Méga-feu dans le Gard : quand l'exceptionnel devient la norme avec le changement climatique
Le Gard est en proie à un méga-feu depuis le 7 juillet. Les conditions météorologiques difficiles, avec des vents forts et une sécheresse intense, ont provoqué de nombreux feux pendant le mois juin. Le changement climatique est bien responsable d'une augmentation des risques, selon les estimations de Météo France. Des régions peu habituées à ces évènements extrêmes doivent s'y préparer.
Les pompiers sont sur le front dans le Gard. Un incendie qualifié de "méga feu" par les autorités locales s'est déclaré jeudi 7 juillet, nécessitant l'évacuation de plusieurs villages et mobilisant plus de 700 pompiers. "Avant de l'éteindre totalement, il faudra certainement plusieurs jours", a prévenu le lieutenant-colonel. Le département voisin des Bouches-du-Rhône est aussi sur le qui-vive avec 55 départs de feu signalés le 8 juillet. Cet épisode fait suite à deux autres méga-feux de plus de 1000 hectares qui ont marqué les esprits fin juin dans le Var et dans les Pyrénées-Orientales.
La période est à haut risque avec une combinaison fatale de chaleur, de végétation sèche et de vents violents. L'hiver 2021-2022 a été particulièrement sec, avec un déficit en eau supérieur à 20% qui a atteint 80% dans certains départements méditerranéens. Une contribution au risque de départ de feu, rappelle le ministère de la Transition écologique. Dans le Gard, la direction générale de la sécurité civile recommande à une grande prudence jusqu'à dimanche 10 juillet "en raison d'un très fort danger d'incendies en zone méditerranéenne".
Quatre maisons ont brûlé près d'Arles. Ce n'était pas le cas du Gard vendredi, mais des centaines d'hectares ont été dévorés par les flammes en quelques instants. "Ça a vraiment brûlé. Ce sont des pins maritimes, très combustibles. Demain, ça sera un spectacle de désolation" a indiqué jeudi soir le sous-préfet d'Alès. "On continue la montée en puissance des moyens car ce sont des secteurs qui sont très, très difficilement accessibles", a témoigné le contrôleur général du SDIS, Jean-Michel Langlais. Une nuit difficile qui se poursuit pour les habitants, invités à rester confinés tant que l'incendie n'est pas "fixé".
Le risque d'incendie grandit avec le changement climatique selon Météo France. Les chercheurs s'appuient sur l'Indice Forêt Météo (IFM), un indicateur du niveau de risque de déclenchement de feux de forêt prenant en compte plusieurs paramètres comme la température, l'humidité et le vent. Au regard des simulations climatiques, le risque de départ de feu augmente de 30 % à l'horizon 2040 et pourrait atteindre jusqu'à 75 % d'ici 2060. De quoi faire craindre une fréquence plus importante d'évènements traumatisants comme l'incendie dans le Var l'année dernière, ou les 5 000 hectares partis en fumée en 1985 dans le Gard.
Des régions habituellement épargnées doivent aussi se préparer à faire face à plus de risque de feux. "D'ici 20 à 30 ans, ces simulations montrent un déplacement du risque d'incendie vers l'Aquitaine et le Val-de-Loire, ainsi que dans la région parisienne. D'ici à 2090, ces prévisions indiquent que ce qui se passe aujourd'hui dans l'arrière-pays méditerranéen sera la situation normale sur l'ensemble du territoire", affirme Jean-Louis Pestour, directeur la DFCI, l'agence dédiée à a défense des forêts contre les incendies.
Les pompiers en Alsace sont bien conscients de ces évolutions. "Les épisodes de canicule et les périodes de stress hydrique de plus en plus fréquents nous incitent à poursuivre l'effort d'investissement tant en personnel qu'en matériel dans le domaine des feux de forêts", indique le Service d'Incendie et de Secours du Bas-Rhin à France 3 Région. 800 pompiers sont déjà formés aux méga-feux pour venir en aide aux régions du sud. Des compétences désormais appelées à être utiles aussi dans la partie nord de la France.
Mégots de cigarette, travaux de soudure, débroussaillage réalisé en pleine canicule... La cause des incendies est humaine dans 9 cas sur 10, et bien souvent liée à de la négligence, selon la Sécurité civile. S'il est difficile d'attribuer des méga-feux directement au changement climatique, leur risque de propagation et leur sévérité augmentent avec certitude. Une meilleure gestion des territoires, avec, par exemple, du brûlis dirigé en hiver, et, plus largement, une véritable culture de l'incendie vis-à-vis du grand public, doit être mise en place pour prévenir ces évènements extrêmes, comme le rappelle la journaliste Juliette Nouel.