«Aujourd’hui, il n’y a aucune norme d’émission de particules fines sur les bateaux»

Publié le par Libération via M.E.

Une équipe de recherche a été missionnée pour mener une étude sur les émissions du transport maritime français. L'ingénieur Benoît Sagot espère trouver des outils solides pour mieux évaluer la pollution à la source et trouver des solutions.

Les émissions des bateaux tuent. Les rejets d’oxyde de soufre et azote ainsi que de particules fines contribuent à dégrader la qualité de l’air, surtout dans les zones portuaires. On estime que ces polluants sont à l’origine de 50 000 à 60 000 décès par an chaque année en Europe.

La régulation du transport maritime est en retard. Mais comment durcir la réglementation quand on n’a pas une idée précise de l’ampleur du problème et des solutions possibles ? A partir de ce mois-ci et pendant trois ans, une étude sur les émissions du transport maritime français va être menée pour établir un bilan précis.

Le projet Capnav, soutenu par l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), va mener des expérimentations sur les navires des armateurs Brittany Ferries et Penn Ar Bed, des bateaux de transport de passagers et de fret en Bretagne et en Angleterre. Benoît Sagot, enseignant-chercheur à l’Ecole supérieure des techniques aéronautiques et de construction automobile (ESTACA) est en charge du projet Capnav et en explique les détails.

Qu’est ce qui est nouveau dans votre démarche ? 

Des mesures ont déjà été effectuées dans différents types de navire mais on ne connaît pas toujours les conditions dans lesquelles cela a été fait. Les instruments sont tous différents et mesurent tous des choses différentes, il est très difficile de les confronter. L’objectif est d’identifier un instrument à la fois robuste, pas trop coûteux pour pouvoir embarquer sur un bateau et faire des mesures. Nous souhaitons définir un protocole très clair, identifié, documenté de façon à ce que nous puissions avoir une référence pour d’autres études, sur du fluvial ou d’autres types de navires comme les croisiéristes. Autre particularité, nous aurons via ce partenariat accès aux paramètres des navires pendant les mesures : est-ce qu’ils sont en train d’accélérer, que les moteurs sont à pleine charge…

Le projet se focalise sur les particules fines, pourquoi ?

Aujourd’hui il n’y a aucune norme d’émission de particules fines sur les bateaux, contrairement aux voitures. Il y a une prise de conscience de cette dangerosité et une mobilisation pour que la communauté scientifique accompagne. On aura certainement à terme des zones d’émissions en particules fines contrôlées. Quand un gros moteur démarre, on voit des panaches de fumée, mais ça n’est pas forcément le plus dangereux. Ce sont de très grosses particules visibles qui s’échappent, or, une fois que le moteur tourne, des particules très fines sont produites. Elles ne sont pas visibles mais bien présentes. 

Un des enjeux du projet est de les mesurer en masse et en nombre. Une particule qui a un diamètre d’un micron fait une certaine masse. Si vous divisez son diamètre par dix, sa masse sera divisée par mille. Donc si on ne mesure que la masse on ne peut pas savoir si c’est une particule qui fait 1 micron ou mille particules qui font 0,1 micron. Plus elles sont fines et plus elles descendent bas dans les poumons. Le 10 microns (PM10) est arrêté au niveau des fosses nasales. Le 1 micron (PM1,0) va beaucoup plus loin et celles encore plus petites sont très nocives pour la santé.

Vous allez aussi tester deux types de solutions qui peuvent diminuer les émissions…

La première est par additif, des produits qu’on va ajouter dans le gasoil. Normalement, il devrait y avoir une réduction des émissions de polluants. La deuxième est le gaz naturel liquéfié (GNL). C’est une solution que l’on appelle aujourd’hui «de transition» puisque c’est une ressource principalement fossile, donc émetteur de CO2. Mais la combustion produit peu de particules fines. Brittany Ferries est en train de construire le Honfleur, qui va fonctionner avec ce carburant. Nous avons intégré dès la construction du bateau la capacité à faire des mesures dans la cheminée du bateau. Par ailleurs, le GNL est un gaz qui doit être stocké à très basse température, à -160°C. Cela pose pour le moment de disponibilité d’infrastructures au niveau des ports, mais ces installations de distribution de GNL vont se développer dans un futur proche.

Source : https://www.liberation.fr/planete/2019/09/04/aujourd-hui-il-n-y-a-aucune-norme-d-emission-de-particules-fines-sur-les-bateaux_1745185

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