Regards sur la région Hauts-de-France : situation, enjeux et défis (partie 5)

Publié le par M.E.

8. Un contexte industriel français en déclin relatif
8.1 Quelques données en introduction

La région Hauts-de-France partage avec d'autres régions les mêmes difficultés qui ont conduit à une constante diminution de la production industrielle depuis plusieurs décennies. La part de l'industrie dans le PIB de la France est comparativement à d'autres pays européens devenu bien faible mais pas accord marginale.

De 1995 à 2015, dans l’ensemble de l’Union européenne, le poids de l’industrie manufacturière est passé de 19,6% à 15,9% malgré une augmentation en valeur de 61% sur la période. La valeur ajoutée de l’industrie manufacturière a en effet progressé en moyenne annuelle de 2,4%, mais à un rythme inférieur à la croissance de l’ensemble de l’économie (+3,5%) sur la période.

 L’industrie en recul partout, sauf en Allemagne. Cette baisse a été marquée au Royaume-Uni (17,5% à 9,8%), en Italie (20,9 à 15,8%), en France (16,2% à 11,2%) et un peu plus limitée en Espagne (17,6% à 14,2%). En Allemagne en revanche, la part de l’industrie est restée stable (22,8%). Selon l’INSEE, ces reculs s’expliquent par un "effet prix" et par une diminution des volumes produits, dans des proportions différentes selon les pays. Au Royaume-Uni et en Espagne, la baisse du poids de l’industrie est surtout due à un "effet volume". En Italie, les effets "prix" et "volume" se conjuguent.

"L’industrie française atteint aujourd’hui un seuil critique, au-delà duquel elle est menacée de destruction" écrivait déjà Louis Gallois, l’ancien PDG d’EADS, dans le rapport sur la compétitivité remis au Premier ministre en novembre 2013.

8.2 Quelle identité, quelle spécificité industrielle ?

La région n'a pas une identité industrielle bien affirmée, mais c'est le cas aussi plus globalement de la France sauf dans quelques territoires où l'Etat colbertiste a imposé une spécialisation et concentration de moyens industriels, universitaires et de recherche publique :

- Grenoble : la microélectronique

- Toulouse : l'aéronautique et le spatial

- Rennes : les télécoms

- Saclay et Orsay : le nucléaire

La région a quelques points forts industriels comme la construction de matériels ferroviaires, l'agroalimentaire, la fabrication de voitures et d'utilitaires, la chimie et la santé, et surtout la distribution avec des pionniers de la vente à distance.

Mais, de fait, elle reste surtout une région de production plus que de R&D, d'innovation et de conception. La faiblesse des dépenses et des implantations de laboratoires et de centres techniques n'a pas induit la création de synergies importantes université-industrie. Il suffit de se déplacer sur place dans les campus des universités de la région pour identifier la séparation claire entre les mondes de la R&D et de l'industrie malgré des tentatives modestes de création de "clusters".

8.3 Approches croisées des causes du déclin industriel français

J'emprunte des éléments d'analyse à Jean-Louis Beffa dans son ouvrage paru en 2012, "La France doit choisir". Ingénieur au Corps des Mines, dirigeant de Saint Gobain de 1982 à 2007, il fut un ardent promoteur d'une stratégie industrielle française et a conservé longtemps une activité propre d'études et de recherches.

Il considère que le déclin de l'industrie est à 80% causé par son positionnement et secondairement à 20% par ses coûts.

8.3.1 L'analyse de Jean-Louis Beffa   

J.-L. Beffa a développé une grille d'analyse conceptuelle basé sur quatre modèles type d'économies industrielles qui semble utile pour analyser l'évolution de l'industrie et ses conséquences :

- le modèle "commercial-industriel" : l'exemple le plus flagrant est l'Allemagne (avec d'autres pays germaniques et scandinaves) et aussi le Japon, la Chine et d'autres pays asiatiques.

