Ce que propose la Convention citoyenne pour le climat pour l'après-crise
Réglementation de l'utilisation de l'épargne réglementée, rénovation globale des bâtiments, parc automobile propre… Les Français tirés au sort pour trouver des solutions au réchauffement climatique ont envoyé cinquante propositions au gouvernement, que "Les Echos" ont pu consulter. Leur objectif : que la France élabore une sortie de crise écologiquement responsable.
En pleine pandémie de Covid-19, de plus en plus de voix s'élèvent pour dire que le « monde d'après » la crise ne pourra pas ressembler à celui d'avant. Parmi celles-ci, celles des citoyens de la Convention pour le climat, qui planchent depuis six mois sur des solutions au réchauffement climatique. Ils ont transmis vendredi cinquante propositions (sur les 150 qu'ils ont élaborées) au président de la République ainsi qu'au Premier ministre, à la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne et au ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
Ces suggestions de mesures que « Les Echos » ont pu consulter, n'ont pas été rendues publiques car elles ne sont ni finalisées ni votées . Mais les membres de la Convention les ont choisies pour leur « effet positif sur le climat, […] sur l'activité économique à court ou moyen terme dans un esprit de justice sociale, ainsi [que] sur la santé et le bien-être des populations ». Voici quelques-unes de leurs pistes de travail :
« L'innovation doit s'inscrire dans la logique de sortie d'un modèle basé sur le carbone », réclame la Convention citoyenne, qui veut que « tout l'appareil de production des entreprises soit adapté d'ici à 2030 », en insistant sur le fait que salariés et entreprises soient accompagnés dans la transition écologique. En parallèle, les citoyens devraient participer localement, par exemple à la production locale d'énergie. Mais comment financer cette transition ? « Le constat réalisé » par les citoyens que « l'argent existe et pourrait suffire à financer la transition », à condition qu'il soit orienté.
Pour eux, la Caisse des dépôts et consignation (CDC) est un acteur clé. Ils proposent que l'épargne réglementée qu'elle gère (ainsi que les banques) soit utilisée pour financer les investissements verts et la relocalisation d'entreprises. La gouvernance de la CDC devrait alors être modifiée, « en vue de l'orientation massive de l'épargne réglementée vers les investissements verts », ainsi que ses statuts, pour intégrer à sa gouvernance des acteurs de la société civile. Un observatoire de l'épargne réglementée garant du fléchage serait créé. En parallèle, pour augmenter les financements, les citoyens préconisent un prélèvement annuel à hauteur de 4 % sur les dividendes des entreprises au-dessus de 10 millions d'euros, qui alimenterait un fonds dédié.
La France s'est déjà attaquée aux passoires thermiques mais la Convention demande à aller plus loin que la « rénovation par petit geste et à petit pas ». Elle propose de rendre obligatoire pour les propriétaires occupants et bailleurs la rénovation énergétique globale (toit, isolation, fenêtre, chauffage et VMC) des bâtiments d'ici à 2040. Cela en multiplierait le rythme par trois, mais permettrait, dit-elle, de diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre issus du secteur résidentiel et tertiaire qui représente 16 % des émissions nationales.
Les citoyens souhaitent aussi adosser à l'objectif de zéro artificialisation nette des sols à 2050, contenu dans le plan biodiversité du gouvernement, « des mesures plus précises », pour enclencher le processus plus rapidement. Ils suggèrent que le nombre d'hectares artificialisés par commune sur 2021-2030 soit limité au quart de ce qui a été fait sur 2000-2020. En parallèle, ils proposent de lutter contre l'étalement urbain, notamment en levant l'interdiction de construire des immeubles collectifs dans les zones pavillonnaires ou en « sensibilisant largement à l'importance et à l'intérêt de la ville plus compacte ».
Pour un parc automobile « plus propre » avant 2030, la Convention propose d'augmenter le bonus de 25 % pour les véhicules peu polluants et de renforcer dans le même temps « très fortement » le malus sur les véhicules polluants et introduire le poids comme un des critères à prendre en compte - avec des exemptions pour les familles nombreuses. Elle suggère d'interdire dès 2025 la commercialisation des voitures neuves très émettrices (l'exécutif a fixé 2040), de proposer des prêts à taux zéro, avec la garantie de l'Etat, pour l'achat d'un véhicule propre, de créer une vignette verte pour agir sur les comportements ou encore de moduler les taxes sur les contrats d'assurance.
L'ambition de la Convention est de « développer massivement les autres modes de transport ». Là encore, les citoyens veulent aller plus loin que la loi d'orientation des mobilités de 2019. Ils réclament entre autres de rendre obligatoire et d'augmenter la prime de mobilité durable pour les entreprises d'au moins 11 salariés, et une application équivalente pour le secteur public. En parallèle, ils proposent de doper les montants du fonds vélo de 50 à 200 millions d'euros par an pour financer des pistes cyclables, de généraliser les aménagements de voies réservées aux véhicules partagés et aux transports collectifs.
Ils souhaitent aussi un « retour fort » du train, grâce à une réduction de la TVA sur les billets de 10 % à 5,5 %, une généralisation des mesures tarifaires attractives et un plan d'investissement massif pour moderniser les infrastructures, avec notamment une hausse de 50 % des investissements de 450 millions d'euros par an à 600 millions à partir de 2021-22, puis 750 millions au-delà de 2025. Ce plan pourra « être pensé en lien avec le développement du transport de marchandises ». La Convention propose d'aller jusqu'à doubler le fret ferroviaire et fluvial, et, pour réduire les émissions des poids lourds, de « sortir progressivement des avantages fiscaux sur le gazole en échange de compensations fortes pour les transporteurs » ou d'introduire une vignette verte.
Pour « réduire les incitations à la surconsommation », les citoyens suggèrent de réguler la publicité et d'interdire celle des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Pour évaluer l'impact de ces produits sur l'environnement, la Convention est en train de mettre au point un « CO2-score ». Ils voudraient aussi interdire les panneaux publicitaires dans les espaces publics extérieurs.
Ils posent en outre la question de la sobriété numérique et de la 5G, en soulignant que « le passage de la 4G vers la 5G générerait plus de 30 % de consommation d'énergie carbonée en plus, sans réelle utilité (pas de plus-value pour notre bien-être) ». La Convention met par ailleurs l'accent sur « l'enseignement de la réflexion critique », et conseille de mettre en place une heure d'éducation à l'environnement par semaine, de l'école élémentaire au lycée.
Pour une consommation durable, il faut développer les circuits courts, disent les citoyens, qui veulent aller plus loin que la loi EGalim (Agriculture et Alimentation de 2018). Ils souhaitent aussi que le système agricole français soit basé d'ici à 2030 sur les pratiques agroécologiques. Ils proposent notamment d'atteindre un objectif de 50 % des terres en agroécologie en 2040, la réduction puis l'interdiction de l'usage des pesticides. Ces changements n'iront pas, estiment-ils, sans une renégociation de l'accord commercial entre l'Europe et le Canada (CETA), une réforme de la politique commerciale européenne comme de l'OMC.