Cette pollution colossale émise par les bateaux de croisière
Les immenses paquebots de croisière émettent de forts taux de pollution, parfois bien supérieurs à celle générée par le parc automobile.
Le Perla de la compagnie AIDA : 125 000 tonnes au port de Zeebrugge (B) photo M.EYRAUD 10/07/2019
Les avions et les voitures sont souvent épinglés pour la pollution qu'ils engendrent sur la planète, tous deux rejetant de grosses émissions de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère. Les bateaux, eux, sont moins pointés du doigt. Et pourtant, les navires de croisières sont, eux aussi, responsables de la pollution. Bien plus que les voitures. C'est le résultat d'une étude publiée par l'organisation non gouvernementale Transport & Environment en 2019.
Les 94 bateaux du croisiériste de luxe Carnival Corporation émettent dix fois plus d'oxyde de soufre que l'ensemble des 260 millions de voitures du parc automobiles européen selon l'ONG ! La compagnie n'est pas seule dans le viseur de Transport & Environnement. Le deuxième croisiériste le plus important du monde, Royal Carribean, en rejette, lui quatre fois plus.
L'Italie, l'Espagne et la Grèce sont particulièrement touchés par la pollution. Crédit photo: Transport & Environment
"Par exemple, les 57 navires de croisière qui ont fait escale à Marseille en 2017, en tout pendant 3342 heures, ont émis autant de NOx (oxydes d'azote) que le quart des 340 000 voitures, qui composent toute la flotte automobile de la ville", souligne l'étude. Du côté des émissions d'oxyde de soufre, les bateaux de croisière dépassent largement les émissions des voitures. "Dans les grandes villes comme Barcelone ou Marseille ou Hambourg, les navires de croisière, quand ils sont arrimés au port, rejettent de deux à cinq fois plus de SO2 (dioxyde de soufre) que l'intégralité des voitures de la ville durant l'année 2017."
Avec les particules fines et les oxydes d'azote, l'oxyde de souffre est l'un des principaux polluants de l'atmosphère. Il participe à l'acidification des environnements terrestres et aquatique. Un phénomène qui menace la faune et la flore, comme les coraux. "Ces émissions élevées sont dues à des carburants de qualité trop basse et aux standards de rejets de polluants établis par ces engins. Ceux-ci sont directement liés à la grande taille des engins marins, aux trajectoires de plus en plus proche des côtes et aux temps d'opérations aux ports qui s'allongent", expliquent les auteurs de l'étude.
L'étude compare les émissions d'oxyde de soufre des voitures à celles des bateaux dans plusieurs pays européens. Crédit photo: Transport & Environment
Parmi les pays les plus touchés par la pollution, l'étude cite l'Espagne, l'Italie et la Grèce. En plus de posséder des frontières largement maritimes, ces trois pays disposent aussi de normes moins strictes sur les carburants au soufre. Certaines villes sont particulièrement touchées, comme Barcelone, Palma de Majorque ou Venise. Cinq ports français figurent aussi dans le classement établi par l'ONG, avec Marseille en 8e position, suivi du Havre (21), Nice (39), Cannes (41) et la Seyne-sur-Mer (49).
Passer à l'électrique ?
"Les villes bannissent les voitures diesel mais elles donnent un laisser-passer gratuit aux compagnies qui émettent des fumées toxiques causant des dommages incommensurables, à la fois à ceux qui se trouvent à bord et aux rives les plus proches", s'inquiète Faig Abbasov, l'un des responsables de l'association Transport & Environment. Pour enrayer ce phénomène de pollution, l'ONG préconise aux navires de passer à l'électrique, comme c'est actuellement la tendance pour les voitures. "Nous avons affaire à la problématique de l'oeuf et de la poule, dans laquelle les propriétaires des bateaux n'investissent pas dans leurs vaisseaux pour les rendre compatibles à un rechargement électrique, en invoquant le peu de connexions possibles aux ports. Dans le même temps, les ports n'investissent pas dans des points de recharge électrique car trop peu de bateaux s'en servent pour le moment."
Transport & Environment recommande à l'Europe de mettre en place une norme portuaire à zéro émission dès que possible pour les paquebots. Le rapport estime aussi qu'il faudrait étendre les zones de contrôle des émissions, en place actuellement dans la Manche, la mer du Nord et dans la mer Baltique, aux autres mers européennes. Les auteurs rappellent que ces travaux ne concernent que l'Europe et que les littoraux ailleurs dans le monde atteignent probablement des niveaux de pollution similaires.