- le modèle "libéral-financier" : l'exemple type est constitué par les pays occidentaux anglophones : Etats-Unis, Canada, Royaume Uni, Australie, Nouvelle Zélande.

- le modèle "rentier" : l'exemple type en est les pays pétroliers moyen-orientaux et la Russie.

- le modèle "autocentré" : l'exemple type est constitué par le Brésil et l'Inde.

J.-L. Beffa a identifié un parcours de la France évoluant d'un modèle à l'autre au cours du temps : La reconstruction de 1945 à 1958 selon un modèle "autocentré", avec une économie mixte fortement dirigée et planifiée.

Puis le tandem De Gaulle-Pompidou a conduit une sorte de politique colbertiste avec des grands projets industriels et de grands établissements à vocation scientifique et industrielle : CEA, IFP, ONERA, …de 1958 à 1983. On peut rattacher cela au modèle "commercial-industriel".

Cette politique a commencé à évoluer sous la conduite de Raymond Barre avec un désengagement de l'Etat, un effacement de la planification puis avec François Mitterrand et Pierre Beregovoy.

Depuis 1990, la France navigue dans sa politique économique dans un entre-deux entre les modèles "libéral-financier" et "commercial-industriel" sans vraiment choisir entre le libéralisme et l'économie sociale de marché où l'Etat reste le garant de tout y compris pour sauver les entreprises et l'emploi ! Dans cette dernière période le rôle de stratège et de planificateur industriel de l'Etat reste mou.

Il existe aussi, J.L. Beffa le souligne, un problème de financement de l'innovation et de l'industrie. Les règles prudentielles édictées par les organismes de régulation n'incitent pas à la prise de risque. Le vieux fonds marxiste se retrouve dans le comportement d'épargne des Français. Ceux-ci "répugnent" à investir dans les entreprises et privilégient la spéculation dans la "pierre". Ce comportement conduit les entreprises à être souvent financées.

8.3.2 L'analyse de Max Blanchet

Max Blanchet, ingénieur de l'Ecole Centrale, à l'époque, consultant au cabinet Roland Berger, a approfondi dans un ouvrage paru en 2013, le diagnostic sur le positionnement de l'industrie française en comparaison avec ses concurrentes européennes. Son analyse porte sur le degré de spécialisation industrielle des pays. Il conclut que la France "doit choisir" comme le proclamait J.-L. Beffa.

Sa spécialisation industrielle n'est pas facilement identifiable, malgré son excellence dans les domaines aérospatial, naval et ferroviaire. Elle reste à l'instar de pays comme le Royaume-Uni, L'Espagne ou la Belgique un pays industriel généraliste, c'est-à-dire présent sur tous les segments mais peu performants, en général, en innovation, qualité, fiabilité et prix.

Max Blanchet, montre, a contrario, la différence avec les pays "multi-spécialistes" comme l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas, la Suède ou "spécialistes" comme la Suisse ou la Norvège.

Cela conduit depuis des années à des fermetures de sites industriels produisant du bas/moyenne gamme à des coûts peu compétitifs et alimente le chômage, d'autant plus que les salariés ont souvent peu bénéficié de formation continue pour maintenir leur employabilité.

Max Blanchet identifie cinq maux dont souffre l'industrie française :

- le manque de focalisation sectorielle : on est partout mais vraiment très performant quasiment nulle part (sauf les exceptions déjà mentionnées précédemment)

- Les dépenses de R&D et les structures d'aide à l'innovation : En 2017, l'Allemagne a dépensé 3,0 % de son PIB en R&D, la Suisse 3,4 %, l'Autriche 3,2 %, la Suède 3,3 %, le Danemark 3,1 %, le Japon 3,3%, la Corée du Sud 4,2 % et la France seulement 2,3% !

Au niveau régional, le mal est encore plus important puisque la région Hauts-de-France dépense comparativement 70 % de moins que l'Occitanie, 60 % de moins que Auvergne- Rhône-Alpes et 53 % de moins que PACA. Elle se trouve de fait en queue du classement avant les régions d'outre-mer.

