Canicule : des nuits extrêmement chaudes
Depuis le début de cet épisode caniculaire, en plus de journées particulièrement chaudes, les nuits ont souvent été difficiles à supporter, surtout dans les villes. Certaines villes ont même battu leur record absolu de température minimale élevée au cours des dernières nuits. En voici quelques exemples.
La nuit de vendredi à samedi a été particulièrement étouffante des collines normandes à la baie de Seine jusqu'à la Côte d'Opale. Des stations de référence anciennes, voire très anciennes, ont battu des records absolus de température minimale élevée. Des minimales de l'ordre de 25 °C ont été relevées sur le relief normand, des Alpes mancelles au Perche, ainsi que plus au nord à Boulogne-sur-Mer.
Quelques records :
- Boulogne-sur-Mer (station ouverte en 1947) : 25,2 °C battant les 24,4 °C du 8 août 1975 ;
- Saint-Gatien-des-Bois - près de Deauville (1949) : 22,4 °C battant les 21,9 °C du 3 août 1995 ;
- Sainte-Marie-du-Mont - plages du débarquement (1997) : 19,6 °C battant les 19,4 °C du 20 juillet 2016 ;
- Pré-en-Pail (Alpes mancelles) (1945) : 25,1 °C battant les 24,9 °C du 25 juillet 2019 ;
- Bellême (Perche) (1997) : 25,1 °C battant les 23,1 °C du 31 juillet dernier ;
- Alençon (1946) : 22,2°C battant les 21,1°C du 29 juin 1976.
À Paris, sur la Tour Eiffel, on a enregistré 28,5 °C, la même valeur que le 25 juillet 2019, jour où le mercure avait atteint son record dans la capitale, 42,6 °C et à seulement 0,1 °C du record de 28,6 °C le 13 août 2003, pendant la canicule la plus intense qu'ait connu notre pays.
C'est en Picardie que des records absolus de température minimale élevée ont été battus cette nuit :
- Beauvais (station ouverte en 1944) : 21,4 °C (ancien record 20,7 °C le 13/ août 2015) ;
- Amiens : 21,2 °C (ancien record 21,1 °C le 4 juillet 2015) ;
- Rouvroy-les-Merles (Oise) : 21,9 °C (20,6 °C le 26 juillet 2019).
Plus au nord, ce sont des records mensuels (pour un mois d'août) qui sont tombés :
- Lille (station ouverte en 1944) : 23,0 °C (ancien record 22,4 °C le 09 août 2004) ;
- St-Quentin (station ouverte en 1933) : 21,7 °C (ancien record 21,0 °C le 09 août 2004) ;
- Roubaix (station ouverte en 1965) : 23,6 °C (ancien record: 22,5 °C le 04 août 1990).
La chaleur est accentuée la nuit dans les grandes agglomérations. Cet effet est appelé îlot de chaleur urbain.
La nuit, la température en ville peut rester plus élevée que dans les zones rurales voisines ; il se crée ainsi une bulle de chaleur sur la ville, appelée îlot de chaleur urbain (ICU).
En ville au contraire, les matériaux des bâtiments et des surfaces urbaines emmagasinent l'énergie solaire et la restitue à l'atmosphère urbaine. L'air au-dessus de la ville se refroidit donc moins qu'à la campagne générant ainsi l'ICU, phénomène essentiellement nocturne qui traduit l'écart de température observé entre une agglomération et les zones moins urbanisées alentour.
Avec son tissu urbain très dense, Paris génère un ICU qui se traduit par des différences de températures nocturnes avec les zones rurales voisines de l'ordre de 2,5 °C en moyenne annuelle. Ces différences peuvent atteindre 10 °C en été, en cas de situation anticyclonique par vent faible et ciel clair, comme les canicules. L'ICU se caractérise généralement à l'échelle d'une agglomération.
Au cours du XXle siècle, les vagues de chaleur seront de plus en plus fréquentes, longues et intenses en France. En juin, juillet, août, les projections climatiques réalisées par les climatologues de Météo-France à Paris indiquent une hausse des températures moyennes comprise entre 1,0 et 5,3 °C. Le nombre de journées annuelles avec une température maximale supérieure à 25 °C devrait passer de 59 à 109, contre 49 jours actuellement. Le nombre de jours de canicule devrait atteindre 3 à 26 jours par an, au lieu d'1 jour en moyenne actuellement. Le territoire parisien, déjà plus sensible aux événements extrêmes que les communes rurales, devra faire face à une amplification de l'inconfort thermique en raison de son îlot de chaleur urbain particulièrement intense en période de fortes chaleurs. Cette perspective d'un nouveau contexte climatique incite à l'adaptation et à la mise en œuvre de solutions de thermorégulation pouvant influencer l'intensité des ICU.
Une nouvelle étude publiée dans Environmental Research Letters : Les canicules, qui vont devenir de plus en plus fréquentes et intenses, constituent une menace pour le bien-être et la santé des personnes. Pourra-t-on s'y adapter sans recourir massivement à la climatisation, qui par son importante consommation d'énergie peut mettre en péril nos efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Dans le cas de l'Île-de-France, cela sera difficile, selon une équipe interdisciplinaire de l'École des Ponts ParisTech, du CNRS, de Météo-France et du CSTB. Cependant, la végétalisation des villes, une meilleure isolation des bâtiments, la mise en place de toitures réfléchissantes et un usage raisonné de la climatisation pourraient permettre de réduire presque de moitié la quantité d'énergie nécessaire à celle-ci, comme le montrent leurs résultats publiés dans Environmental Research Letters.
En savoir plus : http://www.cnrs.fr/fr/faire-face-aux-canicules-paris-sans-climatisation