Regards sur la région Hauts-de-France : situation, enjeux et défis (partie 6)
Ces handicaps sont de plusieurs ordres et nous allons les identifier et les décrire dans leurs causalités et effets nocifs.
La région Hauts-de-France dispose d'une face maritime sur la Manche et la Mer du Nord longue de 190 km. C'est beaucoup plus que la Belgique qui par la région flamande ne détient que 60 km de côtes.
Jacques Attali défend, depuis longtemps la thèse, que toutes les cités qui ont eu un rayonnement mondial avaient un accès immédiat à la mer et donc une ouverture au monde et aux échanges qui les ont enrichies et contraintes à s'adapter en permanence.
Celui-ci a écrit : "La France, à huit reprises aurait pu se donner les moyens de s'imposer comme superpuissance maritime condition nécessaire pour devenir une superpuissance géopolitique. Elle a échoué à chaque fois. Elle a gâché toutes ses chances ; elle a laissé la maîtrise du monde successivement aux Vénitiens, aux Flamands (Bruges, Anvers), aux Génois, aux Hollandais, aux Anglais, aux Nord-américains."
C'est ainsi que les premiers ports européens restent Rotterdam, Anvers, Hambourg et Amsterdam avec respectivement des trafics totaux annuels de 469 400, 238 000 Mt, 138 100 Mt et 105 000 Mt comparés aux 81 000 Mt de Marseille, 72 700 Mt du Havre, 53 000 Mt de Dunkerque, 34 100 Mt de Calais et 21 500 Mt de Boulogne-sur-Mer.
Certes le projet Calais Port 2015 (https://www.spd-calais.com/fr) doit permettre de combler un petit peu le retard portuaire régional. C'est le 1er chantier maritime d’infrastructures prioritaires de l’Union européenne. Cette réalisation doit permettre de doubler les capacités actuelles du port grâce à la réalisation d’un nouveau bassin vers la mer. Pensée pour anticiper et s’adapter à l’évolution du trafic annoncée, cette nouvelle infrastructure prépare également le port de Calais aux besoins logistiques et industriels de demain. Sa mise en service est prévue pour 2021.
Mais le Brexit dont les négociations interminables sont loin d'être achevées ne va-t-il tout chambouler, amenant, soit une diminution drastique des flux d'acheminement vers l'Angleterre, soit une thrombose de la circulation des poids lourds vers le Port. Affaire à suivre de près !
La pandémie du COVID-19 a constitué un choc pour les Français et nos élites. Elle a mis en évidence plusieurs causes de la grande difficulté à affronter la pandémie et ses conséquences sanitaires.
1. Ce n'est pas le montant élevé de dépenses publiques pour les hôpitaux qui garantit la capacité à accueillir des malades avec l'environnement humain, professionnel et matériel en quantité et qualité. La démonstration en a été faite par l'Allemagne voisine et nombre d'autres pays.
2. La structure organisationnelle du système de santé publique s'est révélée lourde et peu réactive à cause de la cascade de niveau hiérarchique et de décision : Ministère – Préfecture – ARS – Hôpital
3. L'Etat avait constitué un établissement de gestion des stocks stratégiques : équipements de protection, médicaments, vaccins, etc qui n'était pas géré en fonction d'une anticipation des risques de crise sanitaire mais en fonction de critères de coûts de stockage. Puis le Ministre a supprimé cet établissement pour confier le soin d'approvisionner et de gérer les stocks aux hôpitaux eux-mêmes. Mais ceux-ci, à de rares exceptions, ne l'ont pas fait et ni le Ministère, ni les ARS, n'ont contrôlé cette délégation de logistique et de gestion aux hôpitaux.
L'Etat a donc failli dans la première phase de la pandémie et ce fut ressenti comme une humiliation par la France au regard de ses voisins européens.
Certes le sentiment, que l'organisation administrative n'est plus adaptée, est partagé par le plus grand nombre, mais la volonté de réforme s'est toujours trouvée butant sur le corporatisme des élus territoriaux et des syndicats de fonctionnaires. Tous ces acteurs n'ont, en effet, aucun intérêt à voir une réforme se faire jour pour des raisons d'emploi, de pouvoir et de satisfactions d'intérêts électoraux plus ou moins avouables.
Pourtant le mouvement avait commencé en 1982 avec la reconnaissance des régions comme collectivités locales de plein droit avec un financement dédié : la taxe sur les "Cartes Grises". Puis en 1999, l'impulsion fut donnée aux regroupements de communes au sein d'intercommunalités.
Le rapport coordonné par Edouard Balladur paru en mars 2009 faisait déjà le constat d'un nombre très important de pays européens ayant fusionné leurs communes depuis de nombreuses années et dans beaucoup de cas, cette réduction de nombre de communes a été très substantielle puisque allant de - 40 à - 80 % ! Ces opérations se sont réalisées des années 1950 aux années 1970-80.
Ce même rapport démontre les moyens financiers très faibles attribués aux régions. Celles-ci reçoivent 2,5 fois moins que les départements et 4,7 fois moins que les communes. Autant dire que leur pouvoir d'action est très limité.
Depuis les années 2000, des experts issus de la haute fonction publique et d'organismes indépendants publient inlassablement des ouvrages véritables rapports à charge sur la lourdeur, l'inadaptation et l'impasse du système étatique français.
L'IFRAP animée par Agnès Verdier-Molinié dénonce les gaspillages et propose des réformes de l'Etat en 2015, puis relance ses propositions en 2017 et 2018. Le schéma suivant résume la situation en forme de cercle vicieux paupérisant l'Etat, sa capacité d'action et les Français !
Ce schéma simplifie une réalité administrative territoriale plus complexes encore, puisque sont omis les arrondissements où sont installés des préfectures, les cantons qui servent entre autres à l'élection des sénateurs et les pays censés représenter des bassins de vie socio-économiques et des territoires plus ruraux. Ces derniers mobilisent des fonds, des élus, des fonctionnaires territoriaux et des contractuels en plus du reste !
Le document "Les collectivités locales en chiffres 2020" donne des indications sur la répartition des communes selon leur population.
En 2016 il y avait 35 971 communes sur le territoire métropolitain et outre-mer. Ce chiffre a légèrement baissé, suite aux incitations financières mises en place, à 35 054 communes en 2020.
A ceci, il faut rajouter 332 arrondissements administratifs avec leurs sous-préfectures puis 101 départements, puis encore 18 régions et 6 collectivités d'outre-mer !
