Les ingénieurs de l'industrie et des mines déplorent le manque d'indépendance des inspecteurs des ICPE
L'accident de l'usine Lubrizol à Rouen aura au moins un impact positif : la révélation des points d'amélioration de l'inspection des installations classées (ICPE). Deux axes sont particulièrement à travailler, selon les représentants du Syndicat national des ingénieurs de l'industrie et des mines (SNIIM), qui s'exprimaient ce vendredi 25 octobre devant l'Association des journalistes de l'environnement (AJE) : la transparence et l'indépendance, d'une part, la culture du risque, d'autre part. Ces ingénieurs sont bien placés pour en parler puisqu'ils constituent environ la moitié des quelque 1 600 inspecteurs chargés de contrôler les installations classées.
Dès le 4 octobre, en réaction à l'accident, le SNIIM publiait un communiqué affirmant que l'inspection devait « rester le garant d'un contrôle indépendant et de qualité ». « Il y a matière à séparer les rôles entre le politique et l'Administration », explique Julien Jacquet-Francillon, secrétaire général adjoint du syndicat, qui rassemble près de 90 % des 1 900 ingénieurs de l'industrie et des mines en exercice. Pour cela, l'ingénieur suggère la création d'une autorité administrative indépendante compétente en matière de risques industriels, à l'image de l'ASN dans le domaine nucléaire ou de structures équivalentes existant à l'étranger. L'idée est que l'inspection des installations classées puisse rendre visibles les informations techniques qu'elle émet, en disposant de sa propre communication, même si elle continuerait à travailler pour le compte du préfet. « Cela redonnerait confiance au public », estime le responsable syndical. Pourtant, la tendance ne va pas dans ce sens, pointe-t-il, puisque une récente circulaire du Premier ministre donne encore davantage de poids au préfet dans la notation et l'avancement des chefs d'unités départementales des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL).
Le SNIIM déplore aussi le manque de culture du risque et de l'industrie au sein des DREAL auxquelles sont rattachés la majorité des inspecteurs. « Les DRIRE portaient cette culture, les inspecteurs sont aujourd'hui noyés dans la masse au sein des DREAL», pointe Julien Jacquet-Francillon. « Il n'est pas sûr que la communication de la DREAL sur l'accident de Lubrizol reflète toute l'expertise de l'inspection », illustre-t-il. La perte de culture du risque viendrait aussi de l'éloignement du terrain, du fait des réformes successives de l'État, très chronophages, mais aussi du temps passé sur le contentieux éolien et les relations avec l'autorité environnementale. Les dernières statistiques disponibles montrent en effet une baisse des inspections de 39 % entre 2006 et 2018. Un chiffre à mettre en parallèle avec une hausse des accidents industriels de 34 % entre 2016 et 2018.
Source : https://www.actu-environnement.com/ae/news/inspecteur-icpe-dreal-34306.php4