La santé environnementale doit devenir « une priorité du XXIe siècle », alerte un rapport parlementaire

Publié le par Le Monde via M.E.

Un rapport parlementaire adopté mercredi exhorte à s’attaquer aux causes environnementales de maladies comme l’obésité ou les cancers pédiatriques.

La santé environnementale, comprendre les impacts qu’ont les humains sur l’environnement et, en effet boomerang, leurs conséquences sur la santé humaine, doit être « une priorité du XXIe siècle ». Tel est le message principal du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale adopté mercredi 16 décembre par les députés.

Il prend une résonance particulière en pleine crise du coronavirus. « Qui n’a pas perdu un proche atteint par le COVID-19, une maladie qui fait son lit des comorbidités d’origine environnementale ? Cancers, obésité, diabète ont constitué des terreaux favorables à la létalité du virus, écrit la rapporteuse, Sandrine Josso. Et nous savons d’ores et déjà que ces maladies sont dues, au moins en partie, à des facteurs environnementaux d’origine humaine, comme l’usage des pesticides ou l’ingestion de perturbateurs endocriniens. »

A l’initiative de cette commission d’enquête, la députée (MoDem) de Loire-Atlantique a été confrontée à ces maladies dont les réponses des pouvoirs publics nourrissent des « inquiétudes » et une « défiance » croissante parmi la population. A titre personnel car l’un de ses enfants a eu un cancer, et parce qu’une commune de sa circonscription, Sainte-Pazanne, fait face à de nombreux cas de cancers pédiatriques.

A Sainte-Pazanne (Loire-Atlantique), le 25 novembre 2019. La commune fait face à de nombreux cas de cancers pédiatriques. SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

L’enjeu est considérable. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 15 % de la mortalité française serait liée à des causes environnementales au sens large : pollution de l’air, qualité de l’alimentation, mode de vie, etc.

« Indicateurs imprécis »

Depuis 2004, la France dispose d’un plan national santé environnement (PNSE). Il est censé programmer un ensemble d’actions visant à prévenir et à réduire les risques sanitaires liés aux dégradations de l’environnement sous toutes leurs formes : pollutions de l’air, de l’eau ou des sols, exposition aux produits chimiques dangereux, aux champs électromagnétiques ou au bruit.

Le quatrième PNSE, qui doit couvrir la période 2020-2024, était en consultation publique jusqu’au 9 décembre. Sera-t-il plus efficace que les précédents ? La rapporteuse en doute : « Il n’y a ni chiffre ni contenu. » Le PNSE 3 – qui comportait 110 mesures contre 19 « actions » pour celui-là – n’avait fait l’objet d’aucun suivi ou presque. Avec, au bout du compte, aucun impact sanitaire positif mesurable. Le rapport pointe ainsi des « indicateurs imprécis » qui rendent une « véritable évaluation difficile » ou encore « un pilotage éclaté qui nuit à l’intelligibilité et à la crédibilité des actions ».

Au-delà du PNSE, le rapport appelle à « une réorientation de nos politiques ». Selon la commission d’enquête, présidée par Elisabeth Toutut-Picard (Haute-Garonne, LRM), cette réorientation doit passer d’abord par un changement de paradigme : « Développer la recherche préventive, qui ne représente à ce jour qu’une faible fraction de l’effort consenti en faveur de la recherche curative. »

Parmi la vingtaine de propositions retenues par les membres de la commission, figure ainsi en première place la nécessité de développer des programmes de recherche intégrant des approches méthodologiques relevant des sciences humaines et sociales, centrés sur les effets combinés (les fameux « effets cocktail ») et les effets dus aux expositions multiples à faible dose. Cette proposition fait écho aux affaires médiatiques comme celle des « bébés sans bras » ou aux attentes de parents qui, un peu partout en France, de l’ancien site minier de Salsigne à la zone portuaire de Fos-sur-Mer en passant par la vallée polluée de l’Arve, ont décidé de prendre les choses en mains (en organisant par exemple eux-mêmes le dépistage de polluants chez leurs enfants par le recours à des laboratoires indépendants) face à l’« inertie » de l’Etat.

Prévenir l’obésité

Dans le même registre, le rapport préconise de renforcer l’effort de recherche prévu dans la loi de programmation de la recherche afin d’établir les causes environnementales à travers l’étude de « l’exposome », c’est-à-dire l’ensemble des expositions à des facteurs environnementaux, et de prendre davantage en compte les effets combinés et les multi-expositions dans l’évaluation des risques sanitaires. Cette tâche incombe aujourd’hui essentiellement à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) dont la position a été mise à mal dans plusieurs dossiers liés aux pesticides.

La commission d’enquête recommande par ailleurs de « placer les cancers pédiatriques au cœur de la prochaine stratégie décennale de lutte contre le cancer ». En France, un cancer est diagnostiqué chez un enfant ou un adolescent toutes les quatre heures, selon les chiffres de l’Institut national du cancer, soit 2 200 mineurs en moyenne par an. « La plupart survivent, mais certains en meurent. Les parents, eux, sont démunis face à ces drames », commente la présidente de la commission, Mme Toutut-Picard.

Le rapport insiste en outre sur une maladie en pleine explosion chez les jeunes : l’obésité. La commission propose de transformer l’actuelle « feuille de route » obésité en « une stratégie nationale de prévention de l’obésité », incluant le traitement de ses facteurs environnementaux, ou encore de créer un diplôme de « médecin obésitologue ».

A lire aussi :

- « Il n’y a ni contenu ni chiffre. C’est vide » : le projet de plan national santé environnement du gouvernement fortement critiqué, Le Monde, 27 octobre 2020.

- Dominique Méda : « Il est nécessaire d’investir massivement dans la prévention, parent pauvre de la politique de santé », Le Monde, 28 novembre 2020.

N.B. Le rapport de la commission d'enquête parlementaire "Commission d’enquête sur les politiques publiques de Santé environnementale"  ne sera disponible qu'en janvier 2021. On peut néanmoins connaître ici les principales recommandations : https://www.elisabeth-toutut-picard.fr/wp-content/uploads/2020/12/Recommandations-Avant-propos.pdf

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