Incendie de forêts : la menace de Tchernobyl ressurgit et émet un panache sur l’Europe

Pendant presque deux semaines, un incendie géant a eu lieu dans la zone interdite autour de Tchernobyl. Les flammes ont remis en suspension des radionucléides dans l’atmosphère. Si les niveaux de radioactivité à Kiev sont restés faibles, les autorités surveillent l’impact du panache de fumée sur l’Europe et la France.

Même si l’Ukraine est peu touchée par la crise du Coronavirus, le pays est en alerte et a promis un million de dollar pour participer à l’aide du développement d’un vaccin. Dans ce contexte, Kiev se serait bien passé de cette première quinzaine qui a réveillé une lourde balafre dans le territoire : la centrale de Tchernobyl. Depuis le début du mois, l’un des plus grands incendies a eu lieu dans la région et s’est attaqué à la zone interdite de 30 kilomètres entourant les installations accidentées en 1986.
Depuis le 3 avril, un immense incendie déclenché par de jeune Ukrainiens "pour s’amuser", selon leurs propres dires, s’est étendu dans les zones les plus irradiées et donc interdites autour de la centrale. Il aura fallu le travail acharné de pompiers et l’aide de pluies bienvenues le 14 avril pour enfin maîtriser les flammes jusqu’alors alimentées par le vent et une sécheresse inhabituelle. Les autorités du pays, Greenpeace Russie et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) confirment qu’il n’y a désormais plus de danger alors qu’en début de semaine, les flammes se rapprochaient dangereusement des sites de stockages de déchets radioactifs et du sarcophage du réacteur.
"Il n’y a plus qu’un seul point thermique visible depuis l’espace sur la zone brûlée par le premier incendie [loin de la zone d’exclusion] et plus aucun en ce qui concerne le deuxième feu", détaille l’ONG. "Compte tenu des prévisions météorologiques, nous pouvons dire que le danger semble être écarté", assure l’ONG. Du moins le danger des flammes, car demeure le danger radiologique. Avec les incendies, les radioéléments du sol ont été en partie remis en suspension dans l’atmosphère, en particulier le césium 137, et pourraient se répandre en Ukraine et au-delà des frontières du pays.
Des niveaux de césium 137 supérieurs à la moyenne ont été enregistrés selon la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD). Même si ceux-ci ne représentent pas un danger en raison de leur brièveté, il faut tout de même les surveiller. D’autant plus que dans les premiers jours de l’incendie, le gouvernement ukrainien avait évoqué des taux de radioactivité élevés dans les zones incendiées avant de cesser toute communication sur le sujet.
Vous pouvez consulter également notre modélisation de la dispersion du panache dû à ces incendies en Europe (voir communiqué IRSN ci-après et vidéo YouTube)
L’IRSN mène une surveillance du territoire français pour mesurer les conséquences de l’incendie. Il a d’ailleurs publié une modélisation de la dispersion du panache de l’incendie sur l’Europe. "Les masses d’air provenant de la zone des incendies qui se sont produits les 5 et 6 avril ont pu atteindre la France à partir de la soirée du 7 avril 2020. Au 14 avril 2020, ces masses d’air recouvraient encore la moitié du territoire. Les niveaux de radioactivité attendus en France sont extrêmement faibles", explique l’institut français qui en donnera les détails la semaine prochaine.
Un nuage radioactif a déjà survolé la France en 2017. Difficile à identifier, il s’est révélé être dû un accident dans un centre de traitement de déchets en Russie. Des experts en ont confirmé l’origine malgré les démentis de Moscou.
15/04/2020

Depuis la parution de la note d’information de l’IRSN du 7 avril 2020, les incendies en Ukraine se sont étendus jusqu’à atteindre l’environnement proche de la centrale de Tchernobyl. Selon les autorités ukrainiennes, ces incendies seraient désormais sous contrôle. L’IRSN publie une nouvelle note d’information qui fournit une évaluation des impacts radiologiques possibles pour les intervenants ainsi que pour les habitants de Kiev. Elle fait aussi le point sur les niveaux d’activités dans l’air susceptibles d’être détectés en France en raison du transport de masses d’air contaminées par ces incendies.
L’IRSN a fait une estimation par modélisation de la radioactivité remobilisée par les incendies. Ces simulations indiquent que les masses d’air provenant de la zone des incendies qui se sont produits les 5 et 6 avril ont pu atteindre la France à partir de la soirée du 7 avril 2020. Au 14 avril 2020, ces masses d’air recouvraient encore la moitié du territoire. Les niveaux de radioactivité attendus en France sont extrêmement faibles.
Les rejets survenus entre le 9 et le 11 avril 2020 sont les plus significatifs d’après la modélisation. Les conditions météorologiques qui ont prévalu jusqu’au 14 avril ont favorisé le transport des masses d’air provenant de la zone de ces rejets vers la Biélorussie, le sud de l’Ukraine, l’est de la Roumanie et de la Bulgarie. Elles ne sont pas parvenues jusqu’en France à ce jour.
Le triangle rouge représente le lieu des incendies, l’heure est en UTC. Le rejet utilisé a été évalué par modélisation inverse (exploitation des mesures disponibles) sur la période du 3 au 12 avril 2020, la simulation de la dispersion se poursuit jusqu’au 14 avril 2020.
Les prélèvements des aérosols sur filtre par des dispositifs à grand volume du réseau OPERA-AIR de l’IRSN (dispositifs permettant de mesurer d’infimes traces de radioactivité), ainsi que les mesures associées, sont en cours. Ces mesures de traces nécessitant la mise en œuvre de moyens très précis, les résultats ne seront disponibles que la semaine prochaine.
L’IRSN a également réalisé une estimation de l’impact dosimétrique de ces incendies. Comme mentionné dans la note IRSN du 7 avril 2020, l’impact résultant de l’inhalation de la radioactivité transportée par les masses dans l’air arrivant en France devrait être insignifiant.
Concernant les installations nucléaires de Tchernobyl, même s’il existe un niveau de radioactivité très important dans la zone d’exclusion lié aux dépôts de déchets, cette radioactivité apparaît peu mobilisable par le feu. De fait, il n’y a pas de mesure dans la zone d’exclusion publiée à ce jour qui laisse penser qu’un site de stockage ou d’entreposage ait été atteint et puisse avoir rejeté une partie significative de la radioactivité qu’il contient.
Télécharger ici la note d’information de l’IRSN du 15 avril 2020 « Incendies en Ukraine dans la zone d’exclusion autour de la centrale Tchernobyl : Point de situation » (PDF, 866 Ko)