Canicule, sécheresse : le parc nucléaire contraint de s'adapter

Au début du mois, EDF a dû moduler la production de la centrale de Golfech, pour limiter le réchauffement des eaux de la Garonne. Des adaptations sont en cours pour respecter les normes environnementales et sécuritaires lors de températures élevées.

C'est devenu récurrent depuis la multiplication des étés très chauds. Avec la canicule qui sévit en France, et la sécheresse qui s'est installée depuis des semaines, les centrales nucléaires tricolores sont à nouveau sous surveillance. EDF a déjà été contraint de réduire l'activité de la centrale de Golfech , située entre Toulouse et Bordeaux sur les rives de la Garonne. La modulation n'a été nécessaire que quelques heures, les 31 juillet et 1er août. L'impact sur la production a été limité : 200 mégawatts environ, sur un total de 1.300 mégawatts pour le réacteur concerné, selon l'électricien français.
En 2019, deux épisodes de canicule en juin et juillet avaient perturbé la production dans les centrales de Golfech (Tarn-et-Garonne), du Tricastin (Drôme), Saint-Alban (Isère), Bugey (Ain) et Chooz (Ardennes). En août 2018, Bugey, Saint-Alban et Fessenheim (Haut-Rhin) avaient été affectés.
Les fortes chaleurs posent plusieurs problèmes pour le parc nucléaire. Les centrales situées sur les fleuves prélèvent l'eau nécessaire au refroidissement des réacteurs et des piscines d'entreposage du combustible. Elles la rejettent ensuite, plus chaude, en aval du cours d'eau. La réglementation environnementale fixe des limites de température pour l'eau en aval des centrales afin de préserver la faune et la flore aquatiques (28 degrés dans le cas de la Garonne à Golfech).
Une sécheresse prolongée peut également nécessiter des adaptations parce qu'elle réduit le débit des cours d'eau. C'est ce qui s'est produit à Cattenom, en Moselle, cette semaine. En raison du faible débit du fleuve, EDF a dû prélever plus que d'habitude dans la retenue d'eau de Mirgenbach pour refroidir les installations de la centrale. Ces opérations « peuvent aboutir à la concentration, dans la retenue, de produits de traitement », explique l'électricien. EDF souligne que les chaleurs ont un impact très limité sur la génération d'électricité : en moyenne seulement 0,25 % de la production annuelle du parc au cours des vingt dernières années.
« Mais les épisodes climatiques extrêmes plus fréquents et plus intenses mettent le parc nucléaire français en situation de stress », estime Yves Marignac, de l'association NégaWatt. Au-delà de l'environnement, les canicules « peuvent avoir des conséquences sur le fonctionnement des ventilations, des matériels de sûreté, et sur les capacités de refroidissement des systèmes de sûreté assurant l'évacuation de la puissance du réacteur », relève l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dans une note publiée fin juillet.
Les températures retenues lors de la conception des réacteurs « ont été dépassées en 2003 et 2006 », rappelle l'IRSN, ce qui a conduit EDF à renforcer les installations. « Des équipements ont été remplacés par de nouveaux matériels ayant une meilleure tenue à des températures élevées ». L'électricien réalise aussi des tests de température sur les groupes électrogènes de secours. Il s'agit là de « matériels essentiels à la sûreté des réacteurs dans différentes situations accidentelles », souligne l'IRSN. Or « de fortes températures peuvent perturber leur fonctionnement ».
Enfin EDF va réévaluer les températures à considérer pour chaque site dans le cadre des visites décennales qui ont démarré l'an dernier au Tricastin , afin de tenir compte du changement climatique. « L'avantage des épisodes caniculaires, c'est qu'ils sont anticipés, laissant le temps d'adapter la production avec des baisses de régime ou des arrêts », relève Yves Marignac. « Il subsiste néanmoins des incertitudes qui doivent être levées ».
La moindre disponibilité de l'énergie nucléaire en été pourrait aussi poser un problème de sécurité d'approvisionnement à terme, d'autant que la consommation électrique augmente en parallèle avec le recours accru à la climatisation. « C'est une contrainte supplémentaire en été pour le système électrique qui doit déjà tenir compte des arrêts pour maintenance », conclut le militant associatif.