Pour les communes, il est intéressant d'identifier que sur les 34 839 communes du territoire français métropolitain, seulement 439 soit 1,25 % ont une population supérieure à 20 000 habitants (taille faisant consensus au niveau européen pour être considérée comme viable). On peut, en étant compréhensif, ajouter encore 507 communes dont la population est comprise entre 10 000 et 20 000 habitants soit 1,45 % des communes. En conclusion, 97,3 % des communes, soit 34 400, n'ont pas une taille suffisante et ne sont donc pas viables sur le plan administratif, économique, social et technique !
Pourtant ces petites communes de moins de 20 000 habitants emploient quasiment la moitié des effectifs des fonctionnaires et salariés des communes.
Si on compare la France, par rapport à d'autres pays européens, la France comporte proportionnellement 4 fois environ plus de communes que l'Allemagne et 8 fois plus que la Belgique. Sur ce dernier pays, il est intéressant de noter que celui-ci a des communes dont la population moyenne est de 19 000 habitants contre moins de 2 000 habitants en moyenne pour les communes françaises !
L'ensemble du mille-feuille français coûte 236 milliards d'Euros par an aux contribuables français.
A ce chiffre assez astronomique, il faut rajouter le coût des 618 000 élus dont 574 000 conseillers municipaux et maires et les 38 000 élus intercommunaux. C'est proportionnellement 5 fois plus que l'Allemagne.
En ce qui concerne l'ensemble des effectifs des trois fonctions publiques en France, Agnès Verdier-Molinié de la fondation IFRAP souligne l'énorme croissance de ceux-ci entre 1980 et 2012 :
La fonction publique d'Etat est passée de 2 173 169 personnes en 1980 à 2 441 800 en 2012 soit une augmentation de 12,3 %.
La fonction publique hospitalière a augmenté de 670 791 personnes en 1980 à 1 153 200 en 2012 soit une augmentation de 71,9 %, ce qui contredit tous les discours sur le "fameux manque de personnel" constamment mis en avant par les syndicats et les hommes politiques.
Quant à la fonction publique territoriale, ses effectifs sont passés de 1 021 000 en 1980 à 1 912 800 en 2012, ce qui représente une croissance impressionnante de 87,3 % !
La question que tous les citoyens et politiques honnêtes devraient se poser est : Ces effectifs qui ont cru considérablement ont-ils rendus l'Etat dans tous ces secteurs plus efficaces, plus utiles aux Français et à l'économie nationale ?
Cette augmentation massive ininterrompue des effectifs de l'Etat a pour conséquence un prélèvement sur la production de richesses qui a évolué lui aussi considérablement :
En clair, on se situait à moins de 40 % du PIB de 1970 à 1974, puis l'augmentation a été constante avec quelques fluctuations de 1975 à 2009. Depuis 2009 jusqu'à 2019, ces dépenses publiques ont au-delà des 55 % du PIB et de l'ordre de 57 % en 2020 ! Cette dépense publique massive tue à petit feu la France, l'économie française, l'emploi en France et le pouvoir d'achat des Français avec puisque le déficit des finances publiques n'a jamais cessé, une charge de la dette croissante et un endettement de la France qui devient vertigineux : plus de 120 % du PIB à fin 2020 !
La situation des autres pays européens avant la pandémie du COVID-19 :
La France est située au 1er rang des Etats européens pour la part du PIB consacrée aux dépenses publiques. Pour des pays de population comparable, remarquons que le Royaume Uni se situe à 41 % comme l'Espagne et la Pologne, l'Allemagne à 43 % et l'Italie à 49 %.
La France n'a donc pas le choix, elle doit impérativement réduire ses dépenses publiques en réformant l'Etat et ses administrations centrales, l'organisation administrative territoriale, mais aussi les hôpitaux et les ARS dont on a dénoncé récemment l'inefficacité pour prendre en charge la crise sanitaire liée à la pandémie du COVID-19.
L'Etat doit d'abord se poser la question des missions régaliennes qui doivent être prise en compte avec les moyens nécessaires et suffisants en veillant à l'efficacité et l'efficience.
Ces missions régaliennes se sont vues attribuées de moins en moins de crédit au cours des années et c'est ainsi que la Justice, les prisons, les forces armées et la police ont été maltraités dans leurs infrastructures, équipements et ressources humaines au détriment d'autres missions moins essentielles de l'Etat. L'Etat assure mal ses missions régaliennes et s'occupe trop de missions qu'il assure mal, car il n'a pas les compétences pour le faire.
Dans son ouvrage de 2015, Agnès Verdier-Molinié recense un total de presque 1,3 million de personnes affectées de près ou de loin à des tâches d'enseignement ou en support de cette mission dont 24 100 fonctionnaires au niveau central et dans les académies. Elle remarque que malgré les vagues de décentralisation, tout reste très centralisé. L'Etat central de fait définit et gère les programmes pour chaque discipline, administre les ressources humaines et finalement, ce sont seulement les domaines d'entretien des infrastructures qui reviennent à différentes collectivités locales : les lycées pour les régions, les collèges pour les départements et les écoles pour les communes. Ce système administratif ne laisse quasiment aucune autonomie aux responsables d'établissements et coûte plus cher, qu'il ne le devrait, à cause des tutelles différentes ce qui génère des doublons dans un même secteur géographique. Les agents techniques des écoles, collèges et lycées n'ont pas localement les mêmes responsables hiérarchiques.
9.2.5 la galaxie des innombrables agences, observatoires, hauts conseils, commissions et autres "comités Théodule"
Chaque fois qu'un ministre ou un élu régional constate qu'une administration est inefficace, elle décide souvent de la création d'une instance nouvelle pour effectuer le travail qui n'est pas accompli. Il peut y avoir aussi des buts moins avouables, par exemple recaser des personnes, amis du même bord politique, vaincus lors d'une élection ou dont les postes ont été supprimés lors d'une réorganisation d'une administration. C'est par ce processus que se sont multipliés au fil du temps, des commissions, des hauts conseils, des observatoires et des agences diverses. Dans un numéro du magazine Challenges du 14 février 2013 était cité de nombreux exemples de ces mauvaises pratiques et des rémunérations de leurs membres.
Les observatoires posent une question évidente : pourquoi cette mission d'élaboration et de consolidation de données statistiques n'est pas réalisée par le ministère concerné avec ses services déconcentrés en région ou encore par l'INSEE dont c'est la vocation ?
Depuis longtemps les régimes se succèdent promettent d'y mettre de l'ordre, voire de les supprimer. Hélas, rien ne s'est produit.
