Le COVID-19, un virus économique disséminé par des pompiers pyromanes
La crise du coronavirus coûte pour le seul secteur du tourisme "un milliard d'euros par mois" aux pays de l'Union Européenne, a affirmé le commissaire européen Thierry Breton. Il est aussi inquiet pour les PME qui ne survivront pas à cette épidémie de paralysie massive. Quant aux marchés financiers, ils ont perdu en quelques jours tous les gains de 2019. Si le risque sanitaire est élevé, les dommages économiques et financiers le sont encore plus. L’opportunité de changer de modèle ?
Imaginez un pays, le nôtre, qui va devoir calculer et évaluer le coût économique et social de trois crises majeures successives : gilets jaunes, grève interminable dans les transports et maintenant coronavirus qui déclenche des comportements irrationnels de toute nature. À ce stade, les statistiques officielles déclarent leur impuissance à mesurer le phénomène. Que doit-on compter : Les faillites ? Les licenciements ? L’augmentation des profits dans le secteur des masques et du gel hydroalcoolique ? Les ruptures d’approvisionnement des chaînes industrielles ou des supermarchés ? La baisse de du CAC 40 ?
Bref, comment applique-t-on les grilles d’analyse utilisées dans la finance durable qui permettent de comparer les impacts positifs aux impacts négatifs pour évaluer si une activité donnée apporte plus de bénéfices que de coûts ? La succession d’informations de court terme, très rarement mises en perspectives, donne le tournis et empêche les analyses d’impact multifactorielles intégrant les conséquences environnementales et sociales à long terme d’un phénomène donné.
Le traitement médiatique du COVID-19 l’illustre parfaitement. En principe, au bout d’une heure d’exposition, vous avez entendu deux à trois fois la litanie du nombre des morts, vous savez tout du prix des gels et de la pénurie de masque, vous avez compris que tout rassemblement est menacé d’annulation. Cela provoque un effet de panique mesurable à l’augmentation spectaculaire de la livraison à domicile et sans doute des abonnements à Netflix et autres plateformes.
Cela amplifie massivement les dommages économiques. Combien coûtent les annulations en série de spectacles de plus de 15 000 personnes, le report du marathon, le vide des magasins et le désert des théâtres ? Les assurances fonctionnent-elles et à quelles conditions ? Les pompiers pyromanes attisent le foyer de panique sans que le bénéfice sanitaire soit très mesurable. Mais, en revanche, ils échouent à s’appuyer sur cette crise sans précédent pour lancer un débat majeur et transformer le risque en opportunité de pousser des modèles plus durables.
La mise à l’arrêt des usines chinoises a immédiatement diminué la pollution et les émissions dans le pays. Elle a entraîné un ralentissement du transport maritime, tout aussi polluant pour la planète, mais l’impact semble plus limité pour les avions qui continueraient à voler à vide pour maintenir leurs créneaux.
Cela montre, tout de même, la voie pour des changements plus radicaux que ceux esquissés jusque-là. L’opportunité de repartir sur d’autres bases a été manquée une première fois en 2008 où l’économie mondiale a voulu se reconstruire à l’identique. 2020 est peut-être la crise planétaire qui peut provoquer l’accélération nécessaire pour finir la décennie avec une économie décarbonée et inclusive.
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic