7 conséquences récentes et dramatiques du réchauffement climatique
Les projections des experts, même les plus optimistes, annoncent des changements inexorables dans nos sociétés et la biodiversité qui nous entoure. Mais les conséquences de nos actions sont déjà visibles aujourd'hui.
Les humains émettent 40 milliards de tonnes de CO2 tous les ans, ce qui provoque une hausse des températures de 0,2°C par décennie. FANATIC STUDIO / SCIENCE PHOTO L / FST / Science Photo Library / AFP
Elévation du niveau des mers, fonte des glaciers, événements météorologiques intenses, altération de la santé de la population : d'ores et déjà, les effets du changement climatique se font sentir. En dehors de toute tentative plus ou moins pessimiste de projection dans le futur, Sciences et Avenir s'est penché sur ces effets déjà visibles aujourd'hui, dans un récapitulatif non exhaustif mais dessinant néanmoins un large panorama.
"Ces 50 dernières années, les activités humaines, avec en particulier l'utilisation des combustibles fossiles, ont rejeté des quantités suffisantes de dioxyde de carbone et d'autres gaz à effet de serre pour retenir davantage de chaleur dans les couches basses de l'atmosphère et avoir une incidence sur le climat mondial". L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) plante ainsi le décor, rappelant qu'au cours des 130 dernières années, la température a augmenté d'environ 0,85°C dans le monde, et que ces 25 dernières années, le rythme s'est accéléré pour atteindre un réchauffement de plus de 0,18°C par décennie.
Près des deux tiers des effets mondiaux des changements de la température dans l'atmosphère et au niveau de la surface des océans entre 1971 et 2010 ont été attribués au changement climatique anthropique (dû à l'humain), d'après une étude publiée dans le New England Journal of Medicine en janvier 2019. Résultat, en 2019 déjà nous pouvons constater que le niveau des mers s'élève, les glaciers fondent et les canicules se multiplient. Côté santé, au-delà des effets directs des températures qui augmentent, la nutrition comme les allergies sont affectées.
"Il apparaît clairement que la fréquence et l'intensité" des épisodes caniculaires "a augmenté au cours des trente dernières années", explique Météo France, qui dispose des données depuis 1947. En cause : le pouvoir rafraîchissant des aérosols dans la haute atmosphère où ils bloquent le rayonnement solaire s'affaiblit avec la teneur croissante des gaz à effet de serre.
Résultat, les éboulements se multiplient dans les Alpes, où un lac à même été découvert à 3.000 mètres d'altitude. Selon les experts du World Weather Attribution, la probabilité d'une semaine de canicule telle qu'en France au début de l'été 2019 est dix fois supérieure à ce qu'elle était au début du 20e siècle, avec une température moyenne plus élevée de 4°C par rapport à il y a un siècle. "Chaque vague de chaleur qui se produit en Europe aujourd'hui est rendue plus probable et plus intense par les changements climatiques induits par l'homme", ajoutent ces experts.
Mais le phénomène ne se limite bien sûr pas à l'Europe. Début juin 2019, en Inde, les températures sont montées à 50°C plusieurs jours d'affilée. La mousson, source de rafraîchissement bienvenue, avait une semaine de retard. Au Canada, un rapport gouvernemental a conclu au réchauffement deux fois plus rapide du pays que l'ensemble de la planète, avec +1,7°C depuis 1948, contre +0,8°C dans le monde. En Australie, le quatrième record mensuel de chaleur consécutif a été enregistré en mars 2019. Et le réchauffement se fait sentir jusqu'au grand nord. Dimanche 14 juillet 2019, le mercure a ainsi atteint 21°C à Alert, à moins de 900 km du pôle Nord, établissant un "record absolu" de chaleur pour cette station.
"Le réchauffement océanique est un indicateur très important du changement climatique, et nous avons les preuves que ce réchauffement va plus vite que ce que nous pensions", expliquait en janvier 2019 le scientifique Zeke Hausfather, de l'Université de Californie à Berkeley. Car les océans absorbent l'excès de chaleur de l'atmosphère créé par les rejets de gaz à effet de serre. Alors que leur température a déjà augmenté d'1°C, des canicules marines affectent une surface océanique trois fois plus grande depuis l'ère préindustrielle.
Avec ce réchauffement marin, les planctons montent vers le nord pour trouver une température plus propice, au risque de déséquilibrer la faune s'en nourrissant. Dans l'Arctique, phoques et baleines sont déjà obligés de changer leurs habitudes alimentaires, soit en chassant les nouvelles espèces poussées vers le nord par la chaleur, soit en chassant les espèces habituelles plus au nord. De leur côté, les coraux stressés par le réchauffement de l'eau expulsent les micro-algues avec lesquelles ils vivent en symbiose, et blanchissent. Un blanchissement qui les rend vulnérables et peut conduire à leur mort. Au cours des dernières années, 30% des blanchissements ont été classés comme "sévères" s'étendant sur des dizaines de milliers de kilomètres, en particulier en Asie, Australie et Proche Orient. Selon les scientifiques, le risque pour un tel phénomène s'est accru de 4% par an depuis 1980.
Conséquence directe du réchauffement : la montée des eaux. "Au cours du 20e siècle, le niveau des mers s'est élevé de 20 cm environ", explique Météo France, contre 5 cm par siècle sur les deux à trois derniers millénaires. Une montée qui pourrait atteindre 2 mètres en 2100, avec des conséquences désastreuses.
Deux raisons font que le niveau des océans monte. D'abord, l'eau se dilate lorsque la température monte. Deuxième facteur, la fonte des glaces, dont une grande quantité se trouve dans les glaciers de montagne, l'Antarctique et le Groenland, et qui s'intensifie.
Les conséquences sont multiples. En Alaska en 2015, un éboulement massif généré par le recul du glacier Tyndall avait généré un tsunami de près de 200 mètres. "Les glaciers, en reculant, modifient leur environnement de manière spectaculaire", expliquait Dan Shugar, de l'Université de Washington Tacoma. En Sibérie, des immeubles se fissurent à cause de la fonte du permafrost qui les soutiennent, une couche minérale cimentée par la glace et qui ne reste stable que si l'eau est gelée. Ailleurs en Sibérie, en octobre 2018, un navire de la Marine nationale française a franchi pour la première fois le passage du Nord-Est, cette voie maritime mythique longeant les côtes arctiques, sans l'aide d'un brise-glace.
SOLUTIONS. “Nous affirmons que nous avons en main tous les moyens techniques et économiques pour atteindre cet objectif” de ne pas dépasser +1,5°C, assurait en 2018 Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et vice-présidente du groupe de travail du GIEC sur l'étude physique du climat. Pour en savoir plus, lisez notre article : Rester en dessous de 1,5°C : des efforts douloureux pour des bénéfices immenses.
Loin des glaciers, le réchauffement climatique joue aussi avec le feu. "En asséchant la végétation, le changement climatique entraîne (depuis les années 1960) une augmentation du danger météorologique de feux de forêts", explique Météo France. "Le changement climatique, en plus d'apporter un air plus sec et plus chaud, crée des écosystèmes plus inflammables en augmentant le taux d'évaporation et la fréquence des sécheresses", expliquait Christopher Williams, de l'Université Clark dans le Massachusetts. Avec la hausse du mercure et des précipitations moins importantes, les racines des arbustes et des arbres vont pomper l'eau plus profondément dans le sol. Résultat, la terre humide qui aurait pu ralentir un feu de forêt n'est plus là. Et les feux de forêts, en plus d'être plus fréquents, sont plus intenses.
Dans les zones tempérées de l'hémisphère nord, la saison des incendies se limitait traditionnellement à juillet-août et s'étend maintenant de juin à octobre dans le bassin méditerranéen. En Californie, des experts estiment que les feux de forêt peuvent à présent éclater tout au long de l'année. Le Sud de la France et le Portugal ont ainsi connu au cours des 20 dernières années plusieurs épisodes de sécheresse comme il ne s'en produisait avant qu'une fois par siècle. En 2018, la Grèce et la Californie ont notamment été ravagées par les incendies.
Et c'est un véritable cercle vicieux. Les forêts sont en effet de gigantesques puits de carbone, dont elles stockent environ 45% à l'échelle planétaire. Lorsqu'elles brûlent, une partie du carbone est relâchée dans l'atmosphère, contribuant ainsi au réchauffement climatique.
Les événements météorologiques "extrêmes" rassemblent à la fois les canicules et les incendies, mais aussi les cyclones, tempêtes ou encore les crues, tsunamis et inondations. Au niveau mondial, ces événements ont plus que doublé entre 1980 et 2016, d'après un rapport de 2018 du Conseil des Académies des sciences européennes (EASAC). En particulier, les aléas hydrologiques extrêmes (inondations, crues) ont quadruplé, et les sécheresses doublé.