La France est très généreuse avec l'argent des contribuables. C'est pourquoi, alors que la très grande partie de la législation a comme origine la Commission Européenne, elle a conservé un nombre impressionnant de parlementaires. Qu'on en juge :
- 577 députés pour l'Assemblée nationale avec en moyenne 3 collaborateurs par député.
- 348 sénateurs pour le Sénat avec aussi des collaborateurs rémunérés.
- 233 membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE)
A ces mandats nationaux, il faut rajouter 2 062 conseillers régionaux pour la France Métropolitaine, la Corse et les assemblées des TOM, 4 108 conseillers départementaux
Ces effectifs invraisemblables pour les instances représentatives nationales et régionales ont-ils un sens aujourd'hui compte-tenu du rôle de l'Union Européenne et de sa commission d'une part et d'autre part du rôle plus que modeste des régions françaises par rapport à leurs homologues de pays européens de statut fédéral ou quasi fédéral.
Voici pour éclairer notre propos une comparaison de la gouvernance entre le Bade-Wurtemberg en Allemagne et la région Hauts-de-France
|
Région Hauts-de-France |
Land du Bade-Würtemberg |
Population |
6M habitants |
11M d'habitants |
Conseil / Parlement |
170 |
143 |
Vice-présidents / Ministres |
15 |
10 |
Président /minister-Président |
1 |
1 |
Cela représente 28 élus par million d'habitants pour la région Hauts-de-France contre 13 élus par million d'habitants pour le Land du Bade-Würtemberg ! Encore une fois, on ne peut que déplorer ce gaspillage des moyens financiers d'autant que le rôle d'un député de Land est bien plus important que celui d'un conseiller régional en France.
Voici comme est présenté le rôle du président du Conseil régional sur le site officiel des collectivités locales (https://www.collectivites-locales.gouv.fr) : C'est la loi du 2 mars 1982 qui crée les régions en tant que collectivités territoriales, à compter de la première élection des conseils régionaux au suffrage universel, en 1986.
Organe exécutif de la région, le président prépare et exécute les délibérations du conseil. Il est l’ordonnateur des dépenses et prescrit l’exécution des recettes.
Le président du conseil régional gère le domaine de la région et exerce à ce titre les pouvoirs de police afférents à cette gestion. Il intente les actions au nom de la région en vertu de la décision du conseil régional et peut, sur avis conforme de la commission permanente, défendre à toute action intentée contre la région.
Les missions du préfet de région : Comme le préfet de département pour son territoire, le préfet de région est le garant de l’unité de la parole de l’État dans la région. Il est également préfet du département chef-lieu de la région. Dépositaire de l’autorité de l’État sur le territoire, il représente le Premier ministre et chacun des ministres ; il a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois.
Le préfet de région est responsable de l’application des politiques nationales et communautaires dans la région (sauf exceptions). Pour ce faire, il dirige les services déconcentrés régionaux de l'État, et a autorité sur le préfet de département dans la conduite des politiques publiques.
Il préside le comité de l'administration régionale (CAR) qui réunit les préfets de département et les chefs des services déconcentrés régionaux de l'État. Après l’avoir consulté, le préfet de région arrête le projet d’action stratégique de l’État dans la région (PASE).
Il représente l’État vis-à-vis du Conseil régional et conduit, dans le partenariat avec elle, les politiques de développement économique et d'aménagement du territoire. Il est chargé, à ce titre, de la négociation puis de la mise en place des contrats de projets État-région. Il est également en charge de la gestion d'une partie des fonds européens dans la région (Fonds social européen - FSE).
Il contrôle la légalité et le respect des règles budgétaires des actes du Conseil régional et de ses établissements publics.
Comme on peut le constater, il existe des chevauchements entre l'action du préfet, coordonnateur des services déconcentrés de l'Etat et le Conseil Régional. C'est ainsi que le développement économique, l'aménagement durable du territoire et la protection de l'environnement sont des préoccupations des deux pôles en parallèle et en concurrence.
Alors que les dépenses pour les fonctions régaliennes de l'Etat (Défense, police, justice) représentaient 6,5 % du PIB en 1965, elles représentent aujourd'hui environ la moitié de ce chiffre. Comme le souligne, avec force, l'historien Pierre Vermeren dans son dernier ouvrage de 2020, si on compare notre pays à ceux d'Europe du Nord, "il saute aux yeux qu'en France existe un problème d'affectation des ressources". Puis plus loin il précise : "Comment expliquer, en effet, que les Français soient à la fois, ceux qui payent le plus d'impôts, ceux qui s'endettent chaque année "normale" de 80 à 100 milliards d'euros supplémentaires, ceux dont les services régaliens sont les plus en difficulté, et que des millions de nos concitoyens soient tenus depuis des décennies en dehors de l'emploi ? … L'explication est que notre République, appuyé par la société a créé un Etat social gigantesque, qui pèse pour près d'un tiers du PIB soit 750 milliards d'euros, soit 15% des dépenses sociales mondiales !"
Suroccupation des cellules, matelas posés au sol, insalubrité, présence d’animaux nuisibles… Avec plus de 70 000 détenus pour 61 000 places, les prisons françaises sont surpeuplées. La Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) vient de condamner, en début 2020, la France pour des "conditions de détention inhumaines et dégradantes".
La France fait partie des États européens dont les prisons sont les plus encombrées et dont la population pénale augmente. Elle comptait 70 651 détenus pour 61 080 places opérationnelles au 1er janvier 2020. La densité carcérale globale s’élève à 115,7%, marquant une légère baisse par rapport au 1er janvier 2019 (116,5%).
La CEDH dénonce cette surpopulation chronique. Elle concerne surtout les maisons d’arrêt, qui accueillent les personnes prévenues en détention provisoire et celles dont la peine n’excède pas deux ans. La densité carcérale y atteint 138%, contre 90% en centre de détention (où les détenus purgent une peine supérieure à deux ans) et 74% dans les maisons centrales (réservées aux longues peines). En janvier 2020, 29% des personnes incarcérées étaient des prévenus.
Le principe du placement en cellule individuelle, inscrit dans la loi depuis 1875 et réaffirmé en 2009, ne s’est jamais concrétisé. Son application a été sans cesse reportée. Le taux d’encellulement individuel reste stable en 2020 (40,9%).