- L'organisation et l'automatisation industrielle : retard dans l'organisation réactive et l'optimisation des flux logistiques et de l'emploi de robots : 348 robots pour 100 000 salariés en Corée du Sud, 338 au Japon, 260 en Allemagne, 157 en Suède et Italie et seulement 122 en France !

- Un manque de flexisécurité.

- un environnement administratif, règlementaire et fiscale qui alourdit les processus de décisions, freine la création d'entreprises, handicape les entreprises par des charges pesant sur le coût du travail.

Nous avons décrit les facteurs au niveau macroscopique, il nous faut venir maintenant aux aspects plus proches du fonctionnement interne des entreprises.

8.3.3 La place modeste des ingénieurs parmi les décideurs

Les ingénieurs ont eu un rôle dominant dans la période de reconstruction après-guerre de 1945 à 1958 puis dans la période néo-colbertiste des grands projets industriels de 1958 à 1983. Puis dans le cadre de l'évolution progressive de la France vers un modèle "libéral financier", se sont développés en nombre, effectifs formés et bruit médiatique les écoles de commerce nouvellement appelées "business schools". On a vu parallèlement croître le nombre de jeunes ingénieurs diplômés commencer leur carrière dans des fonctions financières. Les écoles de commerce se sont rapprochées du modèle des grandes écoles d'ingénieurs avec des classes préparatoires passant d'une durée d'une à deux années et le cursus des écoles s'est vu aussi rallongé passant à trois ans au lieu de deux.

Pendant la même période, on a pu constater, la part de plus importante des diplômés de "business schools" dans les postes de direction et, même, de direction générale d'entreprise.

Tout se passe comme si, la mutation du modèle "commercial-industriel" vers le modèle "libéral-financier" se traduisait en interne par la priorité donnée à la fois au "cost-killing", à la création de valeur pour l'actionnaire et aux cessions-fusions-acquisitions. Le centre de gravité n'est plus à la création scientifique et technologique ou à la recherche d'une toujours plus grande qualité des produits et services mais à la communication, la rationalisation, l'optimisation fiscale, la maximisation des profits d'exploitation et des placements financiers, à la recherche d'opportunité externe : cessions, acquisitions, fusions, etc.

Cette conquête des pouvoirs par les "business schools" est loin d’être uniquement française, d'autres pays européens sont touchés, mais en France, il faut rajouter le phénomène de pantouflage des diplômés de l'ENA après quelques années dans les hautes sphères de l'Etat.

Ceux-ci n'ont pas la compétence stratégique, marketing et managériale des diplômés d'écoles de commerce ni les connaissances scientifiques, technologiques et l'expérience industrielle des ingénieurs. Cette école qui prétend au rang de "Grande Ecole" n'en a pas les caractéristiques, car elle ne possède ni équipes de recherche propre, ni corps professoral attaché à l'établissement. Sur ce dernier point, elle fait dispenser ses cours par des intervenants ("chargés de cours") qui ne sont pas recruté sur leurs travaux de recherche ou pour une expertise particulière. Cette école n'est donc pas celle de l'excellence scolaire, mais de l'excellence sociale (ou de la reproduction sociale des élites).

Là gît sans conteste la grande différence avec le modèle allemand de fabrication des dirigeants administratifs qui « laisse du temps au temps » et juge de la capacité de certains individus à diriger l’appareil sur la base de leurs expériences et accomplissements professionnels au long cours, d’où la place importante de la formation professionnelle. Ainsi en Allemagne et dans la plupart des pays germaniques et scandinaves n'existent pas de différence dans les critères de développement de carrière entre le public et le privé.

Or l'expérience récente prouve que les grands pays industriels : Allemagne, pays germaniques et scandinaves, Japon, Chine, Taïwan, Corée du Sud, etc. sont des pays où la culture "ingénieur" et "docteur-ingénieur" reste extrêmement influente.

