8 raisons pour lesquelles la France est en échec sur la qualité de l’air dans les villes

Publié le par M.E.

La France étant depuis plusieurs années menacée de lourdes sanctions financières pour son inaction en matière de qualité de l’air dans les villes par la Commission Européenne, il nous est apparu intéressant de tenter d’analyser les raisons de cette apparente paralysie.

 

Raison n°1 : Les élus nationaux et les autorités de l’Etat ne considèrent pas encore la mauvaise qualité de l’air comme un véritable fléau sanitaire, alors que celui-ci est considéré comme un des problèmes majeurs par les experts internationaux.

De multiples raisons à cela : manque d’intérêt, cursus de formation, influence des lobbys…

Ces mêmes personnes restent persuadés aussi à tort que seuls les épisodes de pollution sont dangereux (d’ailleurs tous les textes règlementaires sont orientés sur la gestion de ceux-ci) alors que les épidémiologistes ont montré depuis longtemps que les problèmes sanitaires majeurs proviennent de la pollution permanente à un niveau trop élevé.

 

Raison n°2 : Ceux qui pourraient avoir une influence sur les élus, les autorités de l’Etat comme le corps médical avec ses pneumologues, cardiologues, médecins généralistes, pédiatres, médecins hospitaliers de différentes spécialités au sein des services d’urgence sont inaudibles, muets. Cette absence de mobilisation, de parole publique forte, de présence sur les médias de leur part peut donner l’impression aux élus, aux autorités de l’Etat et au grand public que le problème est minime.

Pour confirmer cela, il suffit de consulter le site de l’Académie Nationale de Médecine, où parmi toutes les publications, on ne trouve qu’une seule, en date de 2012, concernant la qualité de l’air et les émissions des moteurs Diesel. Dans cette publication, on se charge de minimiser le problème de nocivité des émissions en arguant que le problème est en voie de disparition avec la nouvelle génération de moteurs !

 

Raison n°3 : La faiblesse de la mouvance écologiste en France et la part restreinte prise par l’environnement et le développement soutenable dans les programmes des candidats aux différentes échéances électorales ne permettent pas de donner un "coup de pied dans la fourmilière" et de rompre ce silence de médiocrité, de passivité et de compromission.

 

Raison n°4 : N’entendant pas les catégories précédentes s’exprimer, les élus en charge des métropoles et des villes ne sont pas sensibles au problème sanitaire causé par la mauvaise qualité permanente de l’air, ne sentent pas vraiment de pression pour agir de manière radicale et volontariste et craignent au contraire l’impopularité qui serait créée par la mise en place de mesure restreignant la part des voitures en ville ou contraignant les citoyens à changer de mode de chauffage de leur domicile.

 

Raison n°5 : L’organisation des responsabilités au sein des métropoles et des villes reste cloisonnée et fragmentée entre de multiples spécialités technico-professionnelles et ne permet pas le travail pluridisciplinaire dans le cadre d’une approche systémique des enjeux et défis métropolitains. En outre, on constate l’absence d’utilisation des outils de modélisation et de simulation : Calcul des flux de circulation et simultanément des concentrations de polluants. ceci  permettrait d’évaluer, par exemple, les conséquences pour la qualité de l'air d’un nouveau plan de circulation ou de l’aménagement de pistes cyclables à place de voies pour les automobiles.

 

Raison n°6 : Il existe une trop grande quantité d’outils de planification territoriale qui sont en relation avec l’amélioration de la qualité de l’air. Celle-ci devrait être logiquement traitée en articulation avec la lutte contre le réchauffement climatique et la maîtrise de l’énergie (SRCAE), avec l’aménagement du territoire dans les SCOT en lien eux-mêmes avec les PDU et PLU. L’expérience montre que jusqu’à présent ces plans sont, dans leur ensemble peu contraignants ; Pour cela, il suffit de constater la multiplicité des actions prévues, le manque de description des responsabilités, des moyens affectés et des délais de réalisation qui permet de conclure à une inefficacité décidée dans le cadre d’un consensus mou et d’un désintérêt général des grands élus.

Raison n°7 : L’attitude des élus métropolitains et municipaux qui sensibles à leur électorat ne veulent pas se mettre à dos des catégories « bruyantes ». Les lobbys dont celui des commerçants, des taxis, des transporteurs routiers ou encore des automobilistes gardent un potentiel de nuisances et de pression sociale conséquents. Alors les réaménagements de la ville se font souvent en France avec une progressivité extrême et donnent souvent l’impression de ne pas choisir entre le « tout voiture » et une autre mobilité conduisant à une ville plus respirable, moins bruyante et plus conviviale.

 

Raison n°8 : La conséquence des outils de planification territoriaux peu contraignants conduit à un grignotage qui se poursuit des terres agricoles au profit de la construction de logements : l’étalement urbain. Le coût toujours plus élevé, d’année en année, de l’accession au logement en centre ville conduit nombre de citoyens à privilégier l’installation en territoire périurbain. Ceux qui s’installent ainsi veulent aussi profiter de l’air de la campagne et d’espaces verts privés plus vastes et leur « navettage » quotidien pour rejoindre leur lieu de travail accroît d’autant les émissions de polluants pendant leur trajet. Cette pollution est aussi aggravée par les déplacements domicile-hypermarché.

 

En conclusion : Pourtant, les actions qui permettent d’améliorer la qualité de l’air ambiant en ville font maintenant consensus. Beaucoup d’associations et d’ONG ont recensé les bonnes pratiques qui permettent de lutter contre la pollution de l’air en ville ; en voici un petit résumé :

- les zones de circulation restreintes (Umweltzonen (D), Low emission zones (UK)),

- L’incitation au vélo et à la marche,

- La planification urbaine et l’arrêt de l’étalement urbain,

- La taxation du trafic et des transits urbains,

- La limitation de vitesse dans les centres-villes (Zone 30),

- Les zones piétonnes ou d’accès restreint,

- La gestion dissuasive des places de parking,

- La politique d’achats publics (parc roulant municipal, taxis, bus…),

- L’auto-partage et le covoiturage,

- Les parkings de dissuasion en périphérie du centre ville,

- L’incitation à la mobilité électrique.

 

M.E.

 

Références bibliographiques

- What can be done in your city to decrease air pollution, EEB-Transport & Environment, March 2011.

- 6 Things All Cities Should Be Doing To Reduce Urban Air Pollution Now, Urban Times, June 13, 2014.

- Which European cities are doing the most to improve air quality ? Citylab, April 1, 2015.

- Best-Practice Guidelines for municipalities, http://www.sootfreecities.eu/best-practice

- Académie Nationale de Médecine http://www.academie-medecine.fr

- Métropole Européenne de Lille, organigramme, http://www.lillemetropole.fr

- Urban traffic management and air quality project, ITS Review, April 15, 2015.

- La modélisation et de la simulation au service de la planification urbaine, VITO, https://vimeo.com/109456279

- Évaluation environnementale des projets de gestion dynamique de trafic sur la qualité de l’air, SETRA, MEDDE, juin 2012.

- Umweltzonen in Deutschland, http://www.umweltzone.de

 

Publié dans Air, Gouvernance

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