La France est un des pays européens qui proportionnellement dépense le moins pour sa justice. C'est un des pays où les juges sont les moins payés et où la justice est rendue avec les plus longs délais. Les locaux sont inadaptés, souvent vétustes et les moyens en bureautique indigents. Le personnel administratif est notoirement insuffisant en effectif : Selon l’ADJ, la France dispose de 13 magistrats et 47 personnels judiciaires pour 100 000 habitants, lorsque la médiane européenne est de 31 magistrats et 105 personnels judiciaires.
L’Association des défenseurs de la justice (ADJ) a demandé, le 18 novembre 2020, la "condamnation pour faute lourde" de l’Etat et dénonce une "clochardisation" de la justice. " Les greffes sont asphyxiés par le manque de personnel et le manque de matériel" et "les magistrats croulent sous les dossiers » avec comme conséquence « une notion de qualité de la justice rendue réduite au nombre de décisions rendues", ajoute l’ADJ.
Malgré un discours officiel toujours rassurant, les forces armées françaises ne sont pas mieux loties que la justice et elles ont souffert au cours des années de réduction drastique tant au niveau des budgets qu'au niveau des effectifs sous les drapeaux et des équipements. Elles ont subi des baisses budgétaires successives jusqu'à une stabilisation toute récente en 2019 mais qui ne rattrape aucunement tous les retards et manques accumulés : Il baisse de 5,44 % en 1960 à 4,05 % en 1969, lorsque de Gaulle démissionne en avril 1969. Puis il baisse plus fortement encore, de 4,05 % du PIB en 1969 à 2,56 % du PIB lorsque Pompidou meurt le 2 avril 1974. Sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing de 1974 à 1981, le budget de la Défense remonte assez sensiblement, de 2,56 % à 2,90 % du PIB. Puis sous la double présidence de François Mitterrand de 1981 à 1995, le budget de la Défense retombe de 2,90 % à 2,44 % du PIB. Enfin sous les présidences de Jacques Chirac de 1995 à 2007, Nicolas Sarkozy de 2007 à 2012 et François Hollande de 2012 à 2017, le budget de la Défense a dégringolé à des niveaux très faibles : il est passé 2,44 % du PIB en 1995 à 1,35 % du PIB en 2015. Ces chiffres n'incluent sont au standard international, i.e. ils n'incluent ni la Gendarmerie, ni les pensions. Depuis le président Macron a promis de remonter à un taux de 2,0% du PIB en 2025. Mais attention, ce chiffre prend en compte la Gendarmerie et les pensions.
Pour comprendre pourquoi on en est arrivé là, il faut rappeler que les militaires d'active et de 1ère section sont astreints à un devoir de réserve. C'est pourquoi l'armée a depuis acquis le surnom de "Grande muette".
Ensuite secret de la défense aidant, il est difficile, pour des quidams, d'accéder à des informations "sensibles" comme l'état réel du matériel, son ancienneté et sa vraie disponibilité. Et puis, compte tenu de l'absence de réaction toujours prévisible des hauts gradés, il a toujours été possible pour nos gouvernements successifs de faire des économies sur le dos de la défense pour éviter de dépasser trop l'équilibre budgétaire.
C'est ainsi que la France se retrouve aujourd'hui avec une Armée de terre qui peut tenir sur un terrain de football. C'est aussi pour ces raisons que les aviateurs ont dû faire voler des avions ravitailleurs Boeing C-135F pendant plus de cinquante ans, que les terriens voyagent dans des véhicules de l'avant blindés (VAB) qui ont commencé à être mis en service en 1976 et qu'il est prévu de retirer complètement du service en 2030.
Il faut aussi parler du taux de matériels réellement disponibles pour les opérations. Par exemple, en juillet 2018, un rapport d'information du Sénat, indiquait : "Seul un hélicoptère des armées sur trois est aujourd’hui en mesure de décoller : telle est la situation à laquelle nos forces sont confrontées au quotidien."
Et hélas d'autres documents indiquent que ce taux de disponibilité n'est guère plus élevé pour les chars, les véhicules blindés de transport de troupe, les avions de transport, les avions de combat, et les navires de la Marine Nationale.
Par exemple, pour l’avion de transport militaire lourd Airbus A400M : six appareils étaient disponibles sur 17 livrés en 2020. Les avions de combat à fin 2020, Dassault Mirage 2000 et Rafale ont des taux de disponibilité de 40 et 50 % respectivement.
Notre seul et unique porte-avions, "Le Charles de Gaulle", est disponible à temps partiel (avec des arrêts type IPER longs de 18 mois tous les 7 ans) et le deuxième porte-avions longtemps envisagé n'est pas maintenant qu'un porte-avions destiné à remplacer le porte-avions actuel, certes en plus grand, plus puissant et plus rapide.
Au passage, signalons que la région Hauts-de-France est depuis quasiment dépourvu d'unités de combat, que ce soient pour les forces terre, air, mer. Il reste comme implantation à Lille le Commandement des Forces Terrestres et le commandement de la force de réaction rapide (CFR-R) qui est un état-major multinational OTAN. Il n'y a plus de base aérienne, ni de régiment, ni encore de base marine dans la région. Les effectifs des forces armées sont 7 fois moins importantes que pour la région PACA et l'impact économique et social de cette présence militaire est devenu très restreint.
Si la France souhaite retrouver des forces armées d'un niveau adapté aux nouvelles menaces, il lui faudrait en fait dépenser environ 3 % du PIB pour tenir compte du coût des forces nucléaires stratégiques, des OPEX, et d'un indispensable effort de rattrapage.
Ce triste tableau de la paupérisation de l'Etat n'est hélas pas complet si l'on oublie les forces de sécurité : les polices nationales et municipales, la Gendarmerie.
La France dispose de trois catégories de forces de sécurité intérieure : La police nationale, les polices municipales et la Gendarmerie. Cette caractéristique est loin d'être partagée dans les pays européens.
Dans l'Union européenne, outre la France, quatre pays seulement, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal connaissent la dualité entre une police à statut civil et une police à statut militaire. En effet, en Belgique, la loi du 7 décembre 1998 qui réorganise les services de police a supprimé la gendarmerie et l'a intégrée au nouveau service de police doté d'un statut civil. A l'inverse, au Luxembourg, la loi du 31 mai 1999 portant création d'un corps de police grand-ducale et d'une inspection générale de la police a réuni la gendarmerie et la police au sein d'un seul corps, à statut militaire. La police à statut militaire, c'est-à-dire l'homologue de notre gendarmerie, s'appelle « Garde Civile » en Espagne, « Armée des Carabiniers » en Italie, « Maréchaussée » aux Pays-Bas et « garde nationale républicaine » au Portugal.