8.3.4 Une capacité insuffisante à intégrer et former les futurs professionnels

 L'apprentissage immunise en effet durablement contre le risque de chômage et protège les jeunes dans l'ensemble de leur vie professionnelle. La preuve avec l'Allemagne, qui compte trois fois plus d'apprentis qu'en France (et plus que tout autre pays européen), et présente un taux de chômage des jeunes trois fois moindre (le plus faible d'Europe). « Les jeunes Allemands, pour qui l'apprentissage est une voie d'excellence valorisée par les familles et par les entreprises, ont peu de mal à intégrer le marché du travail et peuvent largement espérer évoluer dans leur carrière », assure Bertrand Martinot, spécialiste du travail et de la formation, citant également les exemples suisses, autrichiens et néerlandais. Certes la France a progressé en matière de proportion de jeunes en apprentissage, mais des freins socio-culturels restent trop importants : De la part des enseignants et des parents d'élèves, il reste difficile de sortir d'une représentation d'un apprentissage qui serait réservé aux jeunes en échec scolaire. Cette mauvaise représentation de l'apprentissage touche aussi à toutes les filières d'enseignement professionnel. Et le drame français se poursuit par les milliers de jeunes poussés par leur entourage, les médias et la société à suivre des cursus universitaires généralistes nécessitant un bagage de connaissances et une capacité de conceptualisation que ceux-ci n'ont pas acquis. Ceux-ci se retrouvent le plus souvent rapidement en échec et se retrouvent sur le marché du travail sans qualification.

8.3.5 L'absence d'un système industrie-recherche-innovation adapté aux PMI/PME

 Dans un chapitre précédent, nous avons mentionné le manque d'établissements du type "haute école" spécialisée ou de sciences appliquées, même si l'évolution des IUT vers une licence technologique au niveau Bac+3 va dans le bon sens. Le succès des IUT est malheureusement entamé par l'incroyable nombre d'étudiants diplômés de ces filières qui poursuivent leurs études à l'université, en école d'ingénieurs ou de commerce.

Il y a eu des cursus qui se rapprochaient du système des hautes écoles comme l'INSA au départ, mais aussi les Ecoles Nationales d'Ingénieurs à Brest, Saint Etienne, Metz et Tarbes et les "petites" écoles des Mines appelées Ecoles Nationales des Techniques Industrielles et des Mines à Douai, Alès, Albi et Nantes. Toutes ces écoles étaient basées sur une préparation d'un an intégrée au sein des écoles et un cursus d'ingénieur des travaux de 3 ans.

L'approche de nombreux pays voisins consiste à crée des écosystèmes innovants mettant en réseau de proximité les entités : PMI/PME, hautes écoles, centres techniques spécialisés, universités et collèges universitaires. Il peut être intéressant à ce sujet d'étudier attentivement la stratégie, les actions menées pragmatiques et volontaristes de la Flandre dans ce domaine. Des pôles d'excellence ont été crées en France s'inspirant des exemples de pays européens dynamiques en innovation.

8.3.6 L'insuffisante présence et la faible reconnaissance des ingénieurs-docteurs

Voici L'analyse d'Arnaud Cottet, ingénieur UTC, Master et PhD de la Georgia Institute of Technology et ingénieur grand compte à l'ONERA :

Si on regarde le taux de chômage en France des jeunes docteurs, il est d’environ 9% contre 3% pour l’OCDE. Une des raisons et souvent le sous-investissement en R&D du privé et surtout la préférence donnée aux ingénieurs pour la recherche ! Je suis ingénieur également et un ingénieur n’est pas un chercheur, il n’a pas été formé pour cela. Comme le disait mon professeur de physique en école préparatoire et au risque de me mettre à dos les écoles d’ingénieurs, un ingénieur est un « super bricoleur ». Il essaie une solution et si elle marche c’est très bien sinon il en essaie une autre. 

