COVID-19: pour l’IPBES, biodiversité rime avec prévention sanitaire

Publié le par J.D.L.E. via M.E.

Symptôme de la destruction de la nature par l’homme, la COVID-19 augure d’autres pandémies à venir, prévient l’IPBES dans un rapport publié jeudi 29 octobre. Pour l’organisme scientifique, il est temps de mettre en œuvre une prévention sanitaire reposant sur la protection de l’environnement.

Près de 45 millions de personnes atteintes à travers le monde, 1,18 million de morts, confinements et reconfinements en série: partie de Chine fin 2019, la pandémie de COVID-19 n’en finit plus de ravager la santé et l’économie mondiales. Jugé comme exceptionnel, un tel évènement pourrait bien devenir récurrent d’ici peu, prévient l’IPBES [1] dans son rapport publié jeudi 29 octobre.

Fruit d’un atelier en ligne organisé en juillet, ce rapport, réalisé en urgence par 22 experts sans passer par le processus usuel d’approbation intergouvernementale, dresse l’état des connaissances sur les liens entre biodiversité et maladies émergentes, et émet des propositions pour prévenir de telles crises.

Des centaines de milliers de virus nous guettent

Plus de 70% des maladies émergentes, telles qu’Ebola, Zika et l’encéphalite à virus Nipah, ainsi que l’ensemble des pandémies (grippes, sida, SRAS, COVID-19), sont d’origine animale. Or ces pathogènes ne constituent qu’un infime échantillon de ceux circulant dans la faune sauvage: les mammifères et les oiseaux hébergeraient un total de 1,7 million de virus non décrits à ce jour, dont 540.000 à 850.000 auraient la capacité d’infecter l’homme, rappelle l’IPBES.

Comment expliquer que ces virus s’échappent de leur réservoirs naturels (chauves-souris, rongeurs, primates, mais aussi volaille et porcs) pour engendrer une pandémie? Tout simplement en raison des dommages causés par l’homme à son environnement: à lui seul, le changement d’usage des sols, dont l’urbanisation, la déforestation et l’expansion agricole, serait responsable de plus de 30% des maladies émergentes survenues depuis 1960.

Autre facteur de maladies émergentes, le commerce d’animaux sauvages, légal ou illégal. Le commerce légal a quintuplé en 15 ans, constituant désormais un marché mondial de 107 milliards de dollars en 2019. Quant au marché illégal, il serait compris entre 7 et 23 milliards de dollars par an.

Ces deux facteurs, changement d’usage des sols et commerce d’animaux sauvages, altèrent les interactions entre la faune sauvage et ses pathogènes, mettant ces derniers en contact avec les élevages et l’homme, et accroissant in fine le risque de pandémie. Le changement climatique pourrait aussi entrer en jeu à l’avenir, en favorisant les migrations d’espèces (réservoirs, vecteurs), mais aussi de populations humaines.

Passer de la gestion de crise à la prévention

Or l’humanité, si elle détruit allègrement son environnement, est bien mal armée contre les conséquences de ses actes. «La Chine a agi rapidement en identifiant très vite le virus responsable de la Covid-19, mais c’était déjà trop tard. Nous voici désormais en train d’attendre un vaccin ou un médicament», observe Peter Daszak, président de l’EcoHealth Alliance, qui a dirigé le rapport de l’IPBES.

Pour les 22 experts, il s’agit de changer au plus vite de modèle sanitaire, en passant d’un système de gestion de crise sanitaire à une approche préventive. Pour cela, ils proposent la mise en place d’une instance intergouvernementale spécialisée dans la prévention des pandémies, qui serait non seulement chargée d’identifier les zones à risque d’émergence et de chiffrer l’impact économique de potentielles pandémies, mais aussi d’élaborer un cadre international pour l’approche One Health (alliant santé humaine, santé animale et protection de l’environnement).

Faisant siennes les préoccupations en vigueur dans la lutte contre le réchauffement, l’IPBES propose de modifier radicalement nos régimes alimentaires, notamment en réduisant notre consommation d’huile de palme, de bois exotique ou encore de viande –quitte, pour celle-ci, à mettre en place des taxes. «La consommation excessive de viande est mauvaise pour notre santé, elle n’est pas durable et elle favorise le risque pandémique. Il y a des parallèles entre la prévention des pandémies et le réchauffement climatique», observe Peter Daszak.

Outre qu’elle serait bénéfique pour le climat et la biodiversité, l’approche préventive prônée par l’IPBES serait aussi très profitable d’un point de vue économique. Selon les experts, elle ne coûterait qu’entre 40 et 58 milliards de dollars par an, soit 20 fois moins que le coût mondial des pandémies. A elle seule, la Covid-19 avait déjà coûté entre 8.000 et 16.000 milliards de dollars à l’économie mondiale en juillet 2020.

[1] Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques

Source : https://www.journaldelenvironnement.net/article/covid-19-pour-l-ipbes-biodiversite-rime-avec-prevention-sanitaire,110873

Publié dans Biodiversité, Santé, COVID-19

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :