu'au premier semestre 2021, les évènements climatiques ont causé près de 40 milliards de dollars de dommages assurés. L’addition est salée pour les assureurs. En Allemagne, le secteur a déjà prévenu : "Si rien n’est fait pour maintenir le réchauffement en dessous de 2°C, nous devrons arrêter l’assurance contre les risques de catastrophe naturelle". En France, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) prévoit que le coût des sinistres climatiques sera multiplié par cinq d’ici 2050, entraînant une hausse de 130 à 200 % des primes d’assurances.
"Aujourd’hui, c’est le système même de gestion des risques qu’il faut revoir", estime Thibault Laconde, ingénieur spécialiste des risques climatiques. "On est dans un système de rétrocession où une entreprise va déléguer ce risque à un assureur qui va lui-même le déléguer à un réassureur. Or, à la fin, ce sont les assurés qui payent. C’est le serpent qui se mord la queue", analyse Thibault Laconde. Pour le spécialiste, c’est en amont qu’il faut gérer le risque. "Il faudrait essayer de trouver une solution avant de se débarrasser du problème", suggère-t-il.
L’anticipation est le maître mot. On l’a vu avec le géant américain de l’énergie, PG&E qui représente la première faillite au monde liée au changement climatique. L’énergéticien, qui, faute d’entretien de ses lignes à haute tension, a alimenté des incendies hors norme en Californie en 2019, est de nouveau accusé d’avoir déclenché un véritable brasier dans le même État l’été dernier. S’il a dévoilé un plan prévoyant d’enterrer un tiers de son réseau, la mise en place prend du temps. "On ne gère pas un risque quand il se réalise", résume Thibault Laconde.