Contrôles insuffisants, efficacité contestée : le piètre bilan des aides publiques à la rénovation énergétique
Faire en sorte que les logements soient le plus économe possible en énergie est essentiel pour alléger la facture des ménages et lutter contre le réchauffement climatique. Mais la politique d’incitation menée en la matière est décriée.
Pour mieux isoler son logement ou opter pour un mode de chauffage moins polluant, il existe une pléthore d’aides publiques. Surprise : aucune de ces aides n’est conditionnée à l’efficacité réelle des travaux subventionnés. En l’absence d’obligation de réaliser un audit énergétique après le chantier, des entreprises peu scrupuleuses s’engouffrent dans cette faille pour bâcler certains travaux d’isolation (notre précédente enquête sur les dessous de l’isolation à un euro). La quasi totalité des aides financières de l’État est actuellement conditionnée au fait que l’entreprise détienne le label RGE – «reconnu garant de l’environnement». Ce label, assez décrié et en cours de réforme, est délivré, entre autres, par l’organisme Qualibat. Sur les 57 000 entreprises détenant le label, 14 000 audits ont été réalisés en 2019 par Qualibat, soit moins d’un quart.
Face aux critiques, le gouvernement a annoncé en novembre dernier un augmentation du nombre de contrôles. Jusqu’à présent, les entreprises bénéficiant du label RGE étaient contrôlées une fois tous les quatre ans sur un chantier de leur choix. Désormais, ce sont les organismes de contrôle qui choisiront le chantier. Rien n’indique cependant que ces contrôles viseront à vérifier les gains énergétiques à l’issue des travaux.
De gauche à droite : des zones du plafond ne sont pas isolées par le polystyrène ; des fils électriques traversent l’isolant sans gaine de protection ; des adhésifs entre les panneaux sont déjà décollés ; pas de joint. L’entreprise qui a réalisé ces travaux bénéficiaient du label "RGE" (Reconnu Garant de l’Environnement).
L’Agence nationale de l’habitat (ANAH) du ministère chargé de la Ville et du Logement a quant à elle réalisé en 2018 près de 12 000 contrôles de chantiers. Soit 10 % des dossiers envoyés à l’agence. Celle-ci a identifié, en 2019, des anomalies pour 90 entreprises et saisi la justice à quatre reprises. « Dans le cadre de l’aide de l’ANAH, qui est conditionnée à un premier examen du logement, il y a bien un gain énergétique escompté mais pas de bilan pour en vérifier la réalité », souligne une source du ministère de la Transition écologique et solidaire.
D’après les documents que nous avons pu consulter sur la nouvelle aide de l’ANAH, « Ma prime rénov’ », il sera possible pour les entreprises à compter de mai 2020 de déposer le dossier de demande d’aide au nom du ménage et de percevoir la prime à sa place. « Où va partir l’argent public de cette prime ? », s’inquiète un conseiller du réseau Faire.
Pour remédier à ces failles, des organisations comme le CLER - Réseau pour la transition énergétique, qui fédère des collectivités, des associations et des entreprises engagés en faveur de l’efficacité énergétique, proposent que les aides soient désormais assises sur les performances atteintes. « Pour s’assurer que c’est pertinent, on a besoin de contrôles avant et après les travaux », insiste Jean-Baptiste Lebrun, directeur du CLER. « Plus qu’un contrôle, il faut un accompagnement dans les projets de travaux. »
Mener une rénovation performante se révèle souvent compliqué techniquement et financièrement. Un service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) est bien inscrit dans la loi de 2013. « Mais il n’a jamais été organisé et le financement de ce service public n’apparait nulle part dans le budget de l’État », souligne le directeur du CLER. Jusqu’à maintenant, des espaces info énergie et des plateformes territoriales de la rénovation énergétique étaient financées par l’État. « Cela représentait entre 15 et 25 millions d’euros par an pour 800 conseillers sur la moitié du territoire », estime Jean-Baptiste Lebrun.
Ce dispositif devait s’arrêter fin 2020 pour laisser la place au service public de la performance énergétique de l’habitat. Or, faute de financement, ce service public n’est pas prêt de voir le jour. Sans oublier que l’État dispose aussi d’une entreprise publique, dont les agents sont présents sur tout le territoire : EDF. Mais le dogme de l’ouverture à la concurrence empêche pour l’instant que le service public de l’énergie joue ce rôle.
En lieu et place, le gouvernement a lancé en septembre dernier un programme de service d’accompagnement à la rénovation énergétique (SARE). « Ils annoncent 200 millions d’euros sur cinq ans, soit 40 millions d’euros par an. C’est un peu plus qu’avant mais ce n’est pas du tout à la hauteur. Si l’on veut un conseiller pour 50 000 habitants il faut au minimum 200 millions d’euros par an », souligne Jean-Baptiste Lebrun.