COVID-19 : le vaccin de Pfizer-BioNTech protège contre le variant sud-africain
Les données de vaccination du Qatar apportent la preuve la plus solide à ce jour que le vaccin protège contre une souche considérée comme une menace pour les efforts de vaccination.
La deuxième vague de COVID-19 au Qatar a été un double coup dur. En janvier, après des mois avec relativement peu de cas et de morts, ce petit pays du golfe Persique a connu une recrudescence des infections due au variant B.1.1.7 (ou « variant britannique »), plus contagieux que la souche originelle. Quelques semaines plus tard, la souche B.1.351 (ou « variant sud-africain »), associée à une moindre efficacité des vaccins et à des cas de réinfections, s’est installée dans l’émirat.
Mais cette deuxième vague a permis aux chercheurs qataris de rassembler des preuves solides que le vaccin à ARN de Pfizer-BioNTech protège contre le variant problématique B.1.351. Des essais cliniques menés en Afrique du Sud – où ce variant a été identifié pour la première fois – avaient laissé penser que les vaccins étaient beaucoup moins efficaces contre ce variant. Cette nouvelle étude apporte aujourd’hui une image plus claire – et plus rassurante – de ce à quoi peuvent s’attendre les pays frappés par le variant sud-africain.
L’étude, publiée le 5 mai dans The New England Journal of Medicine, révèle que les habitants du Qatar qui ont reçu deux doses du vaccin Pfizer-BioNTech ont 75 % de risque en moins de contracter le COVID-19 à cause de la souche B.1.351 que les personnes non vaccinées. Ils bénéficient en outre d’une protection quasi-totale contre le risque de forme grave de la maladie.
Ces résultats suggèrent que les vaccins à ARN actuels constituent une arme puissante contre les variants les plus inquiétants du coronavirus. Les sociétés Pfizer et BioNTech, développent à l’heure actuelle une version actualisée de leur vaccin à ARN ciblant le variant B.1.351, de même que Moderna, l’autre fabricant de vaccin à ARN contre le Covid-19. Les premiers résultats de Moderna suggèrent qu’une injection de rappel du vaccin actualisé déclenche une forte réponse immunitaire contre le variant sud-africain.
« Ce variant est probablement le pire de tous ceux que nous connaissons », déclare Laith Jamal Abu-Raddad, épidémiologiste spécialisé dans les maladies infectieuses au Weill Cornell Medicine-Qatar à Doha, qui a dirigé l’étude qatarie. « Mais avec ces vaccins, nous avons néanmoins les armes pour contrôler au moins les formes graves de la maladie, et cela devrait aussi fonctionner assez bien contre la transmission. »
La souche B.1.351, identifiée en Afrique du Sud fin 2020, domine désormais dans ce pays. Des études en laboratoire avaient montré que les mutations portées par ce variant émoussent les effets des anticorps ciblant le virus, et des essais indiquaient que certains des vaccins contre le Covid-19 sont nettement moins efficaces contre cette souche que contre d’autres.
Les premières études en laboratoire avaient suggéré que l’efficacité des vaccins à ARN, y compris celui de Pfizer-BioNTech, était atténuée contre le variant B.1.351, mais probablement pas totalement nulle. En avril, Pfizer et BioNTech ont néanmoins annoncé qu’un petit essai clinique réalisé en Afrique du Sud laissait penser que le vaccin était pleinement efficace contre le variant B.1.351. Mais cette étude, qui portait sur 800 personnes, n’avait comptabilisé que six cas d’infection causés par le variant sud-africain dans le groupe témoin, de sorte que l’efficacité réelle du vaccin aurait pu être beaucoup plus faible.
L’équipe de Laith Jamal Abu-Raddad a analysé des dizaines de milliers de cas de Covid-19 survenus au Qatar entre le début de la campagne de vaccination, fin décembre, et la fin mars. Le séquençage du génome viral des prélèvements a montré que les lignées de coronavirus B.1.1.7 et B.1.351 étaient prédominantes durant cette période. À partir de la mi-février, le variant britannique et le variant sud-africain étaient chacun responsable d’environ la moitié des cas recensés dans le pays.
