Les bienfaits de l'assiette anti-inflammation
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La santé passe aussi par l'alimentation. Pour éviter d'aggraver l'inflammation naturelle de l'organisme qui peut déboucher sur de nombreuses maladies, un régime composé de fruits et de légumes, de céréales et de légumineuses est à privilégier. Explications.
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Pollution, stress, tabac… Face à ces agressions quotidiennes, l'inflammation chronique de notre organisme nous guette. Surtout, certains aliments consommés au quotidien pourraient constituer un facteur déclenchant. La voie est alors ouverte à de très nombreuses pathologies comme les affections cardiaques, la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn, le diabète ou encore la dépression. Bonne nouvelle, il est cependant possible de prévenir cette inflammation silencieuse, et parfois même de renverser la vapeur, en choisissant beaucoup mieux ce qui compose nos menus. En l'occurrence, réduire sa consommation de sucre, de produits ultra-transformés et de mauvaises graisses au profit des fruits et légumes, céréales et d'aliments lactofermentés.
Rappelons que l'inflammation constitue une réponse salutaire du système immunitaire qui permet à l'organisme de faire face aux agressions extérieures (traumatisme, corps étranger, infection, etc.). À condition d'être temporaire. Car les chercheurs ont constaté qu'une inflammation chronique, dite de bas grade, peut jouer un rôle déterminant dans l'apparition de l'athérosclérose, responsable d'infarctus du myocarde et d'accidents vasculaires cérébraux (AVC). "Le cholestérol de type LDL présent dans la circulation sanguine s'accumule sous forme de plaques d'athérome au niveau des bifurcations des vaisseaux où il s'oxyde, ce qui déclenche une réaction immunitaire par l'activation de macrophages. Or ce phénomène contribue, par un cercle vicieux, à intensifier l'inflammation et à augmenter la taille de la plaque, laquelle peut à tout moment se détacher pour obstruer une coronaire ou se déplacer jusqu'au cerveau", explique la Pr Karine Clément, directrice de l'unité Inserm-Sorbonne Université, NutriOmique, à Paris. Ces mêmes mécanismes pourraient d'ailleurs provoquer un diabète de type 2 chez les personnes obèses comme l'a montré Luciano Pirola, chercheur Inserm au Laboratoire de recherche en cardio-vasculaire, métabolisme, diabétologie et nutrition (Car-MeN) à Lyon.
Mais les personnes en surpoids ne sont pas les seules concernées. Selon des travaux parus dans la revue Cell, suivre un régime occidental typique - à base de viande rouge et de produits ultra-transformés riches en acides gras saturés et en sucres raffinés - entraînerait une réaction inflammatoire presque aussi forte qu'après une infection bactérienne. "Une alimentation hypercalorique riche en sucres et en graisses déséquilibre et appauvrit la composition du microbiote intestinal, explique Marie-Caroline Michalski, directrice de recherche Inrae au laboratoire CarMeN : "Elle modifie aussi la perméabilité de la barrière intestinale, permettant aux bactéries dites Gram négatif d'entrer dans la circulation sanguine. Or les parois de celles-ci contiennent des endotoxines particulièrement pro-inflammatoires (lipopolysaccharides) induisant une inflammation de bas grade ailleurs dans l'organisme."
Un lien a aussi été mis en évidence entre l'altération de la barrière intestinale et la perméabilité de la barrière hématoencéphalique qui isole le cerveau du reste de l'organisme. Et les conséquences ont été montrées sur les souris :
"Les lipo-polysaccharides activent la microglie, ces cellules neurales chargées d'assurer la défense du système nerveux central contre des agents infectieux", précise Guillaume Fond, psychiatre et chercheur à l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille. "Ils contribuent ainsi à une neuro-inflammation chronique pouvant être à l'origine de dépressions, de troubles bipolaires ou de schizophrénies."
Les polluants alimentaires sont aussi pointés du doigt. La dioxine, certains métaux lourds (cadmium, manganèse) présents dans le lait, les fromages et les poissons gras, ainsi que les pesticides organochlorés (DDT) sont lipophiles, autrement dit, solubles dans les graisses. "Ceux qui n'ont pu être éliminés par les mécanismes de détoxication du foie s'accumulent donc dans le tissu adipeux où ils provoquent ou entretiennent un état inflammatoire", précise Brigitte Le Magueresse-Battistoni, directrice de recherche Inserm au laboratoire CarMeN. En atteste une étude de Xavier Coumoul, professeur de biochimie à l'université de Paris, qui avec une équipe de l'Inserm, l'a montré sur des souris : soumises à un régime riche en graisses (45 % de l'énergie apportée) et exposées à plus de 5 μ g/kg de ce polluant organique, elles surexpriment plusieurs marqueurs de l'inflammation conduisant à une fibrose hépatique.
Meilleur atout pour lutter contre ces dérives : le régime dit méditerranéen. Adopter une alimentation composée principalement de fruits et légumes, de céréales complètes et de légumineuses serait associé à une diminution de 33 % du risque de dépression selon une récente méta-analyse basée sur les données de 36 556 adultes, menée par une équipe de l'Inserm et de l'université de Montpellier. Les fibres de ces aliments limitent l'absorption des graisses et agissent sur le microbiote intestinal. Certains végétaux (artichauts, poireaux, pommes…) apportent des fibres dites prébiotiques (pectine, inuline, fructo-oligosaccharides) dont les bactéries se nourrissent. Celles-ci libèrent dans l'intestin des acides gras à chaîne courte (butyrate), capables de moduler la réponse inflammatoire des cellules intestinales en réduisant l'expression de cytokines (TNF-α , IL-12). Sans compter que les polyphénols et les caroténoïdes des fruits et légumes sont de puissants antioxydants, capables de piéger les radicaux libres, les empêchant de détruire les composants lipidiques des membranes cellulaires.
