Projet ZAC Saint Sauveur : l'Autorité Environnementale donne un avis très sévère sur le projet

La mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) de la région Hauts-de-France s’est réunie le 12 février 2019. L’ordre du jour comportait, notamment, l’avis portant sur le projet de ZAC Saint-Sauveur à Lille dans le département du Nord.
Étaient présents et ont délibéré : Mmes Patricia Corrèze-Lénée, Denise Lecocq Valérie Morel, M. Étienne Lefebvre.
En application du § 2.4.1 du règlement intérieur du CGEDD, chacun des membres délibérants cités ci-dessus atteste qu’aucun intérêt particulier ou élément dans ses activités passées ou présentes n’est de nature à mettre en cause son impartialité dans l’avis à donner sur le projet qui fait l’objet du présent avis.
C'est cet avis délibéré n°2019-3203 du 12 février 2019 dont nous donnons ci-après de larges extraits.
Rappel du contenu du projet : Le projet de ZAC Saint-Sauveur s’étend sur 23 hectares entre la rue Camille Guérin et la rue de Cambrai à Lille, sur le site d’une ancienne gare ferroviaire de marchandises.
Le programme de la ZAC prévoit la construction d’environ 240 000 m² de surfaces de plancher, soit 2 000 à 2 400 logements sur 165 000 m², des activités et commerces sur 20 000 m², des bureaux sur 35 000 m² et des équipements (groupe scolaire, piscine et gymnase) sur 20 000 m².
Il intègre un projet de centre aquatique (étude, pages 52 à 57), dont la réalisation d’une piscine olympique sur environ 13 000 m² (15 000 m² de surface de plancher), prévu sur le secteur du Belvédère, à l’est de la friche, qui comprend : un bassin sportif de 50 mètres, un bassin polyvalent de 30 mètres, un bassin nordique extérieur de 50 mètres ouvert en toute saison, un bassin balnéo-ludique, un bassin d’activités de type aqua-fitness, une fosse de plongée, un espace bien-être, un restaurant et un espace de réception.
Rappel résumé de l'avis de l'Autorité Environnementale du 26 mai 2015 donné sur le projet : Celui-ci signalait une pollution des sols et demandait de compléter l’étude d’impact sur la pollution de l’air, la compatibilité de l’usage des sols avec leur pollution, le respect du plan de déplacements urbains et d’approfondir le volet sanitaire du projet, y compris en phase travaux.
Voici les remarques et recommandations de l'Autorité Environnementale :
L’autorité environnementale recommande de compléter l’analyse de l’articulation du projet de ZAC avec le plan de gestion des risques d’inondation du bassin Artois-Picardie 2016-2021.
Mobilité-Transports : Par rapport au Plan de Déplacements Urbain (PDU) 2010-2020, Aucune mesure précise n’est cependant présentée favorisant les transports en commun, le vélo ou la marche, comme une requalification des voiries incitant à utiliser ces modes plutôt que la voiture ou une amélioration de la desserte par les transports en commun. Par contre, il est attendu une augmentation de 6 830 déplacements par jour en voiture. En l’état du dossier, le projet de ZAC devrait accentuer le non-respect des objectifs du PDU. L’autorité environnementale recommande de démontrer comment le projet participera à l’atteinte des objectifs de parts modales du PDU 2010-2020 de la Métropole européenne de Lille.
Protection qualité de l'air : L’articulation avec le plan de protection de l’atmosphère (PPA) Nord-Pas de Calais est sommairement analysée (page 325). Les mesures favorables à la qualité de l’air répondant aux objectifs du plan ne sont pas précisées. L’autorité environnementale recommande de préciser comment le projet répond aux objectifs du plan de protection de l’atmosphère (PPA) Nord-Pas de Calais.
Interaction entre projets : Les effets cumulés du projet avec les autres projets connus sont analysés de manière qualitative, pages 308 à 316. Pour une meilleure appréciation des impacts, il aurait été intéressant de chiffrer ces impacts en termes de consommation d’espaces, de trafic induit et de consommation en eau par exemple. L’autorité environnementale recommande de quantifier les impacts cumulés du projet avec les impacts des autres projets connus en ce qui concerne la consommation d’espace, le trafic induit et la consommation d’eau.
Protection des espèces protégées : La localisation étant une donnée de base, aucun scénario n’est présenté visant à éviter les impacts significatifs du projet sur l’environnement mis en évidence dans l’étude, tels que la destruction d’espèces protégées.
Impacts environnementaux : L’analyse des scénarios ne porte pas sur les enjeux de modération de l’artificialisation des sols, des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques. Des variantes auraient pu être étudiées pour répondre à ces enjeux. L’autorité environnementale recommande de démontrer que le projet retenu représente le meilleur compromis entre limitation des impacts sur les enjeux principaux identifiés en matière d’environnement et objectifs de développement.
Le dossier évoque une récolte de graines pour les végétaux patrimoniaux xérophiles en vue de leur semis sur des toitures végétalisées. L’autorité environnementale recommande de détailler la mesure relative à la végétalisation des toitures.