Cette dualité police nationale-gendarmerie est une conséquence de l'histoire avec un partage des rôles entre territoires à dominante rurale et territoires urbains. Ce découpage date de 1941, mais depuis la sociologie du territoire a considérablement évoluée. Jean-Dominique Merchet, expert en défense reconnu donne dans un article récent l'exemple de Toulouse :
L’exemple de la métropole de Toulouse montre toute la difficulté du dossier. Cet ensemble urbain comprend 37 communes, parmi lesquelles quatre en zone police (dont la commune de Toulouse). L’agglomération pourrait-elle basculer totalement chez les policiers ? La plupart des maires y sont très hostiles, préférant conserver leur gendarmerie. En effet, la gestion des ressources humaines des militaires et leur casernement sur place les rendent nettement plus présents sur le terrain que les policiers. On le voit par exemple à Brest ou à Angers, en zone police, où la gendarmerie départementale a dû assurer le service d’ordre des manifestations, faute d’effectifs suffisants au commissariat. Des villes riches, comme Nice ou Cannes, ont trouvé la solution en développant de puissantes polices municipales.
Un rapport de l'Assemblée Nationale du 3 juillet 2019 fait les constats principaux suivants :
Des casernes et des commissariats abandonnés par la puissance publique : Les dépenses immobilières servent de variable d'ajustement dans un budget rigidifié par des dépenses de personnel qui représentent plus de 85% du total. Des policiers et des gendarmes vivent ou travaillent aujourd’hui dans des conditions indignes. 60 % des gendarmes qui ont répondu à la consultation organisée par le rapporteur ne sont pas satisfaits de l’état de leur logement.
Des véhicules vieillissants : Les véhicules de la police et de la gendarmerie sont dans un état préoccupant. Pour la police, l’âge moyen de ces véhicules est passé de 5,5 à 7,4 ans. Le parc de véhicules de maintien de l’ordre de la gendarmerie mobile est hors d’âge, les véhicules blindés à roues ayant 45 ans en moyenne.
Une gestion des ressources humaines coûteuses et source de frustration : L’intensité opérationnelle et un manque de complémentarité comme de souplesse dans l’articulation des forces de sécurité intérieure conduit à une accumulation exponentielle du nombre d’heures supplémentaires, à l’épuisement des agents et à des difficultés à concilier la vie professionnelle et la vie personnelle.
Un sentiment partagé de confusion dans les missions : Les forces chargées de la sécurité du quotidien sont éloignées de la voie publique par plusieurs facteurs : une confusion plus qu’une complémentarité des forces dans les missions, une charge procédurale excessive, à peine entamée par des formes qui tardent à être appliquées, et des tâches dites "indues" qui représentent 4 % (GN) à 9 % de l’activité (PN).
Par rapport à ses voisins européens, la France se situe aux côtés de l’Italie et de l’Espagne parmi les pays de catégorie intermédiaire où la police municipale intervient en complément des forces nationales. Dans les pays où il n’existe pas de police municipale (Royaume-Uni), la police nationale est en revanche très déconcentrée. Dans les État fédéraux (Allemagne), ce sont les forces locales qui assurent l’essentiel des missions de sécurité.
On peut légitimement se poser la question du pourquoi de la police municipale, car elle ne retranche en rien à la complexité de la situation déjà existante avec le couple police nationale-Gendarmerie. Elle ajoute de la complexité à la coordination et à la répartition des missions et tâches. A cela s'ajoute, les difficultés de formation des policiers municipaux par rapport à leurs collègues nationaux, les problèmes de différence d'emploi et de doctrine d'emploi entre les différentes villes. Il faut se souvenir du débat qui revient de manière récurrente sur la police de proximité.
La Cour des Comptes souligne dans un rapport récent d'octobre 2020 : Si, comme tout le donne à penser, les polices municipales sont appelées à investir de plus en plus le champ de la tranquillité et de la sécurité publiques, que la police nationale est de plus en plus réticente à occuper, une politique plus volontariste de l’État va devenir nécessaire, qui devrait consister à encourager, tout en l’encadrant, le développement des polices municipales. Cette politique devra porter une attention renforcée à la formation des policiers municipaux, ainsi qu’au contrôle externe de leurs activités.
Enfin, on se demande s'il ne s'agit pas une fois de plus des conséquences d'une habitude bien française d'ajouter une nouvelle organisation quand l'organisation normale se révèle défaillante pour les attentes des élus et citoyens.
Le Livre blanc de la sécurité intérieure paru en novembre 2020, réaffirme que le maire est et doit rester le pivot de la sécurité dans sa commune, en sa qualité d’agent de l’État disposant d’un pouvoir général de police administrative. Plusieurs mesures s’attachent néanmoins à rendre les pouvoirs des maires plus effectifs et plus clairs (pouvoir de sanction, forfaitisation). Plus loin, il est ajouté que face à leur développement, il convient d’accompagner la mise en place des polices municipales par des mesures claires quant à leurs compétences, leurs moyens et leur contrôle externe.
Les universités en France souffrent de plusieurs maux liés à leur surpeuplement, à leur mode de gouvernance, à un sous-financement permanent depuis des années et à ceci, il faut rajouter des conditions d'emploi des personnels enseignants, techniques et administratifs souvent inférieurs à ce qui se pratique dans d'autres pays européens.
A ceci, il faut rajouter une spécificité plutôt française de dualité des systèmes d'enseignement et de recherche.
- le dualisme Université versus Grandes Ecoles
- Le dualisme Université vers CNRS pour la recherche
En outre, pour bien décrire "l'usine à gaz" de l'enseignement supérieur en France, il faut mentionner que la catégorie des grandes écoles est tout sauf homogène. Et on a affaire à un véritable bestiaire puisque ces grandes écoles peuvent se distinguer par
- Leur domaine d'enseignement : disciplines scientifiques et sciences de l'ingénieur, disciplines des sciences de gestion
- leur statut : public, consulaire ou privé, rattaché à une université ou indépendante,
- leur rattachement ministériel : agriculture, défense, enseignement supérieur, économie et finances
- la labellisation et les accréditations : Conférence des Grandes Ecoles, EQUIS, EPAS, AACSB, AMBA.
- leur appellation : ENI, ENSI, INP, UT, INSA, ENSA, ENSTIM, etc. pour les grandes écoles d'ingénieurs quant aux écoles de commerce, elles s'appelaient souvent ESC ou ESCAE et maintenant portent des noms de marque sans signification comme des automobiles !
