Emmanuel Macron promulgue une loi climat insuffisante au regard de l'urgence
Pour sortir de la crise des gilets jaunes déclenchée par la hausse de la fiscalité carbone, le président avait mis sur pied la Convention citoyenne pour le climat. Ses travaux débouchent sur une loi insuffisante face à l'urgence climatique.
« Nous y sommes ! Après deux années de travail intense, la transformation écologique de notre société va s'accélérer grâce à la loi Climat & résilience. Riche de près de 300 articles, c'est un texte complet et ambitieux qui ancre durablement l'écologie dans notre modèle de développement », se félicite Barbara Pompili après la publication ce mardi 24 août de la loi au Journal officiel.
Ce texte constitue en effet l'aboutissement du travail de la Convention citoyenne pour le climat lancée par Emmanuel Macron en avril 2019 à l'issue du Grand débat national. Une consultation elle-même lancée en vue de trouver une sortie à la crise des gilets jaunes née de la hausse des taxes sur les carburants. Mais si ce texte est qualifié d'ambitieux par la ministre de la Transition écologique, il ne l'est pas au regard de l'urgence climatique dont les conventionnels avaient pris toute la mesure.
Que contient le texte publié ? Bien que le Conseil constitutionnel ait censuré quatorze articles de la loi constitutifs de « cavaliers législatifs », les dispositions du texte restent très diverses. Elles vont de la rénovation énergétique des logements à la promotion des mobilités décarbonées en passant par le soutien aux énergies renouvelables, la lutte contre l'artificialisation des terres, les menus végétariens dans les cantines ou encore le renforcement de la justice environnementale. Des thématiques qu'Actu-Environnement décrypte, chacune, de manière détaillée.
« Ce texte s'inscrit dans une action globale menée depuis le début du quinquennat pour être à la hauteur du défi écologique et qui a permis de réorienter notre façon de nous déplacer, de nous chauffer, de gérer nos déchets et d'investir massivement pour décarboner notre économie. Elle fait également écho à l'action internationale de la France pour faire respecter partout l'Accord de Paris », vante la ministre de la Transition écologique.
Mais Barbara Pompili oublie de préciser que les avis de plusieurs instances concordent pour dire que ce texte ne permet pas d'atteindre l'objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre que la France doit atteindre d'ici 2030. Même si toutes ses dispositions étaient mises en œuvre, il ne permettrait de réduire que de 38 % les émissions d'ici cette échéance selon une analyse du Boston Consulting Group commandée par le ministère et publiée le 10 février dernier. Si le projet de loi a ensuite été enrichi tout au long de son parcours parlementaire, il reste toutefois insuffisant. Et ce, alors que l'Union européenne a fixé un nouvel objectif de réduction de -55 % d'ici 2030. Un objectif qui se traduit, pour la France, par une cible de -47,5 % selon le projet de règlement sur le partage de l'effort dévoilé en juillet par la Commission européenne.
Cette insuffisance a été aussi pointée par le Conseil d'État qui, par une décision historique pour la justice climatique, a enjoint au Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires avant mars 2022 pour respecter la trajectoire de réduction permettant d'atteindre les -40 % en 2030.
L'adoption de cette loi suscite du même coup des réactions très critiques de députés d'opposition et des ONG environnementales. Ainsi, la députée Delphine Batho, ancienne ministre de l'Environnement et candidate à la primaire des écologistes, dénonce « une pseudo loi climat anachronique ». « Là où la Convention citoyenne appelait à l'audace et à une rupture avec le consumérisme, le Gouvernement a brandi dès le départ des dizaines de filtres et autres jokers. Au final, la plupart des propositions ont été écartées ou vidées de leur portée, il ne reste qu'un mauvais "greenwashing" », dénonçait-elle le 20 juillet lors du vote de la loi.
Pour le Réseau Action Climat (RAC), qui fédère 35 associations impliquées dans la lutte contre le changement climatique, « l'écart entre ce texte de loi et le sérieux des propositions de la Convention citoyenne pour le climat est abyssal ». Par exemple, ajoute l'ONG, « le texte fait complètement l'impasse sur la responsabilité des entreprises et la nécessité de les encourager à adopter des trajectoires de réduction de leur empreinte carbone ».
« Le dérèglement climatique, nous y sommes : températures records en Amérique du Nord et en Sibérie, famine à Madagascar, catastrophes naturelles en France... Pour paraphraser Jacques Chirac : notre maison brûle depuis 19 ans déjà et nos parlementaires continuent à regarder ailleurs. La faiblesse du texte adopté aujourd'hui est une honte eu égard aux enjeux auxquels nous faisons face », a réagi le 20 juillet Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement (FNE).
Des réactions très éloignées du satisfecit de la majorité. « Nous faisons aujourd'hui entrer l'écologie dans la vie des Français », n'a pas hésité à déclarer Barbara Pompili. « Face aux positions dogmatiques, qui ont plutôt tendance à diviser la société, nous travaillons avec la majorité à une écologie pragmatique et inclusive en matière de consommation, de mobilité, de logement, d'urbanisme notamment », estime le député LReM et président du Conseil national de l'air Jean-Luc Fugit.
« Avec ce texte, nous rendons possible la mise en œuvre des mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat. Bien sûr, toutes n'y figurent pas pour une raison simple : les propositions s'attachent à réformer la société dans son ensemble, sous différentes formes », justifie le membre de la commission du développement durable.
Pour l'heure, « le ministère de la Transition écologique est mobilisé pour prendre les décrets d'application au plus vite et traduire concrètement l'ambition de cette loi dans le quotidien des Français », assure Mme Pompili.