Un seul navire pollue autant qu’un million de voitures
On met souvent en avant les dommages causés par la pollution automobile, mais dans les grands ports, les navires sont également une source importante d’émissions de gaz toxiques. Les experts estiment ainsi qu’un seul navire génère autant de pollution aux particules ultrafines qu’un million de voitures.
La majeure partie de la pollution des navires s’explique par la teneur en soufre de leurs carburants, jusqu'à 3 500 fois plus élevée que le diesel des voitures. Une fois brûlé, ce carburant rejette du dioxyde de soufre, un polluant néfaste pour l’environnement et la santé.
L’université allemande de Rostock et le centre de recherche sur l’environnement Helmholzzentrum à Munich ont démontré le lien entre les gaz d’échappement des cargos et plusieurs maladies cardiovasculaires et respiratoires. Dans une étude publiée en 2015, les chercheurs estiment que la moitié de la pollution de l'air liée aux particules dans les zones côtières et portuaires provient des émissions des navires. Au total, les émissions du transport maritime causent 60 000 morts par an en Europe et coûtent 58 milliards d’euros chaque année.
Cinq zones d’émissions contrôlées
Pour l’instant, l’Organisation maritime internationale (OMI) a pris quelques mesures pour limiter les émissions de dioxyde de soufre. Le plafond mondial de la teneur en soufre du fioul devrait passer de 3,5 % à 0,5 % à partir du 1er janvier 2020. "Un taux encore trop élevé" pour l’association France Nature Environnement (FNE).
Par ailleurs, des zones d’émissions contrôlées ont été mises en place dans la Manche, en Amérique du Nord et dans la zone maritime Caraïbe des États-Unis. Deux autres vont être créées en mer Baltique et en mer du Nord en 2021. Les navires y transitant ne peuvent pas utiliser de carburant contenant plus de 0,1 % de soufre. Mais FNE regrette le manque de contrôles et de sanctions. "Seulement un navire en moyenne est contrôlé sur 1 000 navires en transit, déplore l’ONG. Et s'il enfreint la loi, les amendes s'avèrent peu dissuasives".
FNE estime également qu’une telle zone devrait être déployée en mer Méditerranée où les taux de soufre mesurés sont très élevés. "La France a lancé une étude de faisabilité, précise François Piccione, coordinateur du réseau Océans, Mers et Littoraux, mais les armateurs craignent une distorsion de concurrence".
17 % des émissions de GES en 2050
Quant aux émissions de CO2, le secteur maritime peine à prendre position. Il représente plus de 90 % des marchandises acheminées dans le monde. Pourtant, il est le seul à n’avoir ni objectif, ni plan pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et à ne pas être contraint par l’Accord de Paris. L’OMI (Organisation Maritime Internationale) s’est engagée à adopter une stratégie initiale de réduction des émissions au printemps 2018, comprenant notamment un calendrier. Une stratégie "révisée" devrait ensuite être adoptée en 2023.
"Mais il est très compliqué d’obtenir des avancées au sein de l’instance, constate François Piccione. Les petites îles sont représentées par des cabinets d’affaires occidentaux qui servent l’intérêt des gros armateurs. Si les discussions n’aboutissent pas, il est possible qu’une autre instance voit le jour pour traiter les questions environnementales de façon indépendante car nous assistons à une véritable révolte de la part de certains États insulaires et de nombreux riverains."
Au sein de l’OMI, une "nouvelle alliance mondiale" de propriétaires et exploitants de navires, regroupant 13 entreprises, a été annoncée le 29 juin dernier afin de soutenir la réduction des émissions de carbone des transports maritimes. Ce dernier représente aujourd’hui 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais il pourrait représenter jusqu’à 17 % de ces émissions en 2050.
Concepcion Alvarez @conce1