Protection de la ressource en eau : La ressource en eau est un enjeu fort pour l’agglomération lilloise car la ressource disponible couvre à peine les besoins. Bien qu’aucun cours d’eau ne soit présent dans l’emprise du projet, le projet se situe dans le bassin versant de la Deûle canalisée (FRAR32) qui présente un mauvais état écologique et chimique. Deux nappes souterraines principales sont présentes vulnérables à la pollution et surexploitées.
Le projet de piscine doit remplacer la piscine existante Marx Dormoy (étude page 14) et être moins consommatrice en eau. Cependant, ce point n’est pas suffisamment développé au regard de la ressource en eau (quantité et qualité) qui constitue un enjeu majeur à Lille. Un tableau comparatif des consommations d’eau de la piscine actuelle et avec celles du projet serait nécessaire pour apprécier l’impact de la piscine sur la consommation d’eau. L’autorité environnementale recommande de préciser les besoins en eau générés par la piscine.
Concernant les besoins en eau, ils sont a priori sous-évalués. Les contrôles sanitaires sur les eaux de piscine montrent en effet que le minimum de renouvellement de 30 litres par jour et par baigneur est insuffisant pour maintenir une bonne qualité sanitaire de l’eau. Il est recommandé un renouvellement moyen de 50 litres par jour et par baigneur pour maintenir une bonne qualité sanitaire de l’eau. De plus, les eaux de lavage des filtres ne peuvent être réinjectées dans le circuit de traitement de l’eau des bassins, ni être réutilisées pour le nettoyage des abords des piscines. Leur réutilisation est donc limitée à certains usages comme pour les chasses d’eau. L’autorité environnementale recommande de reprendre les estimations d’économie d’eau prévues pour le centre aquatique au regard de leur faisabilité y compris réglementaire.
Nouveaux flux motorisés et impacts sur l'air : Les polluants atmosphériques ont été modélisés à partir des teneurs moyennes annuelles relevées par Atmo, sans prendre en compte les résultats des campagnes de mesures ponctuelles réalisées. Néanmoins, à défaut de campagnes d’une durée d’un an, le porteur du projet aurait dû considérer ces données comme valables et les utiliser dans la conception du projet.
L’autorité environnementale note qu’aucune campagne de mesure n’a été réalisée sur les particules fines (PM10 et PM2,57) et que le dossier comprend une modélisation à partir des données d’Atmo. L’autorité environnementale recommande de compléter l’état initial de la qualité de l’air de mesures sur le site concernant les particules fines, et d’intégrer les résultats des campagnes de mesures aux modélisations de la qualité de l’air sur le site de projet, ce qui aurait pour effet probable de donner des concentrations en NO2 supérieures aux résultats de la modélisation présents dans le dossier.
Malgré une qualité de l’air très dégradée (au-dessus des recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en valeur instantanée et en moyenne annuelle pour les particules fines (page 291 de l’étude d’impact), le projet aggravera la situation avec une augmentation des concentrations en polluants atmosphériques (page 237 de l’étude d’impact) : + 2 à 3 μg/m³ en NO2, soit une augmentation de plus de 10 %, et une augmentation de 1 μg/m³ pour les PM10, soit environ 5 %, ce qui contrairement à ce qui est affirmé est significatif), essentiellement liée à l’augmentation de la circulation automobile engendrée par le projet. Il devrait également augmenter fortement les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) dans les secteurs déjà en fort dépassement, comme la rue de Cambrai avec une augmentation du trafic de 30 à 40 % en heure de pointe.
Compte tenu de la situation sanitaire préoccupante dans ce domaine, l’autorité environnementale recommande que la Métropole européenne de Lille définisse des mesures, y compris dans un périmètre au-delà de ce projet, par exemple dans le domaine des transports en commun dont elle a la charge, pour que l’impact global du projet sur la qualité de l’air soit nul voire négatif. Ces mesures seraient par ailleurs favorables à la limitation de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
Emissions de gaz à effet de serre et impacts climatiques : Le dossier indique (page 49) que l’enjeu du projet est de créer un quartier "bas carbone". Si le sujet semble étudié pour le volet énergétique des bâtiments, il ne l’est pas concernant les déplacements, ni le stockage de carbone par les espaces verts ou naturels. Le projet entrainera l’artificialisation d’environ 20 hectares et prévoit un aménagement en espace vert sur 3,4 hectares. Les possibilités de stockage du carbone par les sols selon leur occupation ou couvert végétal ne sont pas intégrées. L’autorité environnementale recommande de compléter l’étude d’impact d’un bilan du carbone avant et après travaux et en fonctionnement intégrant l’ensemble des postes, dont celui du stockage de carbone, et de prévoir les mesures pour éviter ou réduire les impacts du projet sur les gaz à effet de serre.
Le projet d’un bassin « nordique », ouvert en toute saison, apparaît en contradiction avec l’objectif de maîtrise des consommations énergétiques et doit être réinterrogé. L’autorité environnementale recommande de préciser :
- l’impact sur les consommations énergétiques du bassin « nordique » ;
- les mesures envisagées afin de limiter les déperditions d’énergie