Rapport de l’IPBES sur la biodiversité : l’heure n’est plus aux demi-mesures

Publié le par The Conversation via M.E.

Cet article est publié en collaboration avec les chercheurs de l’ISYEB (Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité, Muséum national d’Histoire naturelle, Sorbonne Universités). Ils proposent chaque mois une chronique scientifique de la biodiversité : « En direct des espèces ». Objectif : comprendre l’intérêt de décrire de nouvelles espèces et de cataloguer le vivant.

Les grandes crises environnementales – celle du climat et de la biodiversité – auxquelles notre monde est confronté ne laissent presque plus personne indifférent. Le scepticisme des premières années a laissé la place aux polémiques alimentées par les lobbyistes ou antiscience ; et les pseudo-controverses se concentrent désormais sur les causes et les remèdes à apporter à ces problèmes.

Reste une question : si le constat de la menace climatique et de la dégradation de la biodiversité est unanime, que pouvons-nous vraiment faire, à part participer au concert des lamentations ?

Sous-exposition médiatique

Connaissez-vous l’IPBES, cette plate-forme intergouvernementale pour la biodiversité ? En avez-vous déjà entendu parler ? Elle est à la biodiversité ce que le GIEC est au climat. Depuis le 29 avril, les délégués scientifiques des 132 pays membres de la plate-forme travaillent ensemble à Paris, à l’invitation du Président Emmanuel Macron, pour finaliser leur dernier document d’évaluation. Cette session prendre fin ce samedi 4 mai. Le résultat de ce travail nous permettra d’avoir une photographie précise de l’état du vivant terrestre.

À l’instar de ceux du GIEC, les documents de l’IPBES sont argumentés, collectifs et discutés dans leurs moindres détails. Et comme ceux du GIEC, ils peuvent difficilement laisser place à la contestation. Mais leur couverture et leur impact médiatique restent pourtant très faibles comparés à ceux portant sur le changement climatique.

Qu’en conclure ? Faut-il sauver la biodiversité ou se contenter de se lamenter de la disparition des ours blancs, manchots et des papillons de nos jardins ?

C’est toujours le même souci avec la biodiversité : tout le monde en veut un peu, mais pas trop et pas trop près. Oui aux jolis papillons mais pas de moustiques qui piquent ; oui aux gentilles abeilles butineuses mais pas de guêpes qui gâchent le pique-nique ; oui aux beaux arbres qui font de l’ombre en été mais pas à leurs feuilles mortes qu’il faut balayer à l’automne. Oui enfin aux belles forêts tropicales, mais loin de chez nous, dans des pays en développement ou émergents à qui on fait la morale, pendant que nos propres milieux naturels deviennent exsangues, surchargés d’intrants agricoles (fertilisants, pesticides) ou soumis à un extractivisme épuisant.

Sujet pour écolo bobo ou grave problème ?

A-t-on besoin de toute la biodiversité ? Les écosystèmes exploités par les communautés humaines ne peuvent-ils se stabiliser et trouver un nouvel équilibre ? D’innombrables travaux scientifiques permettent de répondre à ces questions.

Oui, nous avons un besoin vital de toute la biodiversité : nous nous en nourrissons – bien au-delà des variétés industrielles de blé, soja, riz, etc. Elle constitue d’autre part un réservoir de solutions qui nous permet de vivre confortablement. Outre son utilité directe, elle abrite tous les contributeurs naturels aux équilibres nécessaires – les pollinisateurs de nos cultures, les parasites ou prédateurs des pestes de nos cultures ou des vecteurs de maladies.

Nous avons pris l’habitude de bénéficier de ces équilibres naturels sans nous rendre compte qu’ils ne sont pas pérennes et restent vulnérables face à nos actions destructrices. Et quand bien même nous nierions ces bienfaits, de quel droit dilapiderions-nous l’héritage de nos enfants ou petits enfants ?

Oui, aussi, à la seconde question : les écosystèmes présentent des états d’équilibre multiples et il existe bien d’autres situations que le paradis – vierge – versus l’enfer d’une Terre ravagée et inhabitable. Encore faut-il rechercher ces états d’équilibre et cesser de penser que l’ingénieurie environnementale dédiée à l’agriculture, à l’élevage ou à la foresterie peut tout maîtriser, dans un interventionnisme permanent et naïf. Faut-il, par exemple, vraiment fabriquer des drones pollinisateurs, au coût carbone exhorbitant, plutôt que de laisser vivre les abeilles ou bourdons sauvages, moyennant des aménagements raisonnables et rentables de nos pratiques agricoles ? Il faut enfin se rappeler que la diversité est clairement liée à la bonne santé de nos écosystèmes : plus d’espèces même redondantes fonctionnellement signifie plus de stabilité ou de résilience.

Nous ne devons pas jouer à l’esprit fort, satisfait de cerner le « paradoxe environnementaliste », mais qui échoue à mesurer une corrélation majeure entre pertes de biodiversité et développement vertueux des populations humaines.

Ce paradoxe revient à jouer à la « dinde inductiviste » – une fable mise au point par les philosophes Bertrand Russell et Alan Chalmers – qui conclut après plusieurs jours de son bon repas d’élevage quotidien que tout ira bien ainsi très longtemps… jusqu’au 24 décembre où les conclusions basées sur ses habitudes sont brutalement contredites !

Certes, les pays en voie de développement ont malheureusement bien d’autres soucis que la préservation de la biodiversité. Certes, les pays développés arrivent encore à préserver leurs intérêts immédiats, mais pour combien de temps avant que les écosystèmes ne soient vraiment totalement en faillite.

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Publié dans Biodiversité, Climat

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