Les assureurs face au défi climatique
Près d’un demi-siècle de données assurantielles témoigne de l’aggravation des événements climatiques (tempêtes, inondations, sécheresses...) qui frappent les habitations, les entreprises et les récoltes agricoles en France et dans le monde. Face à ce coût croissant, comment les assureurs peuvent-ils réagir ?
Une première réaction peut être de se désengager, en refusant de couvrir les habitations trop exposées ou, tout au moins, en envoyant un signal prix fort.
Si cette piste ne doit pas être exclue dans certaines situations extrêmes, une autre approche doit être privilégiée pour la majorité des risques : renforcer la prévention et l’éducation aux risques naturels, mieux adapter les normes de construction aux aléas climatiques locaux, progresser sur certains aspects dans l’indemnisation et améliorer la gouvernance des organismes qui suivent les risques naturels par un meilleur partage de l’information entre acteurs publics et privés.
Depuis le début de la crise sanitaire, l’expression « le monde d’après » est partout. Ce monde sera plus solidaire, plus responsable, plus écologique. Comme si nous étions enfin prêts à affronter des défis pourtant identifiés de longue date.
Est-ce le sentiment que, face à une épidémie qui peut toucher chacun d’entre nous et alors que les salariés les plus modestes ont joué un rôle essentiel dans la vie du pays, les inégalités sociales et territoriales sont devenues insupportables ? Est-ce l’idée que ce terrible virus, apparemment d’origine animale et détecté d’abord à Wuhan, en Chine, viendrait de la destruction que nous causons à la planète et à la biodiversité ?
Toujours est-il que ces déclarations ne garantissent rien quant à la mise en place de politiques différentes. L’humanité survivra au COVID-19 et la peur passera. Les premières préoccupations des gouvernements occidentaux ont déjà été faire repartir au plus vite la consommation automobile, le trafic aérien et de sauvegarder la saison touristique.
L’enjeu de la transition écologique peut sembler lointain alors que circulent des prévisions alarmistes sur le recul à deux chiffres de l’activité économique, le bond de l’endettement public et la forte montée du chômage – notamment des générations les plus jeunes qui essayent d’entrer sur le marché du travail – avec ce que cela peut signifier comme périls pour nos démocraties travaillées par le populisme. Pourtant, repousser à des temps meilleurs les enjeux de transition écologique et d’adaptation au changement climatique serait une grave erreur.
Dans notre pays, la réalité du dérèglement climatique est bien là, et nous le montrons clairement dans cette étude à partir de données issues du monde de l’assurance sur une fenêtre temporelle longue de trente à cinquante ans. Et cette réalité croissante a un coût économique et social bien réel, particulièrement concentré sur certaines régions (en France, le Sud-Est et le Sud-Ouest en particulier).
Il est donc nécessaire d’engager sans tarder des politiques de prévention, d’éducation et d’aménagement du territoire pour adapter effectivement nos comportements aux modifications climatiques de notre territoire (sécheresse, inondations, tempêtes...). Faute de quoi, le coût économique et social du dérèglement climatique ira croissant, ce qui est potentiellement générateur de nouvelles inégalités et de tensions, pouvant conduire la population à s’interroger sur la solidarité entre les territoires de la République.
Télécharger ici l'étude complète https://www.fondapol.org/app/uploads/2020/08/fondapol-etude-assureurs-climatique-chneiweiss-bardaji-2020-08-27.pdf
Les auteurs :
Arnaud CHNEIWEISS est ancien conseiller pour les affaires européennes de Dominique Strauss-Kahn et de Laurent Fabius au moment du passage à l’euro, il travaille depuis dix-neuf ans dans le secteur de l’assurance. Après avoir été secrétaire général du réassureur SCOR, directeur général adjoint de la Matmut, secrétaire général du Groupement des entreprises mutuelles d’assurance (GEMA) et délégué général de la Fédération française de l’assurance (FFA), il est actuellement Médiateur de l'Assurance.
José BARDAJI, est ancien chef du bureau diagnostic et prévisions à l’international à la Direction générale du Trésor et chef de la division des études macroéconomiques à l’INSEE, il travaille depuis quatre ans dans le secteur de l’assurance. Il est actuellement directeur des études économiques et des statistiques à la Fédération française de l’assurance (FFA).
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