Il faut que nos doctorants aient une meilleure connaissance de l’entreprise et les thèses CIFRE, que nous envient nos voisins d’outre Rhin, vont dans ce sens. Le fait qu’une thèse CIFRE soit éligible au crédit d’impôt recherche (CIR) a certainement renforcé son intérêt aux yeux des industriels. Elle contribue à l’emploi des docteurs dans les entreprises que ce soient des grands groupes, PME ou start-ups puisque 2/3 des docteurs CIFRE intègrent le secteur privé.

Cependant les entreprises françaises restent globalement fermées au doctorat, comparativement à leurs homologues américaines ou allemandes. C’est même une situation très préoccupante car il y a une baisse de l’attractivité du doctorant en France aussi bien pour les étudiants français que les étudiants étrangers. Depuis 2010, il y a une baisse de 12% d’inscrits depuis 2010 en 1ère année de thèse. Il en va de l’avenir de notre compétitivité et notre capacité à innover.

8.3.7 L'absence d'enseignement sur l'approche de la complexité

Le paradigme toujours en vigueur dans l'enseignement supérieur scientifique reste l'approche "hypothético-déductive" mobilisant le cerveau droit et laissant de côté des méthodes "plus molles" : techniques de créativité, analyse systémique et approche de la complexité, mind-mapping, analyse de la valeur, diagrammes sagittaux, cartes cognitives, etc. On trouve, par exemple, une école la "Digital Society School" au sein de l'Université des Sciences Appliquées d'Amsterdam (Hogeschool van Amsterdam) formant à tout cela : le Design Tool Kit.

Comme l'indique Pierre Veltz, polytechnicien, ingénieur au Corps des Ponts et Chaussées et sociologue, il est temps pour nos élites scientifiques de passer de la culture de la sélection à la culture de l'innovation. Celui-ci a la formule suivante "nos ingénieurs adorent la complication et détestent la complexité". Celui-ci ajoute que les ingénieurs doivent plus acquérir l'esprit de créativité, à acquérir une expérience de recherche à faire le lien entre aspects scientifiques, technologiques et aspects humains, sociaux, sociétaux et économiques. Ceci ne peut se faire qu'en augmentant les enseignements "non-techniques" et en utilisant ceux-ci à l'occasion de projets menés en équipe.

8.3.8 La statistique et ses applications, parent pauvre de l'enseignement de la mathématique

Dès les années 1920, le biologiste Ronald Amier Fisher développe et met en œuvre des outils statistiques au service de la conception de plans d'expérimentation, puis viendront Frank Yates, R.L. Plackett and J.P. Burman, qui théoriseront la conception et l'exploitation de plans dits factoriels, puis George Edward Pelham Box en 1951 inventera les plans factoriels composites.

Parallèlement les chercheurs en agronomie confrontés à leur difficulté d'expérimentation utiliseront les plans dits en carré latin et gréco-latin à l'instigation de l'Institut de Statistiques de l'Université de Paris (ISUP). Contrairement à l'industrie parachimique américaine qui utilisa les plans d'expérience dès les années 1940, il fallut attendre les années 1960 pour qu'un universitaire marseillais introduise leur utilisation dans le domaine chimie-parachimie en France et forme des générations de chercheurs universitaires et industriels à ces méthodes. Plus tard ce fut le cas de l'industrie automobile en 1985-1990 qui pour une finalité d'optimisation de la qualité introduisit les plans "Taguchi" du nom de son concepteur Genichi Taguchi qui s'y intéressa dans les années 1957-1958.

L'intérêt de la méthodologie de la recherche expérimentale (MRE) ou des plans d'expériences est double : définir les objectifs de recherche, les paramètres et leurs influences sur un produit ou procédé et minimiser le nombre d'expériences nécessaire tout en obtenant un modèle liant les résultats attendus aux facteurs le plus précis possible.

