COVID-19 : la France, confinée car «mal préparée»

Publié le par J.D.L.E. via M.E.

Comment expliquer les différences de mortalité liée à la Covid-19 d’un pays à l’autre? Dans une note publiée mercredi 6 mai par Terra Nova, l’historien des populations Paul-André Rosental dépoussière les données nationales de mortalité, dévoilant ainsi l’état des systèmes de santé. Sans surprise, la France s’y révèle être un pays «mal préparé», optant, faute de choix, pour un confinement dur.

Policiers à Paris sur les Champs Elysées le 17 mars 2020

Si les données abondent sur la mortalité et le nombre de contaminations par pays, il est actuellement difficile de comparer l’efficacité de la réponse apportée par chaque pays à l’épidémie de Covid-19, tant leurs situations divergent par la densité, la concentration et la structure d’âge de la population, ou encore par l’intensité des flux de circulation.

«Un pays ouvert sur le monde, dense, dont la population est plutôt plus âgée et concentrée dans quelques métropoles, est à l'évidence plus exposé aux ravages du virus qu'un pays moins connecté aux échanges, peu dense, plus jeune et sans grande métropole», explique Paul-André Rosental, professeur à Sciences Po, dans la note qu’il a rédigée pour Terra Nova.

Un classement selon la mortalité corrigée

Afin de mener la comparaison entre pays, l’historien a corrigé les données nationales de mortalité par ces données démographiques, parvenant à un classement de 24 pays : les deux moins touchés s’avèrent être le Japon et la Corée du Sud, suivis par les pays germaniques et scandinaves (Norvège en 5ème position, Autriche 7ème, Allemagne 8ème, Suède 9ème). La France se retrouve au début du bloc intermédiaire (11ème position), avec le Portugal (10ème), les Pays-Bas (12ème) et le Royaume-Uni (15ème). En queue de classement, se trouve l’Iran (24ème), devancé par les Etats-Unis (17ème), la Suisse (19ème), l’Espagne (20ème), la Belgique (21ème) et l’Italie (22ème).

Comment expliquer de telles différences de mortalité, une fois les différences démographiques aplanies? Tout simplement par l’état préexistant de leur système de santé, ainsi que par les réponses apportées à l’épidémie. Exemple, les pays germaniques et scandinaves ont réussi à lutter l’épidémie sans confinement sévère, parce que leurs dépenses de santé demeurent élevées, avec un nombre important de lits hospitaliers (pour les pays germaniques), une grande qualité des soins intensifs et parce qu’ils ont pratiqué un dépistage très actif de la Covid-19.

Bien que riches, les pays du bloc intermédiaire, dont la France, présentent des systèmes de santé aux caractéristiques «très inférieures». Certains d’entre eux, dont les Pays-Bas, le Canada et le Royaume-Uni, ont par ailleurs tardé à mettre en place des mesures de confinement, tablant dans un premier temps sur l’immunité de groupe. Pour le Royaume-Uni, cette réticence initiale est probablement à l’origine de la mortalité élevée, le pays arrivant désormais en tête des pays européens pour le nombre de décès.

Manque de préparation, donc confinement sévère

Paul-André Rosental se montre sévère sur la stratégie adoptée par la France: «faute d’infrastructures de santé équivalentes à la Norvège ou à l’Allemagne par exemple, notre pays ne pouvait pas se passer de mesures restrictives». «Mais ses autorités publiques, à tort ou à raison, ont visiblement considéré ne pas pouvoir compter sur l’adhésion des populations à des mesures de confinement ‘qualitatives’ se limitant à la ‘distanciation sociale’ dans l’espace public – à l’exemple allemand et suédois là encore», ajoute-t-il.

Plutôt qu’un appel à la responsabilité des citoyens, comme l’Allemagne, la France a donc opté pour une approche plus autoritaire. «La fameuse dérogation obligatoire pour les déplacements, qui ne laisse pas d’intriguer ou d’amuser les ressortissants des pays voisins [mais aussi mise en place en Italie, NDLR], se comprend dans ce contexte: les mesures anti-épidémie ont ainsi été officiellement placées sous le ressort de l’autorité politique et administrative plutôt que du comportement responsable des citoyens», ajoute l’historien des populations.

Pays «mal préparé», la France «manifeste le cas remarquable d’un pays riche, aux dépenses de santé publique imposantes, mais dont le gouvernement a malgré tout été privé, sans véritablement pouvoir le dire, de tous les instruments, tant proactifs que réactifs, les plus efficaces dans la lutte contre l’épidémie», explique-t-il.

Reprenant la métaphore guerrière lancée par Emmanuel Macron, Paul-André Rosental juge que «les personnels de santé se sont retrouvés dans la position d’une armée de métier de grande qualité, mais chargée de tenir un front avec un armement insuffisant et des protections médiocres».

Pourquoi le Japon s’en tire mieux
Après prise en compte de sa forte densité, de sa forte concentration de population et de son pourcentage élevé de personnes âgées, le Japon est le pays qui obtient la meilleure ‘mortalité corrigée’. Idem pour la Corée du Sud, deuxième du classement. Paul-André Rosental l’explique par «un grand nombre de lits [hospitaliers] et une grande qualité de soins intensifs», mais pas seulement. D’autres données, non quantifiables, pourraient entrer en jeu, tels que «l’effort d’hygiène dans les espaces privés et publics et notamment les transports en commun, l’habitude du port du masque et, sans doute, d’appliquer les consignes gouvernementales, voire d’appliquer un contrôle social sévère pouvant aller jusqu’à la délation dans le cas coréen».
 
 
A (re)lire : Pourquoi les pays de l'Est de l'Europe souffrent-ils moins du Coronavirus que ceux de l'Est ?

Coronavirus : tirer les leçons de l’exemple allemand (réactualisé au 27 avril 2020) http://www.vigieecolo.fr/2020/04/coronavirus-tirer-les-lecons-de-l-exemple-allemand.html

COVID-19 : Ce que les occidentaux pourraient apprendre de l'Asie http://www.vigieecolo.fr/2020/03/covid-19-ce-que-les-occidentaux-pourraient-apprendre-de-l-asie.html


 

Publié dans Santé, Gouvernance, COVID-19

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