Pourquoi le syndrome de la « fatigue pandémique » pourrait relancer l'épidémie

Publié le par Les Echos via M.E.

Anxiété, dépression, troubles du sommeil… L'OMS alerte sur les dégâts à long terme de la crise sanitaire et des restrictions liées au COVID-19. Cette « fatigue pandémique » pourrait mener à la désobéissance civile et à une reprise épidémique. Les explications dans CQFD, le format pédagogique des Echos.

Depuis près d'un an, le moral des Français est mis à rude épreuve. Confinements, couvre-feu, manque d'interactions sociales, craintes pour leur avenir, menace sur l'emploi ou encore peur de la maladie en elle-même : la pandémie pèse sur la vie de chacun. Experts et psychanalystes affirment que les Français sont menacés d'un effondrement psychique.

Une crainte alimentée par un syndrome apparu avec la pandémie : celui de la « fatigue pandémique ». Dans une note publiée une première fois en octobre 2020, et enrichie en novembre, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) met en garde les Etats face à cet état de lassitude ambiant. En quoi consiste-t-il ? Quels seraient les effets à long terme ? Les explications dans CQFD, le format pédagogique des « Echos ».

1) Qu'est-ce que la fatigue pandémique ?

Dans un document, intitulé « Lassitude face à la pandémie. Remotiver la population pour prévenir le COVID-19 », l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), explique que le syndrome de la « fatigue pandémique » est une « réponse naturelle et attendue face à une crise de santé publique prolongée ». Cette fatigue, marquée par un sentiment de « détresse », émerge au fil du temps, explique l'OMS.

Peur de la maladie, perte des repères sociaux, craintes pour son emploi, absence de projet pour l'avenir, mais aussi absence de visibilité sur la sortie de crise… plusieurs facteurs, expériences et émotions alimentent la fatigue pandémique. Elle se traduit différemment en fonction des individus mais peut se matérialiser par des insomnies, des crises d'anxiété ou encore des difficultés à se concentrer.

Cette notion, est surtout apparue dans « la deuxième moitié de l'année dernière » pointe auprès de Franceinfo, Abdel Boudoukha , professeur en psychologie clinique et pathologique à l'université de Nantes. Des études menées confirment l'installation de cet état de lassitude et de détresse. En France, les derniers résultats de l'enquête CoviPrev, sur l'évolution des comportements et de la santé mentale pendant l'épidémie de COVID-19, souligne que « les états anxieux et dépressifs ainsi que les problèmes de sommeil se maintiennent à un niveau élevé ». Par ailleurs, la prévalence des états dépressifs a été multipliée par deux entre fin septembre et début novembre. La crainte d'un reconfinement imminent alimente également ces phénomènes, indicateurs de la « fatigue pandémique »

2) Qui est particulièrement touché ?

Ce syndrome touche plus particulièrement certaines parties de la population. Les états anxieux et dépressifs sont plus nombreux « chez les 18-24 ans, les étudiants, les inactifs, les personnes déclarant une situation financière très difficile, les personnes déclarant vivre dans un logement surpeuplé ou encore celles déclarant des antécédents de troubles psychologiques », analyse l'enquête de CoviPrev.

« Les jeunes sont très touchés par cette fatigue pandémique car ce sont ceux qui vivent cette restriction des libertés de la façon la plus frustrante. Ce sont des personnes qui ne sont pas encore insérées dans le monde professionnel », abonde auprès de France Info, Abdel Boudoukha. Les personnes âgées sont également parmi les plus affectées. Elles se retrouvent isolées, privées de leur famille et d'un certain soutien social.

Ce phénomène est loin d'être propre à la France. Les experts à travers le monde mettent en garde contre une augmentation du besoin de services de santé mentale. Au Royaume-Uni cette hausse a été estimée à 20 %. Aux Etats-Unis, une étude portant sur 2.000 volontaires, a indiqué que 28 % des participants présentaient des signes de maladie mentale grave, contre seulement 3,4 % dans une même étude organisée en 2018. Autre conclusion : les jeunes adultes (18-44 ans) étaient dix fois plus susceptibles d'avoir des problèmes de santé mentale.

3) Comment cela se traduit sur le long terme ?

Le principal danger que pourrait entraîner cette fatigue pandémique est celui d'une baisse de l'acceptabilité des mesures mises en place par les gouvernements à travers le monde, détaille l'OMS. Les gestes barrières notamment pourraient être moins bien appliqués à mesure que les populations sont privées de contact humain sur la durée. Seulement, « avant qu'un vaccin ou un traitement efficace soit disponible, le soutien du public et les comportements protecteurs restent essentiels pour contenir le virus ».

Et cette désobéissance vis-à-vis des mesures restrictives commence à se faire sentir à travers le monde. En Allemagne, plusieurs milliers d'opposants aux mesures de restriction contre la circulation du coronavirus ont défilé dans la capitale allemande. Aux Pays-Bas, la mise en place d'un couvre-feu nocturne a entraîné des émeutes. A Florence, Milan, Rome, Madrid ou Barcelone, des milliers manifestants ont dénoncé les mesures de confinement décidées par les autorités sanitaires pour lutter contre le COVID.

En France, l'enquête CoviPrev note une adoption en baisse « des mesures en lien avec la limitation de l'interaction sociale ». C'est en partie ce phénomène qui a poussé le gouvernement à temporiser fin janvier, quand la menace d'un troisième confinement s'est faite ​de plus en plus pressante. « Les gens n'en peuvent plus, expliquait alors aux « Echos » un ministre. En mars dernier, le taux d'approbation du confinement était de 80 % au moins. Il est de 40 % aujourd'hui. »

4) Quelles solutions pour les gouvernements ?

Dans son étude, l'OMS ne se contente pas de dresser les particularités et les effets de la « fatigue pandémique ». Elle apporte également aux Etats des solutions pour « remotiver la population » dans la lutte contre le COVID-19.

L'Organisation mondiale de la Santé estime que « les gouvernements ont la possibilité d'atténuer » les effets néfastes des mesures de restrictions « grâce à une planification, une mise en oeuvre et une communication minutieuses ». En clair, lorsque les gouvernements font preuve de transparence, de clarté et de précision, s'attachent à expliquer l'importance des mesures mises en place, et fixent clairement leur durée d'application, les populations les acceptent plus facilement. Des points presse réguliers ainsi que l'utilisation de données qui permettent de comprendre facilement pourquoi la situation évolue font partie des solutions, de manière à introduire une dimension prévisible malgré les incertitudes.

Par ailleurs, l'OMS invite les gouvernements à se questionner sur les mesures acceptables ou non sur le long terme. Pour l'agence, une balance est à trouver entre le fait de laisser les gens vivre leur vie, tout en réduisant le risque. Une autre piste est mise en avant par l'agence onusienne : la mise en place de mesures de protection sociale supplémentaires. L'OMS recommande ainsi de rendre « facile et peu coûteuse » le respect des gestes barrières et des mesures de restrictions. Enfin, une attention particulièrement doit être portée sur les groupes de population « qui montrent des signes de démotivation », à l'instar des étudiants.

Source : https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/covid-pourquoi-le-syndrome-de-la-fatigue-pandemique-pourrait-relancer-lepidemie-1289860

Publié dans COVID-19, Santé, Société

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