Des solutions fondées sur la nature pour s’adapter au changement climatique

Publié le par ONERC via M.E.

L'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) a publié courant janvier 2020 un rapport au Premier Ministre et au Parlement.

Avec 10 % de la biodiversité mondiale, la France fait partie des dix pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées, principalement en raison des pressions exercées par les activités humaines. Face à ces pressions, le changement climatique agit comme un catalyseur venant accentuer leurs impacts. Malgré les efforts menés pour préserver la nature à travers l’adoption de politiques ambitieuses de conservation, de gestion durable et de restauration des écosystèmes, la biodiversité française métropolitaine et outre-mer est déjà impactée par le changement climatique et continuera de l’être pendant encore plusieurs décennies étant donné l’inertie du système climatique.

Face aux impacts du changement climatique, les espèces et les écosystèmes adoptent différentes stratégies d’adaptation : changements dans la croissance, le comportement, la physiologie ou la morphologie voire changements génétiques, déplacement dans le temps de la floraison, de l’hibernation, de la reproduction, migration, modification de l’équilibre de compétition entre espèces et dispersion. Le présent rapport ne sera pas centré sur les impacts du changement climatique sur la biodiversité mais s’attachera plutôt à montrer en quoi la nature est une source d’enseignements et de solutions pour s’adapter au changement climatique.

À côté des solutions d’ingénierie classique, appelées aussi solutions « grises », très largement mobilisées, il existe aussi d’autres types de solutions, plus « vertes », qu’on appelle communément aujourd’hui les Solutions fondées sur la Nature (SfN). Les SfN sont définies par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) comme « les actions visant à protéger, à gérer de manière durable et à restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les enjeux de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité ».

Ce concept a été développé dans l’objectif de regrouper sous la même bannière une multitude d’actions liées à des concepts très proches : l’adaptation basée sur les écosystèmes, les infrastructures vertes, la réduction des risques de catastrophes fondée sur les écosystèmes, les services écosystémiques, l’ingénierie écologique... Le concept de SfN permet de donner une meilleure visibilité à tous ces concepts dispersés et ainsi de faire front commun face au poids dominant des solutions d’ingénierie classique. Ces solutions sont conçues pour relever de nombreux défis sociétaux comme celui de l’adaptation au changement climatique.

Ce rapport illustre par des études de cas les différentes solutions qui peuvent être mobilisées pour faire face aux différents impacts du changement climatique (canicule, îlot de chaleur urbain, sécheresse, incendie, érosion, submersion marine, inondation, glissement de terrain...). Les prairies humides permettent par exemple de limiter les impacts liés au risque d’inondation. Les dunes et les mangroves peuvent protéger les côtes des submersions marines. La plantation d’arbres et la mise en place d’infrastructures vertes tels que les réseaux d’espaces verts en ville peuvent contribuer à la réduction de l’effet d’îlots de chaleur urbain. Le recours à des pratiques d’agroforesterie contribue à rendre les cultures plus résilientes et crée un microclimat plus favorable pour l’élevage, notamment en période de sécheresse. La gestion durable de la forêt peut diminuer les risques d’incendies et les glissements de terrain en montagne.

Des travaux de recherche et développement sont menés pour analyser les mécanismes qui permettent aux écosystèmes d’être résilients face aux conséquences du changement climatique et pour comprendre dans quelle mesure les sociétés peuvent s’appuyer sur la résilience de ces écosystèmes pour s’adapter au changement climatique. Ces travaux ont permis de faire la preuve de l’efficacité des SfN pour l’adaptation au changement climatique dans de nombreux cas et contribuent ainsi à asseoir la crédibilité de ce type de solutions.

L’idée que l’adaptation au changement climatique puisse reposer sur des SfN part du constat scientifique que des rétroactions existent entre le climat et la biodiversité. Le climat définit et influence les conditions de vie sur Terre. Une modification du système climatique va donc avoir des impacts sur les êtres vivants, leur répartition géographique, le fonctionnement des écosystèmes et les cycles biochimiques auxquels ils participent. Parallèlement, la biodiversité et les écosystèmes ont une très forte influence sur le climat et contribuent notamment à la régulation du gaz carbonique et de la vapeur d’eau dans l’atmosphère et donc de la température et des précipitations.

Outre la connaissance de ces mécanismes, des compétences sont nécessaires pour la mise en œuvre de Solutions d’adaptation fondées sur la Nature. Et la France possède déjà de nombreux savoirs et savoir-faire pertinents pour développer une véritable offre de service dans le domaine des Solutions d’adaptation fondées sur la Nature : gestion souple des dunes, modélisation de l’impact de la végétalisation sur le microclimat urbain, modélisation de l’efficacité et du ratio coût/bénéfice des SfN face aux catastrophes naturelles, restauration écologique. Or ces connaissances et compétences se développent dans un contexte politique, juridique et normatif particulier qui peut également être mobilisé, du niveau international au niveau local, dans une perspective de déploiement des Solutions fondées sur la Nature pour l’adaptation au changement climatique.

Au niveau national par exemple, un certain nombre d’outils de planification permettent déjà d’intégrer les SfN ou constituent un cadre favorable à leur déploiement. C’est notamment le cas du Plan Biodiversité 1 et du deuxième Plan national d’adaptation au changement climatique 2 (PNACC-2) qui promeuvent tous deux le recours aux SfN pour l’adaptation au changement climatique. Par ailleurs, du fait des multiples bénéfices qu’elles peuvent engendrer, les Solutions fondées sur la Nature pourraient même faciliter la mise en œuvre d’outils de planification multisectoriels tels que le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), ou de compétences transversales telles que la Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI).

Toutefois, le cadre des politiques publiques actuel nécessite des évolutions ou des aménagements pour déboucher sur un déploiement massif des SfN. À cet égard, certains outils pourraient être davantage mobilisés pour renforcer l’intégration des SfN dans les politiques publiques et plus généralement augmenter le nombre de projets. L’évaluation socio-économique des services écosystémiques pourrait par exemple permettre de consolider la crédibilité des SfN en tant que solution d’adaptation au changement climatique en montrant notamment que dans de nombreuses situations les SfN présentent un rapport coût/bénéfice plus intéressant que l’investissement et l’entretien d’infrastructures grises ou de nouvelles technologies. De plus, étant donné qu’il n’existe que peu de sources de financement spécifiquement dédiées aux SfN (excepté le Programme nature 2050), les canaux de financements européens dédiés à l’adaptation au changement climatique (Fesi) pourraient également être mobilisés. Certains projets d’adaptation émargeant aux programmes européens LIFE et Interreg promeuvent d’ailleurs déjà le recours aux SfN.Pour aller plus loin dans la mise en œuvre des SfN pour l’adaptation au changement climatique, ce rapport propose un certain nombre de recommandations et de pistes à explorer.

Télécharger ici le rapport

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