L'éolien, première source d'électricité en Allemagne en 2020
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Sortie du nucléaire en 2022, sortie du charbon en 2035 : l'Allemagne s'est fixé pour objectif de renoncer aux énergies conventionnelles à brève échéance. L'année 2020 marque donc peut-être un premier tournant, avec une percée de l'éolien comme premier fournisseur d'électricité. S'agit-il d'un heureux hasard, lié à la conjoncture de la pandémie, ou les énergies renouvelables connaissent-elles une véritable phase d'expansion qui permette à nos voisins outre-Rhin de s'affranchir à court terme de sources d'énergie plus polluantes ?
Suite à l'accident qui a détruit la centrale de Fukushima au Japon, en 2011, l'Allemagne a décidé de hâter sa sortie du nucléaire, et de miser sur les énergies renouvelables, puisqu'elle entend également réduire drastiquement la production d’électricité à partir d’énergies fossiles d’ici 2035. Les chiffres récemment communiqués par l'Office fédéral de la statistique pour l'année 2020 indiquent un premier succès en ce sens, puisque le secteur éolien a pour la première fois fourni la plus grande partie de l'électricité produite sur le sol allemand. Mais une analyse plus précise permet de nuancer ce qui apparaît comme le franchissement d'un seuil. Car en réalité, le chemin semble encore long avant que les énergies renouvelables puissent définitivement assurer la majorité de la production électrique en Allemagne. C'est pourtant l'objectif qu'elle s'est fixé à brève échéance : 65% du mix électrique devra provenir de sources renouvelables d'ici 2030 – alors que pour l'instant, elles n'en produisent pas encore la moitié.
En 2020, pour la première fois, la majeure partie de l'électricité produite en Allemagne provient du secteur éolien (avec 25.6% du mix énergétique), dépassant la quantité injectée dans le réseau par les centrales à charbon (24,8%). Le gaz vient en troisième place avec 13,6%, puis le nucléaire à raison de 12,1%, le photovoltaïque à 9%, et enfin le biogaz à 6%.
Par rapport à l'année 2019, la production d'électricité à partir de charbon est en diminution de plus de 20%, et celle provenant du nucléaire de 14%, alors que toutes les énergies renouvelables, de même que le gaz, sont en augmentation. Parmi les énergies renouvelables, plus que l'éolien, en hausse de 5,4% par rapport à l'année précédente, c'est le photovoltaïque qui connaît la plus forte augmentation sur l'année (+ 8,4%).
Si la part des énergies renouvelables a donc globalement augmenté par rapport à 2019, passant de 42,3% en 2019 à 47% en 2020, elles ne fournissent cependant pas encore la majorité de l'électricité produite.
Comme le montrent les données trimestrielles, cette tendance s'est en réalité profilée depuis le début de l'année. Les énergies renouvelables ont même été majoritaires au cours de l'hiver 2020, assurant pour la première fois 51,2% de la production. Un temps orageux et très venteux a particulièrement bénéficié à l'éolien : c'est la plus importante source d'électricité de la saison, représentant jusqu'à 35% de la production totale. L'éolien est en tête au cours du premier semestre, même si sa part baisse à 29%, tandis que le photovoltaïque a profité d'un printemps ensoleillé pour augmenter sa production de 10% par rapport à la même période de l'année précédente. Autre fait notable, pendant les six premiers mois de 2020, la production provenant de charbon a diminué de près de 40% par rapport à 2019.
Le charbon a cependant repris le dessus au troisième trimestre 2020, et ce sont même l'ensemble des énergies conventionnelles qui ont été majoritaires au cours de cette période. On peut aussi relever une augmentation de la production d'électricité à partir de gaz et surtout de photovoltaïque.
Selon les statisticiens, l'augmentation de la part des énergies renouvelables n'est pas uniquement due à des conditions météorologiques favorables, et en particulier à un nombre inhabituel d'heures d'ensoleillement ; elle résulte également d'une diminution des besoins en électricité en raison de la pandémie de coronavirus. En 2020, 502,6 milliards de kWh d'électricité auto-produite ont été injectés dans le réseau national allemand, ce qui représente une baisse de 5,9% par rapport à 2019. Comme la demande a été plus faible, elle a plus facilement été couverte par les énergies renouvelables, car on leur accorde la priorité. C'est également la raison pour laquelle la production d'électricité à partir de gaz a augmenté, car les centrales au gaz naturel peuvent réagir de manière plus souple aux fluctuations de l'apport d'électricité provenant de sources d'énergie renouvelables.
Et pourtant l'éolien connaît bien des difficultés actuellement. Les nouvelles implantations terrestres sont en stagnation, car des centaines de procès intentés par les riverains et les associations environnementales en bloquent la construction. La plupart des parcs ont ainsi été réalisés entre 2013 et 2018. Il existe également un fort clivage nord-sud, puisque la plupart des nouvelles installations se situent en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans le Brandebourg, en Basse-Saxe et en Saxe-Anhalt. Rétifs à l'éolien, les Länder du sud (Bavière et Bade-Wurtemberg) sont plus en avance en matière de photovoltaïque. Le gouvernement allemand entend ainsi doubler la capacité de production d'électricité à partir de l'énergie solaire d'ici 2030, ce qui pourrait impliquer que le photovoltaïque joue par la suite un rôle plus important que l'éolien terrestre dans le mix électrique.
Pour aider à relancer l'éolien, la ministre fédérale de l'Environnement, Svenja Schulze, vient toutefois de présenter fin 2020 un amendement à la loi sur les sources d'énergie renouvelables, qui autorise la poursuite de l'exploitation d'anciennes centrales éoliennes qui auraient dû être démantelées. De son côté, l'Agence fédérale des réseaux a lancé un appel d'offres pour la construction de nouveaux parcs éoliens sur trois sites en mer du Nord et en mer Baltique. Mais, pour la directrice de l'Association allemande des industries de l'énergie et de l'eau (BDEW), Kerstin Andreae, l'expansion des énergies renouvelables se fait encore à un rythme beaucoup trop lent. Pour faire en sorte que 65% du mix électrique allemand provienne de sources renouvelables dans dix ans, il faudrait aller trois fois plus vite, car la demande d'électricité ne va cesser d'augmenter au cours de la prochaine décennie. Comme le souligne cette association de lobbying, seule une politique beaucoup plus ambitieuse permettra d'atteindre les objectifs climatiques que l'Allemagne s'est fixée.