L'Affaire du Siècle : les associations vont demander une astreinte financière face à l'insuffisance des mesures prises par l'État
Le gouvernement a officiellement jusqu'au 31 décembre pour réparer le préjudice climatique qu'il a causé entre 2015 et 2018 et pour lequel il a été condamné l'année dernière dans l'Affaire du Siècle. Mais sans attendre, les organisations à l'origine de cette action en justice annoncent qu'elles vont demander une astreinte financière face à l'insuffisance des mesures prises. En 2022, sur les neuf premiers mois de l'année, les émissions de gaz à effet de serre ont seulement baissé de 0,3%...
Les associations de l'Affaire du Siècle ont tenu une conférence ont tenu une conférence de presse à Louchats, dans la forêt incendiée de Gironde, le 13 octobre 2022.
Le samedi 31 décembre marquera non seulement le dernier jour de l'année mais aussi la fin du délai accordé par le Tribunal Administratif de Paris à l’État français dans l’Affaire du Siècle pour réparer le préjudice écologique qu'il a causé.
Sans attendre, les associations à l’origine de cette action en justice annoncent qu’elles vont demander une astreinte financière début 2023 en raison de l’insuffisance des mesures prises depuis le jugement prononcé en octobre 2021. Le Tribunal Administratif avait condamné l’État pour inaction climatique, l'enjoignant à prendre "toutes les mesures nécessaires" pour combler les excédents de gaz à effet de serre émis sur la période 2015-2018, et ce avant le 31 décembre 2022.
Or, sur la base des nombreuses études et rapports publiés cette année, les organisations estiment "que les mesures prises jusqu’à présent par l'exécutif ne sont pas assez ambitieuses et que la baisse effective des émissions de gaz à effet de serre de la France depuis le jugement est, par ailleurs, principalement conjoncturelle, due à la crise du COVID et à la crise énergétique. Les mesures structurelles mises en place sont largement insuffisantes", écrivent-elles.
En septembre 2021, elles suggéraient au tribunal de prononcer une astreinte de 78 millions d’euros par semestre de retard.
Concrètement, pour répondre aux injonctions du tribunal, l’État devait doubler en 2022 son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) prévu.
Or, ce n’est pas du tout la trajectoire qui se dessine, selon les dernières estimations du CITEPA, l’organisme chargé de réaliser l'inventaire des émissions de gaz à effet de serre, publiées le 21 décembre.
Sur les neuf premiers mois de l’année, les émissions ont stagné, avec une baisse de seulement 0,3%, contre un objectif de -4,7%.
Les émissions dans le secteur de la production d’énergie ont notamment augmenté de 12% entre janvier et septembre 2022 par rapport à la même période en 2021. "Cela s’explique notamment par l’arrêt de nombreux réacteurs nucléaires qui a entrainé le recours aux centrales thermiques", indique le CITEPA. La centrale à charbon de Saint-Avold, en Moselle, a dû rouvrir et les unités de Cordemais continuent elles aussi à tourner. GRDF indique de son côté, que 2022 est une année "record" pour la production d’électricité à partir de gaz.
À long terme, la France n’est pas non plus dans les clous. "Sur les onze paramètres structurants des secteurs les plus émetteurs de GES en France, seulement trois sont sur la bonne trajectoire. Qu’il s’agisse par exemple du nombre d’usagers des transports ferroviaires, de la part du nombre de véhicules à faibles émissions dans le parc automobile français, du nombre de logements rénovés ou encore de la taille du cheptel bovin, la France ne tient pas ses objectifs", notent les ONG dans un rapport publié en juin dernier.
Le Conseil d’État lui-même, après avoir condamné l’État en 2021 sur sa politique climatique dans le cadre de l’affaire Grande-Synthe, s’est auto-saisi en octobre, considérant que l’État n’avait pas fait la preuve de l’efficacité des mesures prises pour respecter la trajectoire de réduction des émissions à l’horizon 2030. Dans cette autre affaire, les associations de l’Affaire du Siècle, en tant requérantes, déposeront également début 2023 un nouveau mémoire démontrant en quoi les mesures prises à ce jour par l’État sont loin d’être suffisantes.
Dans une vidéo YouTube, diffusée le 13 novembre, dans laquelle le président promettait de répondre à toutes les questions sur l’écologie, Emmanuel Macron avait surpris en répondant que ces deux condamnations pour inaction climatique – Affaire du Siècle et Grande-Synthe – n’étaient pas "pour sa pomme", mais "pour la période d'avant".
"Comment faire confiance à l’État pour garantir un avenir vivable pour toutes et tous quand son principal représentant diffuse des informations fausses et semble se satisfaire de l’ampleur (largement insuffisante) des mesures prises ?", rétorquent les organisations de l’Affaire du Siècle.