Algues : le nouvel or vert en quête d'un modèle industriel

Publié le par Les Echos via M.E.

Selon le gouvernement, la structuration d'une filière participera à la souveraineté énergétique et alimentaire du pays. Sur le littoral, PME et start-up tentent d'en trouver le modèle entre développement industriel et respect de la ressource.

La Bretagne assure 95 % de la production française. (iStock)

En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des algues. Et assez de projets innovants pour donner naissance à un secteur industriel. Ce sont du moins les conclusions de la feuille de route « algues » présentée par le gouvernement en février dernier. Son objectif : hisser l'Hexagone parmi les champions du domaine.

« Jusqu'à présent, les conditions n'étaient pas réunies pour faire émerger une filière, à cause de la concurrence des produits d'origine fossile. Désormais, la donne a changé », assure Jean-Pierre Rennaud, président du Cluster Algues Bretagne, région qui assure 95 % de la production française.

Cet ancien responsable environnement du groupe Danone est convaincu du potentiel économique de cette industrie naissante. Sur le terrain, les choses commencent d'ailleurs à bouger. Le secteur agroalimentaire voit dans ces plantes une source nouvelle de protéines ; la pharmacie, une mine de molécules « d'intérêt » ; les chimistes, un moyen d'inventer des bioplastiques.

Quant au monde agricole, il compte bien exploiter cette réserve naturelle d'azote. « Dans ce secteur, les produits sont déjà sur l'étagère », affirme Jean-Pierre Rennaud. 

C'est le cas chez Olmix, un fabricant de solutions biosourcées pour le bétail et les cultures. Depuis Bréhan (Morbihan), l'ETI, aux 900 salariés et 200 millions de chiffre d'affaires, s'est hissée parmi les champions mondiaux de sa catégorie. « On est à l'aube de créer une vraie filière industrielle qui favorisera la transition agroécologique », estime son président, Hervé Balusson.

« Logique de craquage »

La recette n'est pas nouvelle. Historiquement, les algues ont été exploitées pour amender les sols, fabriquer la soude des verriers ou l'iode des premiers photographes. Ces productions restaient toutefois limitées et, surtout, centrées sur une seule application.

« C'est pourquoi l'enjeu est d'adopter une logique de craquage, c'est-à-dire de valorisation de l'ensemble des composants de la plante », reprend Jean-Pierre Rennaud. Pour y parvenir, les industriels misent sur un tissu dense de centres de recherche, concentrés en Bretagne, comme la station biologique de Roscoff, le Centre d'étude et de valorisation des algues de Pleubian ou l'Université Bretagne Sud. Cet écosystème commence à faire des émules. Notamment en Normandie , où industriels et chercheurs ont entrepris récemment de lancer une démarche de valorisation.

Dans le sillage des labos bretons, de nombreuses start-up ont en effet éclos. A l'image d'AberActives, à Brest, qui travaille sur l'extraction de molécules pour la cosmétique. Ou de Penn Ar Bed, une autre biotech du Finistère, spécialiste des engrais foliaires destinés au maraîchage ou la viticulture . Longtemps confidentielle, l'activité de cette TPE se développe fortement. Adossé depuis peu à un partenaire industriel, son directeur général, Gilles Vincent, ambitionne de passer le cap du million de chiffre d'affaires d'ici à trois ans, le double d'aujourd'hui. « Dans le monde agricole , faire changer les pratiques prend du temps. Pour convaincre, on a renforcé nos équipes commerciales », détaille le dirigeant.

Des initiatives ont vu le jour dans d'autres régions. En particulier autour de la Méditerranée, qui concentre l'essentiel des producteurs de spiruline, une plante utilisée dans les compléments alimentaires. Soit 180 entreprises qui totalisent 7 millions de chiffre d'affaires, selon le ministère de l'Agriculture. « Ces exemples montrent que les Français sont les plus avancés en matière de technologie. Reste à passer au stade industriel », poursuit le président d' Olmix .

Importations massives

C'est là que les choses se corsent. La France a beau être le premier producteur d'algues de l'Union européenne, sa production demeure limitée : entre 60 000 et 70 000 tonnes annuelles, quasi exclusivement issues de la récolte de plantes sauvages, en mer ou sur les rivages. Ces volumes sont principalement absorbés par les deux usines de production d'alginate (des épaississants) bretonnes, JRS Marine Products et Algaïa.

Les goémons de rive, récoltés sur les estrans, ne pèsent, eux, pas plus de 5 000 tonnes par an. Quant aux algues dites « épaves », échouées sur les plages, leurs volumes importants ( 50 000 tonnes annuelles pour les algues vertes en Bretagne, 312 000 tonnes pour les sargasses dans les Antilles et en Normandie ) ne sont que peu valorisés, hormis en méthanisation. Résultat : pour couvrir ses besoins industriels, estimés à 180.000 tonnes par an par, la France importe massivement, principalement depuis la Corée du Sud et la Chine, où la culture d'algues est traditionnelle.

« Trouver des solutions »

L'Hexagone veut donc combler son retard. Problème : créer des fermes algocoles s'avère complexe. Et ce, tant sur le plan administratif que sur celui de leur acceptation par les populations locales. Il y a dix ans, le projet de nouvelle concession à Moëlan-sur-Mer, dans le Finistère, par la société Algolesko (200 tonnes produites pour 1,1 million de chiffre d'affaires) avait, par exemple, soulevé une véritable levée de boucliers.

« A notre niveau, on a regardé un temps l'hypothèse de la culture, mais les indicateurs économiques n'étaient pas favorables », déplore Loïc Hénaff, patron du groupe éponyme , qui a repris en 2017 GlobeXplore , spécialisés dans la production d'algues pour le secteur culinaire. Une activité qui emploie 35 personnes et génère 6 millions de chiffre d'affaires.

« Il faudra trouver des solutions. La culture d'algues peut être une réponse aux problèmes des professionnels de la mer », estime, quant à lui, Jean-Pierre Rennaud. Dans sa feuille de route, le gouvernement envisage de simplifier les procédures. Une mesure nécessaire pour atteindre l'objectif de 1 000 tonnes d'algues cultivées en France d'ici à 2027, soit un triplement de la production actuelle.

Source : https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/algues-le-nouvel-or-vert-en-quete-dun-modele-industriel-2099018

Publié dans Mer, Agriculture

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