Leroy Merlin crée le métier de "Responsable rénovation énergétique" pour accélérer les chantiers et capter ce marché prometteur
Le leader du bricolage en France ne se contente plus de vendre des produits. Alors que la rénovation énergétique des logements est appelée à décoller dans les années à venir, l'enseigne Leroy Merlin a choisi de se positionner sur ce créneau porteur en créant un nouveau métier : celui de Référent rénovation énergétique, véritable chef d'orchestre qui accompagne le client de A à Z dans son projet. Cette stratégie sera-t-elle payante au moment où le gouvernement lance son propre système d'accompagnement ?
La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier Runacher a inauguré le 9 novembre 2023 le salon "Mon parcours rénovation" de Leroy Merlin avec la nouvelle directrice du groupe Agathe Monpays.
C’est un chantier colossal. En France, on estime à cinq millions le nombre de passoires thermiques et l’objectif est de les éradiquer. Le gouvernement s’y attelle depuis plusieurs années avec des résultats mitigés. Alors qu’on devrait être à 700 000 rénovations globales par an, on en réalise dix fois moins. Pour tenter de débloquer la situation, les acteurs du privé n’hésitent pas à s’emparer du dossier. À l’instar de Leroy Merlin, l’une des enseignes préférées des Français. Le leader du bricolage en France propose à ses clients un service gratuit d’accompagnement dans leurs projets de rénovation.
Pour cela, il a créé un nouveau métier : celui de Responsable rénovation énergétique (RRE). Leroy Merlin en compte désormais 95 sur toute la France, un par bassin. De la visite à domicile à la constitution du dossier pour obtenir les aides gouvernementales, en passant par la mise en relation avec des artisans certifiés, il doit servir de "tiers de confiance", "d’interlocuteur privilégié". L’objectif est ainsi de lever deux des principaux obstacles qui freinent le passage à l’acte : la crainte de se faire arnaquer et la difficulté de s’y retrouver dans les aides financières.
"Les clients ont confiance en nous, on les accompagne de A à Z", abonde auprès de Novethic Hocine Bouazza, RRE sur le site de Montigny et salarié de Leroy Merlin depuis 23 ans. "Je vais chez eux, j’essaie d’être le plus pédagogique possible, je les implique dans le processus pour qu’ils comprennent l’intérêt de réaliser une rénovation globale et performante, je leur donne une note de performance et puis je me charge de déposer leur dossier d'aides pour eux et je ne leur demande que le reste à charge", détaille-t-il enthousiaste.
Pour obtenir son nouveau titre, le quadragénaire a dû retourner sur les bancs de l’école pour suivre une formation de quatre mois à La Solive, une école qui forme aux métiers de la rénovation et qui délivre des diplômes reconnus par l’État. Et puis il a dû trouver des artisans de confiance, labellisés RGE (Reconnu Garant de l’Environnement). "J’en ai rencontré une cinquantaine au total et aujourd’hui je travaille avec cinq artisans dans mon magasin", explique Hocone Bouazza. À date, il a accompagné la réalisation de 25 chantiers et il reçoit entre cinq et dix demandes par semaines. Au niveau national, Leroy Merlin travaille avec 1 700 artisans labellisés RGE et a accompagné 35 000 projets de rénovation énergétique en 2023.
Mais alors, qu’y gagne l’enseigne ? Si elle perçoit une commission auprès des artisans qui réalisent les chantiers, ces derniers n’ont pas l’obligation d’acheter leur matériel auprès de Leroy Merlin. Toutefois, l’objectif est bien celui-ci dans une logique "gagnant-gagnant". Le marché de la rénovation énergétique était estimé en 2019 par l’ADEME à 15 milliards d’euros pour les particuliers. Une aubaine pour les enseignes de bricolage, dont Leroy Merlin entend bien profiter. Dès 2020, l’entreprise a été le premier distributeur à être agréé comme mandataire par l’ANAH (Agence nationale de l’habitat) dans le cadre du dispositif Ma Prime Rénov et à proposer l’avance de frais à ses clients.
Leroy Merlin n’est pas le seul à se positionner. Depuis septembre dernier, Castorama, propriété du Britannique Kingfisher a aussi mis en place des référents dédiés aux enjeux de la rénovation énergétique dans 14 de ses magasins. Une fonctionnalité qui vient s’ajouter aux différents simulateurs d’aides et de travaux déjà proposés en ligne. Une révolution pour les enseignes de bricolage qui ne peuvent plus se contenter de simplement vendre leurs produits.
Mais le risque est de semer encore plus de confusion chez les clients alors que la législation vient encore une fois de changer. Depuis le 1er janvier 2024, les ménages qui se lancent dans des travaux de rénovation globale devront obligatoirement faire appel aux services d'un coordinateur, baptisé Mon Accompagnateur Rénov’ (MAR), en charge de trouver les sources de financement, les professionnels agrées et d'assurer le suivi du projet.
Des missions semblables à celles confiées aux référents rénovation énergétique... "On va faire en sorte que les deux ne se marchent pas dessus, promet Marie Simunic, directrice générale adjointe du groupe interrogée dans Capital. De fait, nous facilitons le travail des MAR avec nos responsables de rénovation énergétique. Et avec 5 millions de passoires thermiques, cet appui ne sera pas de trop", veut-elle croire.