Les chercheurs ont comparé les taux d’infection par le SARS-CoV-2 chez les personnes vaccinées et dans un groupe témoin de personnes non vaccinées. Résultat : les personnes ayant reçu deux doses de vaccin Pfizer-BioNTech avaient environ 90 % moins de risque de développer une infection causée par le variant britannique B.1.1.7, ce qui concorde avec les résultats d’études menées en Israël, au Royaume-Uni et dans d’autres pays. Et pour ce qui est du variant sud-africain B.1.351, les chercheurs ont recensé environ 1 500 infections dues à cette souche chez les personnes vaccinées, mais seulement 179 d’entre elles sont survenues plus de deux semaines après l’injection de la deuxième dose. L’efficacité du vaccin serait ainsi d’environ 75 % contre l’infection par le variant B.1.351. Et il n’y a eu presque aucun cas grave de COVID-19 causé par les variants B.1.1.7 ou B.1.351 chez les personnes complètement vaccinées.
« Même s’il y a eu des infections post-vaccinations, elles n’ont pas conduit à l’hospitalisation et à la mort, sauf à de rares exceptions », précise Laith Jamal Abu-Raddad. Deux personnes sont mortes du COVID-19 causé par la souche sud-africaine après avoir reçu leur deuxième dose de vaccin, mais il est très probable qu’elles aient été infectées avant que les effets protecteurs de l’injection de rappel ne commencent à se faire sentir. « Si, il y a un an, j’avais dit que nous aurions un vaccin efficace à 75 % contre les pires variants du coronavirus, cela aurait été considéré comme une extrêmement bonne nouvelle », ajoute Laith Jamal Abu-Raddad.
Shabir Madhi, vaccinologue à l’Université du Witwatersrand, à Johannesburg, en Afrique du Sud, estime que les résultats qataris sont prometteurs. Les niveaux comparativement élevés d’anticorps produits en réponse aux deux doses d’un vaccin à ARN expliquent probablement pourquoi celui-ci confère une meilleure protection contre le variant sud-africain B.1.351 que d’autres vaccins, tels celui d’Oxford-AstraZeneca.
Mais Shabir Madhi s’attend à ce que d’autres vaccins préviennent également les formes graves causées par ce variant. Dans une autre étude publiée le 5 mai dans le New England Journal of Medicine, son équipe a signalé que le vaccin produit par la société Novavax, dans le Maryland, a réduit de 60 % le risque de contracter le COVID-19 chez les participants d’un essai de phase 2 portant sur plus de 6 000 personnes en Afrique du Sud. Des données non encore publiées montrent que ce vaccin a été très efficace contre les cas graves de COVID-19 causés par le variant B.1.351, aucun cas n’ayant été enregistré chez les personnes vaccinées, contre cinq dans le groupe témoin.
Si l’efficacité des vaccins est plus faible contre le variant sud-africain B.1.351, même les programmes de vaccination les plus efficaces dans les pays touchés par ce variant pourraient ne pas suffire à réduire autant le nombre de cas que dans les pays confrontés à des souches moins virulentes, explique Shabir Madhi. « Néanmoins, en protégeant les personnes à risque, nous pourrions retrouver un mode de vie relativement normal, même avec une circulation élevée du virus. »
Le Qatar, où plus d’un tiers de la population a reçu au moins une dose de vaccin, pourrait donner un premier aperçu de la façon dont les variants préoccupants du coronavirus peuvent être contrôlés. Selon Laith Jamal Abu-Raddad, il semblerait que le vaccin Pfizer-BioNTech soit également très efficace pour bloquer la transmission du variant B.1.351. Et après que les cas de ce variant ont atteint un pic à la mi-avril, « les choses vont dans le bon sens, les chiffres diminuent très rapidement ».