Aux États-Unis aussi, la pollution de l’air aggrave l’impact du COVID-19
Une étude de l’Université de Harvard apporte la preuve que les Américains vivant dans des régions à l’air très pollué ont plus de risques de mourir du COVID-19.
Les ordinateurs de l'école de santé publique de Harvard n'ont pas chômé depuis l'arrivée du coronavirus sur le territoire américain fin février 2020. Ils ont brassé une multitude de données pour fournir un résultat presque prévisible : les régions les plus polluées seront celles qui vont compter le plus grand nombre de décès du fait de l'épidémie en cours.
Les chercheurs ont compilé les données de santé et économiques de 3 080 comtés (des arrondissements équivalents aux communautés de communes en France) représentant 98% de la population des États-Unis : nombre d'habitants, lits hospitaliers disponibles, pourcentage de fumeurs et d'obèses ainsi que les conditions météo depuis le début de la pandémie ainsi que la moyenne des teneurs en particules fines enregistrées sur les dernières décennies. Et ils ont confronté ces statistiques au nombre de cas de COVID-19 enregistrés sur chaque territoire avant le 4 avril. Les chercheurs ont ainsi déterminé que quelqu'un qui vit depuis des décennies dans un comté subissant un haut niveau de concentration de particules fines a 15 % de risques supplémentaires de mourir du Covid-19 qu'un habitant vivant dans un comté où les concentrations ne seraient inférieures que de 1 microgramme par m3 (µg/m3). L'article est actuellement soumis à lecture au New England Journal of Medicine.
Les concentrations en particules fines provoquent un surcroît de pathologies respiratoires et cardiaques, notamment des syndromes respiratoires aigus qui abaissent les défenses immunitaires et facilitent l'introduction du virus dans les poumons et les bronches. C'est ce que vient de souligner une étude menée dans le nord de l'Italie. Le travail américain conforte ces résultats. Le lien de cause à effet entre pollution de l'air et épidémies commence ainsi à être établi.
Commentant ces travaux, le New York Times s'est livré à un calcul édifiant. Si les autorités de New York avait réussi ces dernières années à réduire sa pollution d'un seul µg/m3 de particules fines dans le quartier central de Manhattan, elles auraient sauvé la vie de 248 victimes sur la durée actuelle de l'épidémie. Les différences vont donc être abyssales entre les zones les moins polluées et celles voisinant les zones industrielles et les centrales thermiques à charbon et au gaz où habitent en majorité des populations pauvres et appartenant aux minorités ethniques. C'est ce que souligne Gena MacCarthy, présidente de l'ONG environnementale Natural Ressources Defense Council (NRDC) dans un tweet. “Cette crise n'est pas seulement un problème de santé publique. Elle est directement reliée à l'équité sociale et à la justice environnementale. C'est en lien avec notre combat pour un air pur, de l'eau propre, un environnement sain et des communautés en bonne santé.[…] COVID-19 nous affecte tous mais les groupes sociaux les plus pauvres et les minorités de couleur pourraient faire face à un risque accru.”
Les auteurs de l'étude aimeraient, eux, qu'on tienne compte de leurs constats. “Les comtés les plus pollués seront ceux qui auront le plus grand nombre d'hospitalisations, le plus de morts et c'est là que devraient être concentrées le plus de ressources en matériels et en soignants”, estime ainsi l'auteur principal Francesca Dominici, professeure de bio-statistiques à Harvard. Selon leurs constats, la vallée centrale de Californie et les comtés les plus pollués de l'Ohio devraient enregistrer le plus grand nombre de victimes de l'épidémie en cours.
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