Le régime méditerranéen fait également une place importante aux acides gras polyinsaturés de type oméga-3, présents dans les poissons gras (sardines, maquereau, saumon), les noix, les graines de lin, la mâche et le cresson. Ces acides gras essentiels contre-carrent la production de cytokines (TNF-α ) et d'interleukines (IL-1 β , IL-2 et IL-6) pro-inflammatoires. "L'idéal est de rétablir un bon équilibre entre la proportion d'oméga-6 (présents par exemple dans les huiles de tournesol et de pépins de raisin), et les oméga-3 à 5 pour 1 alors que le rapport actuel varie de 14 à 20 pour 1. Or consommés en proportion excessive, les premiers peuvent avoir un effet délétère en augmentant la synthèse de certaines prostaglandines pro-inflammatoires dans la circulation sanguine", note Marie-Caroline Michalski.
Le rôle des probiotiques, des micro-organismes (Lactobacillus, Bifidobacterium, Saccharomyces) présents dans les yaourts, les fromages, le pain au levain, certains dérivés du soja (tempeh, miso) ou certaines boissons (kéfir, kombucha), fait aussi l'objet de recherches pour traiter les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (Mici). Ils facilitent la production de mucine, une protéine entrant dans la composition de la barrière intestinale et favorisent la sécrétion de cytokines anti-inflammatoires. Nul doute, aider le corps à lutter contre l'inflammation passe par des choix alimentaires adaptés.
- FRUITS ET LEGUMES. Au moins 5 portions (80 à 120 g) chaque jour, 3 de légumes et 2 de fruits.
- FRUITS A COQUE. Une poignée de 30 g par jour.
- ALIMENTS LACTO-FERMENTES. 1 portion par jour au choix.
- LEGUMINEUSES (FABACEES). Au moins 2 portions de 150 g cuites par semaine.
- CEREALES COMPLETES. Au moins 1 portion de 150 g cuites par jour.
- HUILE. 2 cuillères à soupe par jour.
- POISSONS GRAS. 1 fois par semaine au maximum.
- ÉPICES. Aussi souvent que possible.
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- CÉRÉALES COMPLÈTES ET LÉGUMINEUSES. Leurs fibres ralentissent l'absorption des sucres et diminuent les marqueurs de l'inflammation (TNF-α, interleukine-6). À préférer bio.
- ÉPICES. La curcumine du curcuma, les proanthocyanidines et le cinnamaldéhyde de la cannelle, la capsaïcine du piment, la pipérine du poivre, les gingérols du gingembre ont de puissants effets anti-inflammatoires et antioxydants.
- LÉGUMES, FRUITS FRAIS ET À COQUE. Riches en fibres et en composés antioxydants (polyphénols, vitamine C, sélénium, zinc) qui luttent contre le stress oxydatif, déclencheur de l'inflammation. Fruits secs et graines sont sources d'oméga-3, anti-inflammatoires.
- ALIMENTS LACTO-FERMENTÉS . Naturellement riches en probiotiques (lactobacilles, bifido-bactéries…), yaourts, boissons fermentées (kéfir, lait ribot), fromages artisanaux, choucroute, pain au levain entretiennent l'équilibre du microbiote intestinal, favorisent la sécrétion de cytokines anti-inflammatoires et renforcent la barrière intestinale (jusqu'à 200 g par jour).
- HUILES VÉGÉTALES. Privilégier celles de noix, de colza et de cameline pour leurs apports en oméga-3. L'huile d'olive est riche en oléocanthal, un polyphénol aux vertus anti-inflammatoires et antioxydantes. Éviter celles de tournesol et d'arachide, trop riches en oméga-6, pro-inflammatoire.
- POISSONS GRAS. Sources d'acide eïcosapentaénoïque (oméga-3). Préférer les petits poissons (maquereaux, sardines) aux gros prédateurs (thon, saumon) contenant plus de polluants (dioxines, PCB, méthylmercure).
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Vingt minutes quotidiennes d'exercice physique seraient bénéfiques pour lutter contre l'inflammation selon des travaux de l'université américaine de San Diego en Californie (États-Unis) parus dans la revue Brain, Behavior and Immunity. L'exercice stimule des récepteurs adrénergiques et régule la sécrétion de cytokines (TNF-α ), en lien avec les mécanismes inflammatoires. Certaines de ces dernières, spécifiquement libérées au niveau des muscles (myokines), entrent aussi en jeu, ce qui permet de réduire ce stress oxydatif.
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- ALIMENTS FRITS ET GRILLÉS. La cuisson à haute température produit des AGE (produits finaux de la glycation avancée) qui entretiennent l'inflammation, et des amines hétérocycliques aromatiques (AHA), associées à un stress oxydatif.
- PRODUITS INDUSTRIELS ULTRA-TRANSFORMÉS. Les additifs dont les émulsifiants déséquilibrent le microbiote intestinal. Les acides gras trans (graisses hydrogénées) augmentent le taux de CRP dans le sang, marqueur de l'inflammation.
- PRODUITS SUCRÉS ET CÉRÉALES RAFFINÉES. Gâteaux, sodas, pain, pâtes et riz blancs provoquent une hyperglycémie, favorisent le stockage des graisses et provoquent un déséquilibre du microbiote.
- PRODUITS LAITIERS ET VIANDE ROUGE. Sources d'acides gras saturés et d'oméga-6, pro-inflammatoires. Privilégier œufs, produits laitiers, viande bovine et volaille portant le label Bleu-Blanc-Cœur garantissant une alimentation animale enrichie en oméga-3.