Il existe aussi la démarche inverse bien connu des sociologues, politologues et hommes de marketing qui consiste à exploiter des données issues par exemple de fabrication pour obtenir des corrélations entre paramètres de pilotage du process et caractéristiques résultant du produit. C'est l'analyse multivariée des données avec les méthodes connues d'analyse en composantes principales (ACP) et l'analyse factorielle des correspondances (AFC)

Si toutes ces méthodes commencent à être enseigner depuis plus de dix années dans les cursus d'agronomie, chimie, de sociologie ou de médecine, tel n'est pas le cas dans nombres d'autres cursus d'écoles d'ingénieurs ou de facultés scientifiques.

Ces méthodes sont beaucoup plus rapides et complémentaires des modélisations mathématiques basées sur les équations de la mécanique, de la thermodynamique et de la chimie. Elles n'ont pas prétention à les remplacer. Elles fournissent des informations type "boite noire" entrées-sorties mais qui permettent l'optimisation en milieu industriel.

8.3.9 Une chaîne logistique peu optimisée et insuffisamment performante

En septembre 2019, un rapport de Patrick Daher et de Eric Hémar pour le compte du Ministère de l'Economie, fait le point sur la situation de la chaîne logistique des entreprises françaises. On y découvre, selon l'indice LPI établi par la Banque Mondiale, que la France est au 15ème rang pour les performances de ses chaînes logistiques bien loin derrière l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède ou la Belgique. Signalons au passage que malgré le groupe Amazon, les Etats-Unis ne sont pas les mieux placés : au 10ème rang !

Les auteurs du rapport mettent en évidence une mauvaise appréhension de l'intérêt stratégique de la logistique et l'impératif d'un effort de rattrapage.

Pascal Eymery, polytechnicien et ingénieur civil des Mines, ex-directeur Supply Chain et logistique d'Airbus,  a résumé les enjeux dans son ouvrage sur la stratégie logistique : "Jadis considérée commune une fonction secondaire limitée aux tâches d'exécution dans des entrepôts et des quais d'expédition, la logistique est aujourd'hui comprise comme un lien opérationnel entre les différentes activités de l'entreprise assurant la cohérence et la fiabilité des flux, en vue d'un service aux clients de qualité tout en permettant l'optimisation des ressources et la réduction des coûts". Est apparu, ainsi le concept de "supply chain" ou chaine logistique complète des approvisionnements à l'expédition et la livraison du client en passant par les flux internes à l'entreprise (flux matières et flux d'informations. C'est une approche globale et transversale mettant en jeu un système d'information qui participe à la compétitivité de l'entreprise : qualité, délai, réactivité, fiabilité, coûts, etc.

Or la région s'honore de posséder des fleurons de la distribution : Decathlon, Norauto, Auchan, Leroy-Merlin, Cultura au sein de la Galaxie Mulliez, l'immense groupe de librairies Le Furet du Nord créé à Lille en 1936, l'enseigne Castorama né à Lille en 1961 (racheté par le groupe Kingfisher (UK)) et des pionniers de la vente par correspondance : La Redoute, Les Trois Suisses, Cyrillus, Damart, etc.

On trouve fort heureusement des cursus orientés vers le management de la "supply chain" au sein de grandes écoles :

  • HEI : option de spécialisation "Management des opérations industrielles et logistiques",
  • SKEMA : mastère spécialisé "Manager de la chaîne logistique et achats",

et des universités :

  • Université de Lille : DUT "Gestion logistique et Transport", Licence pro "Logistique et Transports Internationaux", Master "Management logistique et ingénierie de la Supply Chain",
  • Université Polytechnique Hauts-de-France (Valenciennes) : Master "e-logistique".

La région a tous les atouts, si les acteurs le veulent, pour devenir leader dans le domaine de la logistique, de l'ingénierie de la chaine logistique globale pour les entreprises.

A suivre ...

M.E.

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