Tout cela rend la compréhension des écoles non seulement difficile pour les recruteurs français mais souvent encore plus pénible pour les recruteurs européens ou mondiaux.
La croissance des effectifs d'étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur a été spectaculaire. Le graphique montre cette évolution de + 130 % entre 1980 et 2019.
En ce qui concerne les universités, les inscriptions ont connu aussi un bon spectaculaire de + 90 %.
Et malgré la mise en place d'un dispositif d'orientation appelé "Parcours Sup", il reste une proportion toujours aussi forte d'étudiants inscrits dans des filières rencontrant d'énormes problèmes d'emploi : STAPS, sciences humaines et sociales, lettres, etc.
Ils sont ainsi 41 % dans les filières STAPS, sciences humaines et sociales, lettres en 2018-2019.
Mentionnons aussi le fait que l'université en France a deux politiques depuis des années :
- Les filières sélectives : Médecine, droit
- Les filières ouvertes : le reste.
Le taux d'échec est toujours aussi grand à cause de la non-sélectivité suffisante et des conditions d'accueil, d'accompagnement et de suivi des étudiants qui sont beaucoup moins élaborées que dans la filière parallèle des classes préparatoires aux grandes écoles (CGPE).
Alors qu'il faudrait augmenter les étudiants en médecine et dans les professions paramédicales, on se heurte au dispositif de numerus clausus et ceci entraine des étudiants de la région Hauts-de-France à aller suivre des études dans les mêmes cursus en Belgique voisine.
Dans un ouvrage collectif paru en 2015, on pouvait aussi trouver des données sur l'état des bâtiments du patrimoine universitaire.
- 34 % de bâtiments neufs en très bon état
- 32 % de bâtiments récents en bon état
- 21 % de bâtiments en état moyen nécessitant une réhabilitation dans les prochaines années
- 9 % de bâtiments en mauvais état
- 4 % de bâtiments en très mauvais état
Dans ce même ouvrage, il est en outre souligné que 20 % des surfaces font l'objet d'un avis défavorable des commissions sécurité-incendie !
Un plan récent va consacrer en outre environ un milliard d'euros à la rénovation énergétique des bâtiments d'université dont certains sont des "passoires" énergétiques.
La région Hauts-de-France regroupe près de 215 000 étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur, la région se place au 4ème rang national avec près de 9% des étudiants inscrits en France. L'enseignement supérieur et de la recherche régional se décompose en deux sites au sens de la loi ESR de 2013. Elle comporte 5 universités publiques généralistes (Lille, Artois, Littoral-Côte d'Opale, Amiens et Valenciennes) et une Université Catholique à Lille et une multitude de grandes écoles (ingénieurs, management).
La crise sanitaire du COVID-19 a été le révélateur des dysfonctionnements graves qui handicapent le système de santé français. Alors que la France est le pays qui dépense le plus en proportion de son PIB en Europe (11,3 %) contre une moyenne de 8,6 % dans les pays européens, cela ne l'a pas empêché d'avoir de grandes difficultés à faire face à la pandémie du COVID-19 dans ses hôpitaux et chez les médecins généralistes.
Ces difficultés concernaient les équipements de protection individuelle (masques, blouses, gants, etc.), mais aussi les autres produits (gel hydroalcoolique) et équipements comme les respirateurs ou encore les lits disponibles dans les services d'urgence et de réanimation. Puis après la 1ère vague de la pandémie, d'autres dysfonctionnements sont apparus concernant la distribution des masques au grand public que l'Etat a voulu centraliser et puis plus tard encore à propos de la mise en place des tests et la transmission des résultats aux testés avec plusieurs jours d'attente.
A cette occasion, la comparaison avec l'Allemagne ou des pays du Sud-Est asiatiques a montré que plusieurs causes expliquaient les problèmes rencontrés :
- Complexité de la hiérarchie sanitaire et lourdeur administrative,
- Absence d'autonomie de gestion des hôpitaux publics.
- Absence de coopération entre établissements hospitaliers publics et privés.
- Absence de coordination entre la médecine de ville et les hôpitaux.
- Absence d'anticipation et d'évaluation des risques.
- Dépendance de produits stratégiques fabriqués en Asie.
- Insuffisance des effectifs des professionnels de santé.
- Mauvaise conditions de travail (horaires, rémunérations, équipements, etc.)
L'OCDE a publié un rapport en janvier 2017 sur les gaspillages dans les systèmes de santé. Les dépenses pour la santé par habitant sont supérieures de 15 % à la moyenne des pays de l'OCDE.
On consacre moins à la prévention que les voisins. Les addictions (tabac, alcool, drogues) sont plus importantes en France qu'ailleurs. Il reste beaucoup à faire pour faire mieux tout en dépensant moins et le rapport signale, entre autres :
- l'insuffisant emploi des médicaments génériques,
- l'abus des médicaments antimicrobiens
- l'insuffisant emploi de la chirurgie ambulatoire,
- la trop longue durée des hospitalisations (10 jours contre 7,8 en moyenne dans l'OCDE).
9.3.6 Les infrastructures : ponts et routes, voies ferrées, barrages, réseaux électriques, centrales électriques, etc.
En ce qui concerne toutes les infrastructures de transport et de réseaux électriques, le manque de crédit d'entretien et d'investissements pendant plusieurs décennies fait des ravages.
Le réseau routier : Pour les routes et les ouvrages d'art, le rapport de l'Office National des Routes de 2019 est très pessimiste, malgré une légère reprise des montants alloués depuis 2017, la situation générale reste préoccupante.
Toutefois, cette inversion de tendance reste encore insuffisante pour stopper la détérioration du réseau routier non concédé et rattraper le sous-investissement accumulé précédemment.
L’état des infrastructures routières et des ouvrages d’art poursuit sa dégradation. Quels que soient les maîtres d’ouvrages, les indicateurs sur l’état des réseaux routiers restent préoccupants :
- Réseau routier national non concédé : 51,5% du réseau était en bon état en 2018, contre 52,1% en 2016. Cette dégradation du patrimoine est confirmée sur des séries plus longues et s’explique par le sous-investissement chronique observé depuis plusieurs années.
- Réseau départemental : il est un peu moins affecté par la dégradation du réseau avec 55,4% du réseau routier en bon état en 2018 contre 55,6% en 2016. Les réseaux les plus importants sont les mieux entretenus (61% des réseaux structurants en bon état contre 58% des réseaux principaux et 55% des réseaux locaux).
- Réseau des métropoles : seulement 39% des réseaux structurants sont en bon état, 45% des réseaux principaux et 44% des réseaux locaux. Pour les métropoles, les réseaux les plus fréquentés sont souvent ceux qui sont en moins bon état.