Mais au niveau scientifique, les orages, les cyclones tropicaux et les cyclones extratropicaux (comme les caractérisent les spécialistes du climat) sont des cas plus complexes. "Avec un recul d'une quarantaine d'années seulement, il est impossible de distinguer l'impact du changement climatique de la variabilité naturelle du phénomène", explique Météo France au sujet des cyclones tropicaux. S'il est encore difficile de faire la part des choses, les experts s'attendent cependant à moins de cyclones, mais avec un surcroît de puissance pour les plus forts d'entre eux, qui puiseront de l'énergie dans l'atmosphère humidifiée au-dessus d'océans réchauffés.
"Les tempêtes ne sont pas unidimensionnelles", expliquait en 2013 Anthony Del Genio, climatologue au Goddard Institute for Space Studies de la Nasa, sur le site de la mission Earth's Observatory. L'humidité de l'atmosphère, les différences de température entre les océans, mais aussi entre les masses d'air, sont des paramètres essentiels à leur formation.
Les effets du réchauffement climatique sur la santé sont nombreux et peuvent être directs, comme la déshydratation en période de canicule (70.000 décès supplémentaires ont été enregistrés lors de la canicule de l’été 2003 en Europe), ou les effets psychologiques des événements liés au climat. Par exemple, l'exposition aux inondations et à d'autres événements extrêmes augmente le risque de dépression et d'anxiété. Et le simple fait d'anticiper ces catastrophes peut affecter la santé mentale. C'est cette "peur chronique d'un environnement condamné" que l'Association américaine de psychiatrie qualifie d'éco-anxiété.
Plus indirectement, des effets délétères pour la santé peuvent résulter des conséquences des événements climatiques. Ainsi, la pollution due à l'incendie californien de 2018 a obligé la fermeture des écoles et le port de masques pour beaucoup d'habitants, afin de protéger leurs voies respiratoires des particules flottant dans l'air. Les feux de friche tels que celui-ci "peuvent multiplier par dix les niveaux de pollution atmosphérique quotidiens", explique l'article du New England Journal of Medicine de janvier 2019.
Certaines maladies sont favorisées par l'augmentation des températures. Le réchauffement a ainsi pour conséquence d'augmenter les quantités de pollen… et donc d'allergies. En France, Le nombre d’allergies liées au pollen a triplé en 20 ans, touchant près de 20 % des adolescents et plus de 30 % des adultes, avertissait l'Inserm en 2015. Le réchauffement favorise également les maladies vectorielles, c'est-à-dire transmises par un agent vivant tel que le moustique, très sensible aux conditions météorologiques. Aujourd'hui, le paludisme, transmis par les moustiques, tue déjà 400.000 personnes par an.
Côté nutrition, le New England Journal of Medicine note "que les concentrations croissantes de dioxyde de carbone ont des effets néfastes sur la qualité nutritionnelle des principales cultures céréalières, telles que le riz et le blé, notamment en abaissant les niveaux de protéines, une gamme de micronutriments et de vitamines B".
A cause de l'activité humaine, un million d'espèces animales et végétales sont aujourd'hui menacées d'extinction. Si le changement climatique n'est pas la seule cause, elle s'ajoute aux conséquences désastreuses de l'utilisation des terres (agriculture, déforestation), l'exploitation directe des ressources (pêche, chasse), les pollutions et les espèces invasives.
L'augmentation des températures est également responsable de comportements nouveaux et inquiétants chez les animaux. Des ours polaires affamés, affectés par la fonte des glaces, font ainsi des incursions dans des villes russes. En Australie, des requins deviennent droitiers, en latéralisant leurs mouvements pour économiser une énergie plus vite dilapidée dans une eau plus chaude.
La flore souffre tout autant, avec une évolution végétale encore jamais observée sur un laps de temps aussi court : entre 2009 et 2019, la flore sauvage a déjà changé sous l’effet du dérèglement climatique, "sur toute la France, tous milieux confondus". "Les espèces qui préfèrent des températures élevées s'installent (dans de nouveaux territoires, ndlr) ou augmentent en abondance", expliquait Gabrielle Martin du Muséum national d'Histoire naturelle. Les sites où la température a le plus augmenté sont ceux où la végétation a le plus changé. Dans les forêts françaises, le constat est similaire. Des branches sommitales de chênes qui s’assèchent, des pins sylvestres qui meurent de soif, des hêtres qui ont du mal à supporter des températures élevées : pour les forestiers, les signes du réchauffement climatique sont déjà là.
Une bonne nouvelle pour les Anglais, cependant : grâce au réchauffement climatique, ils espèrent pouvoir produire des vins effervescents susceptibles de concurrencer le champagne.