Les espaces verts à moins d’un kilomètre, un sale coup pour les Lillois
Si les parcs et jardins restent ouverts malgré le reconfinement, la règle du kilomètre, appliquée à des espaces verts lillois rares et mal répartis, consacre les inégalités entre habitants, dont beaucoup seront privés de nature pendant des semaines.
Pour un peu, on regretterait le premier confinement. Les espaces verts étaient tous fermés. Un crève-cœur, d’accord, mais tout le monde était logé à la même enseigne [1]. Cette fois, les parcs et squares restent ouverts. Une excellente nouvelle ? À condition d’habiter à moins d’un kilomètre, en vertu des règles de en vigueur.
Ça ne devrait pas être un problème à Lille. La ville ne se vantait-elle pas en 2019, dans une impayable campagne d’affichage, de proposer « 80 parcs » à ses administrés ? Mieux, dans son dossier de candidature à la capitale verte européenne, en 2018, elle affirmait sans rire que « 86 % des Lillois vivent à moins de 300 mètres d’un espace de nature significatif ». 86 % ! À moins de 300 m ! Autant dire que dans un rayon d’un kilomètre, tout le monde a forcément « un espace vert significatif », square, plate-bande ou arbre en pot.
Trêve de rigolade. Lille n’est pas seulement l’une des grandes villes les plus minérales de France, avec ses 10 m² d’espaces verts publics par habitant, sans les cimetières. Elle est aussi injuste dans la distribution de ses rares bulles de nature. Vauban-Esquermes compte 30 m² d’espaces verts par habitant ; Wazemmes, 0,5 m². Dans ce quartier populaire, comme dans tous les secteurs d’habitat privé et dense, tels Moulins ou Fives, l’horizon sera gris et étroit pendant des semaines.
Le déséquilibre est ancien. Le virus l’aggrave en balayant ses exutoires, les escapades vers le lac du Héron, le parc de la Deûle, la Citadelle, voire le jardin des plantes, désormais interdits à la majeure partie de la population. À travers cet empêchement, c’est bien la résilience de Lille qui est questionnée, sa capacité à surmonter des chocs, climatiques ou sanitaires, les vagues de chaleur comme de COVID.
Ces faiblesses sont connues. Martine Aubry, reconduite dans ses fonctions au terme d’une campagne riche en propositions de tous les candidats sur ce sujet, a promis « 90 hectares d’espaces verts créés ou réaménagés », dont un éventail de nouveaux parcs, rue de Canteleu, place du Maréchal-Leclerc, rue Saint-Jacques, à Fives-Cail, ou encore à Saint-Sauveur. Dans un avenir parfois lointain.
La leçon, toutefois, est que "le coup par coup" ne suffira pas. Pour être juste, la « métamorphose paysagère » évoquée par le maire devra être planifiée et maillée à l’échelle de chaque quartier, condition d’un égal accès de tous les habitants aux espaces de respiration. Le slogan est tout trouvé : « Un parc à moins d’un kilomètre pour 100 % des Lillois ». Sans blague, cette fois.
[1] Hormis les habitants d’une maison avec jardin. Mais puisque 77 % des logements à Lille sont des appartements…