Pour les ouvrages d’art, la situation est encore plus inquiétante : selon les maîtres d’ouvrages, entre 30 et 47% des ponts français ne sont pas dans un état satisfaisant.
Voici les trois catégories pour considérer qu’un ouvrage d’art est en mauvais état :
- Ouvrage dont la structure présente des défauts nécessitant des travaux d’entretien spécialisé
- Ouvrage dont la structure est altérée et qui nécessite des travaux de réparation
- Ouvrage dont l’altération de la structure peut conduire à une réduction de la capacité portante à court terme.
Un pont sur trois est à réparer : Les ouvrages d’art et notamment les ponts sont également menacés. Sur les 12 000 ponts que compte le réseau, un tiers nécessite des réparations. Le plus souvent, il s’agit de petites réparations afin de prévenir l’apparition de dégradations structurelles. Mais dans 7 % des cas, les dommages sont plus sérieux, présentant à terme un risque d’effondrement et donc la forte probabilité de fermer préventivement ces ponts à la circulation des poids lourds ou de tous les véhicules.
En conclusion, l’état général des infrastructures routières poursuit sa dégradation, lente mais continue depuis plusieurs années, en raison notamment du sous-investissement des années précédentes et d’un manque de connaissance précis des infrastructures.
L’inversion de tendance sur les dépenses d’investissements et d’entretien des réseaux devra être durable afin qu’elle puisse à terme se traduire également par un arrêt de la dégradation des réseaux et un rétablissement de leur état structurel.
La terrible division des responsabilités d'infrastructure entre des communes minuscules et des intercommunalités de taille trop restreinte aussi est une des causes du problème : pas de techniciens ayant une compétence en génie civil, absence d'outil informatisé de suivi et de maintenance prédictive et préventive, crédits éparpillés entre les structures administratives différentes, etc.
Les barrages : La presse s'est faite écho de l'état inquiétant des barrages. C'est ainsi que Libération en février 2007 décrivait la situation : Risque de «rupture» en Dordogne, d’«effondrement» sur un village en Savoie, fuites, fissures et déformations: un rapport confidentiel d’EDF, révélé jeudi, détaille la vétusté de près de la moitié des barrages hydrauliques français, dont une centaine sont même jugés dangereux.
Sur 450 barrages exploités dans l’Hexagone par le groupe, 200 présentent des signes inquiétants de vétusté, révèle le magazine Capital, qui s’est procuré un rapport confidentiel établi en août 2006 par la division production et ingénierie hydraulique (DPIH) d’EDF. …
Selon Capital, EDF a prévu un programme de réhabilitation, baptisé «Super Hydrau», consacrant entre 500 et 550 millions d’euros sur cinq ans à la rénovation de 200 installations.
Puis dans un article paru en mars 2008, Le Moniteur alertait à nouveau : Le député Christian Kert, chargé d'un rapport sur l'état des barrages et des digues en France, a mis en garde sur le danger représenté notamment par les ouvrages "gérés par des sociétés privées", dont certains "peuvent rompre à tout moment", dans un entretien publié mardi dans le Parisien.
Selon le député, dont le rapport est attendu pour le mois de juin, "le danger" ne vient "pas forcément des grands ouvrages d'EDF mais d'un parc composé de plusieurs centaines d'ouvrages, plus petits, gérés par des sociétés privées". Des propos peu rassurants alors que le ministère de l'Ecologie devrait publier prochainement un décret pour mieux organiser la mise en concurrence des concessions de barrages hydroélectriques en France.
Puis dans le même article le député mettait le doigt sur les causes du problème : "Ils sont très mal surveillés" poursuit-il, soulignant que la "vigilance" à l'oeuvre pour les grands barrages, inspectés régulièrement par les directions régionales de l'industrie et de la recherche (Drire), "disparaît pour les plus petits barrages"… "Placés sous la responsabilité de la Direction des affaires agricoles, ils sont contrôlés par des ingénieurs chargés de s'occuper des engrais, des arpents, des ruisseaux. Les barrages, ils ne savent pas faire," estime M. Kert.
Depuis cette époque, il faut noter qu'aucune information ne transpire : les sommes promises d'EDF ont-elles été réellement débloquées ? les travaux de remise en état ont -ils été menés réellement ? Ce blackout de la part de l'entreprise EDF, des médias, des autorités : DREAL, des organismes de contrôle parlementaire : Sénat, Assemblée Nationale n'est pas normal et inquiète car il masque peut-être des remises en état non effectuées et donc des risques plus graves qui perdurent.
Le réseau ferroviaire : Plusieurs audits du réseau ferré national se sont succédés depuis 2005. Les audits de 2005 puis celui remis en 2012 ont été réalisés par une équipe de recherche de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. L'audit de 2012 a été un audit destiné à faire le point de l'avancement de la mise en œuvre des recommndations de l'audit dit "Rivier" de 2005.
Le premier rapport d'audit de 2005 fait un constat d'un patrimoine ferroviaire en voie de dégradation. Il y est indiqué le sous-financement notable de l'entretien et du renouvellement des voies. Selon la catégorie des voies, il est pointé dans le rapport que la moyenne d'âge a cru de 5 à 12 ans en 16 années. Il y est aussi précisé que beaucoup d'infrastructures sont devenus obsolètes.
Au-delà de ces aspects quantitatifs, il y est noté une autre singularité française : la part consacrée à l’entretien est très largement supérieure à celle investie dans les renouvellements de voie. Là où RFF consacre 70 % de son budget à l’entretien, la RENFE ou les CFF plafonnent à 25 % et Network Rail à 27,8 %. Ce choix est jugé contre-productif par les experts dans la mesure où privilégier l’entretien au renouvellement revient à faire vieillir le patrimoine et à faire augmenter les coûts de maintenance au fur et à mesure.
Il résulte de ces constatations un diagnostic très sévère :
- Les ressources allouées sont insuffisantes,
- Il n’existe pas de stratégie claire quant au devenir du réseau,
- On agit donc toujours dans l’urgence, sans programme préétabli ni volonté de maîtrise durable des coûts de maintenance,
- On reporte toujours à plus tard des opérations d’entretien jugées non vitales.
Il n’existe en outre aucun outil d’aide à la décision et de gestion de la maintenance. Le gestionnaire de l’infrastructure est dans l’incapacité de connaître en temps réel l’état de son réseau et l’historique des opérations de maintenance réalisées.
