D'après Yves Marignac : "Le potentiel de danger à La Hague est sans équivalent"
Yves Marignac est expert indépendant et spécialiste «critique» du nucléaire. Il dirige le cabinet d'étude WISE-Paris et avait rédigé une étude inquiétante sur les conséquences d'une attaque terroriste contre l'usine de retraitement de déchets d'Areva.
Libération mettait le sujet à sa Une ce mardi 28 mars : le projet de stockage géologique profond Cigéo mené à Bure, dans la Meuse, par l’Agence de gestion des déchets radioactifs (Andra), est censé apporter un jour une réponse définitive et vertigineuse à la question du devenir des déchets les plus dangereux produits par l’industrie de l’atome.
En attendant, ces déchets haute et moyenne activité sont entreposés à La Hague, près de Cherbourg. L’usine de retraitement d’Areva abrite aussi dans ses piscines de refroidissement l’équivalent, en combustible usé, d’une centaine de «cœurs» nucléaires. Soit le double de ce qui est «chargé» dans les 58 réacteurs français et la plus forte concentration de matière radioactive en Europe… Une situation qui n’inquiète pas que les antinucléaires. Une étude de Wise-Paris avait montré, après le 11 septembre 2001, que la chute d’un avion de ligne sur ce site aurait des conséquences inimaginables. Seize ans après la situation n’a pas changé. Explications avec son auteur, Yves Marignac.
Vous avez alerté dès 2001 sur l’énorme risque que ferait peser l’usine de La Hague sur les populations en cas d’accident majeur ou d’attaque terroriste de type 11-Septembre…
Oui, avec le directeur de l’époque, Mycle Schneider, nous avions calculé qu’un gros porteur chargé de kérosène qui s’écraserait sur l’une des piscines causerait une catastrophe nucléaire civile sans précédent. Une telle quantité d’énergie cinétique et thermique concentrée en un point critique sur un stock de combustible usé sans équivalent – il y a à la Hague plus d’une centaine de cœurs de réacteurs – provoquerait un relâchement de Cesium 137 largement plus élevé que celui de Tchernobyl… Nous avions dit que ce pourrait être jusqu’à 66 fois en nous basant sur l’hypothèse haute du gendarme nucléaire américain, la US NRC. La contre-expertise de l’IRSN a ramené notre estimation à 10% du Cesium…mais cela fait quand même plus de 6 fois Tchernobyl ! Le potentiel de danger à La Hague est sans équivalent, sans commune mesure avec tout ce que l’on connaît en France et en Europe, si l’on met de côté l’usine de retraitement de Sellafield en Grande-Bretagne, où le risque est similaire.
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N.B. Yves Marignac est consultant international, directeur de WISE-Paris, agence indépendante d'information et d'expertise sur le nucléaire et les politiques énergétiques. Auteur de nombreux rapports et publications sur ces thèmes, il s'investit depuis plus de 15 ans dans le développement d'une expertise indépendante dans ces domaines via son action dans plusieurs associations d'experts (négaWatt, Global Chance) et sa contribution à différents exercices de concertation et d'expertise pluraliste.