Dans l'audit de 2005, de nombreuses recommndations étaient formulées. En 2012, la même équipe a voulu faire un point d'avancement de la remise en état du réseau ferroviaire français.
En 2005, les conclusions de l'audit sur l'état du réseau ferré national, plus largement connu en tant que "Audit Rivier", ont joué un rôle de signal d'alarme. Il importait, quelques années plus tard, dans un contexte fortement évolutif, de revoir ses conclusions à la double lumière de l'évolution suivie depuis et des changements - inévitables - de contexte économique, budgétaire et, aussi, politique. C’est le but de cette étude commanditée par RFF et dont les résultats sont présentés dans ce rapport.
Les auditeurs notent donc en 2012, que de manière globale, l’effort budgétaire consacré à la maintenance du réseau ferré national a suivi les recommandations de l’audit, quoi qu'avec un décalage dans le temps. L’effort substantiel investi n’a pas encore permis d’inverser la tendance au vieillissement que les auditeurs de l’époque avaient mise en évidence.
Dans le dernier audit mené par un cabinet suisse en 2017 et rendu public en mars 2018, les auditeurs soulignent les progrès organisationnels et le respect des engagements financiers.
Le réseau électrique : Dans le rapport sur le développement du réseau électrique publié par RTE, il est rappelé que le réseau de transport d'électricité et sa qualité sont une des conditions de la transition écologique. Or comme d'autres infrastructures précédemment évoquées, ce réseau a fait l'objet de maintenance et d'opérations ponctuelles de rénovation mais il a globalement vieilli.
En France, le réseau de transport d’électricité est, en moyenne, âgé d’environ 50 ans, soit davantage qu’ailleurs en Europe. Cette situation est choisie, et non subie : la politique de maintenance adaptée mise en œuvre par RTE jusqu’alors a permis d’exploiter le réseau sur une durée de vie plus longue et de réduire fortement les besoins de renouvellement par rapport à d’autres pays européens. La durée de vie du réseau ne peut cependant être prolongée indéfiniment.
Au cours des quinze prochaines années, le renouvellement du réseau existant va s’affirmer comme un enjeu crucial. En particulier, à partir de 2030, un nombre croissant de lignes, construites lors de la reconstruction du pays après la seconde guerre mondiale, va atteindre l’âge limite de 85 ans : mécaniquement, les budgets à consacrer au renouvellement devront alors augmenter. Au-delà de cet effet mécanique, des actions urgentes de réhabilitation des infrastructures sont nécessaires dès aujourd’hui sur certains des composants du réseau. C’est notamment le cas des pylônes les plus exposés au phénomène de corrosion dans certaines zones du territoire, dont certains devront être changés et d’autres mieux protégés. Plusieurs plans spécifiques sont ainsi détaillés pour maintenir le niveau de service.
En résumé, la France se retrouve avec son parc vieillissant de réacteurs nucléaires dans une impasse. Voir la carte ci-dessus à cet effet. En effet, deux scenarii peuvent être retenus :
- Soit elle décide de maintenir en activité un nombre important de réacteurs nucléaires ayant dépassés les 40 années d'ancienneté et elle assume une décision éthiquement grave : c'est-à-dire qu'elle accepte d'exploiter des réacteurs dont on ne connaît pas le comportement en cas de nécessité d'arrêt d'urgence, c'est-à-dire le risque de fusion du cœur, d'explosion et d'une catastrophe sanitaire et environnementale.
- Soit elle arrête les réacteurs nucléaires trop anciens les uns après les autres et se retrouve avec un énorme manque de production, car elle n'aura ni les centrales nucléaires nouvelles en remplacement, ni une production nouvelle venant des sources d'énergie renouvelables (éolien, solaire, géothermie, etc.).
Nous espérons que l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) résistera aux pressions d'où qu'elles viennent et que celle-ci ne se laissent pas non plus endormir par des pseudo-démonstrations venant d'EDF sur la tenue sans problème des cuves de réacteurs dans le cas de la nécessité de les refroidir lors d'un arrêt d'urgence nécessaire.
Les énormes investissements qui ont été réalisés dans les centrales nucléaires type EPR et le renouvellement du parc à venir privent la France des montants nécessaires pour la transition vers l'exploitation des sources d'énergie renouvelables. C'est une erreur stratégique majeure.
Nous avons passé en revue quelques administrations qui remplissent les missions régaliennes de l'Etat (justice, police, armée), les universités, les hôpitaux, puis les infrastructures de la France.
Nous avons montré que la situation est mauvaise tant à cause de problèmes organisationnels que parce qu'Etat via ses différentes administrations centrales, territoriales et hospitalières a privilégié le renforcement de la bureaucratie, au détriment des fonctionnaires opérationnels de terrain et du maintien en bon état ou du renouvellement des infrastructures du pays.
Cette situation est critique pour la sécurité et la santé des citoyens, mais aussi pour le bon fonctionnement du pays et de son économie, pour son rayonnement et pour sa crédibilité militaire dans le monde.
Aujourd'hui, cette faiblesse et les menaces qu'elle fait peser ont des conséquences sur la région Hauts-de-France car celle-ci n'a pas les "coudées franches". L'autonomie conférée aux régions est factice. Nous avons affaire en France à des régions "petit bras".
Ce graphique montre que la part des régions est de 2,60 % de la dépense publique totale à comparer avec les communes et intercommunalités 10,0 % et les départements 5,3 %.
Le tableau qui suit montre dans une comparaison avec d'autres pays européens, l'énorme écart entre les pays décentralisés et/ou fédérés et la France qui reste le pays le plus concentré au niveau central.
|
Dépenses Publiques % PIB |
Etat central (% total DP) |
Echelon territorial (% total DP) |
Etat central (% total RH) |
Echelon territorial (% total RH) |
Allemagne |
44,7 |
54 |
46 |
12,9 |
78,4 |
Belgique |
54,5 |
58 |
42 |
16,2 |
80,6 |
Espagne |
44,8 |
52 |
48 |
19,7 |
80,3 |
France |
57,1 |
79 |
21 |
45,2 |
32,3 |
Italie |
50,6 |
70 |
30 |
55,2 |
43,3 |
Royaume Uni |
47,1 |
75 |
25 |
NC |
NC |
Suisse |
35,3 |
39 |
61 |
9,1 |
90,9 |
Source : OCDE, 2013
Ce tableau montre les écarts considérables entre poids des dépenses publiques ; La France consacre la part la plus faible des dépenses publiques à l'échelon territorial.
A suivre...
M.E.