Le futur Plan Régional Santé Environnement (2017-2021) s'élabore dans la discrétion : notre opinion sur sa préparation avec un état des lieux
Un Plan Régional Santé Environnement (PRSE) est (en France) un plan administratif mais élaboré en concertation avec la société civile et des personnes qualifiées, qui décline le Plan National Santé Environnement (PNSE) aux échelles régionales et aux grandes échelles infrarégionales, de manière pluridisciplinaire et transdisciplinaire le thème Santé-Environnement et, en cherchant à mieux prendre en compte les enjeux locaux.
Il comprend notamment une dimension d'écotoxicologie et d'éco-épidémiologie, en complément aux approches sanitaires classiques, sur le court, moyen et long terme et sur la base de 3 entrées thématiques :
• entrée environnementale par milieux (air, eau, sol, environnement intérieur (qualité de l'air intérieur, radon...)
• entrée environnementale par polluant, contaminant ou nuisance (particules, pesticides, substances chimiques, bruit, intrusion lumineuse...)
• entrée sanitaire par pathologies potentiellement environnementale (cancers, maladies cardiovasculaires, neurologiques, pathologies respiratoires (dont asthme), santé reproductive/fertilité....)
• entrée populationnelle par type de vulnérabilité ou sous-population vulnérable (femmes enceintes, enfants, personnes âgées ou certaines maladies chroniques telles que l'asthme…)
Il y a par ailleurs une démarche parallèle d’utilisation de plans régionaux de santé qui se justifient par l’antécédence historique de ceux-ci et la difficulté des hauts fonctionnaires à se débarrasser du fonctionnement « en silo » (en clair par spécialité de corps ou spécialité professionnelle). On peut donc trouver une certaine redondance au niveau des contenus.
Celui-ci a fait l’objet d’une évaluation de son action pour la période 2012-2016.
L’ARS Hauts-de-France prépare le nouveau Plan Régional Santé qui sera valable de 2018 à 2022.
Pour plus de détail consulter le site de l’ARS Hauts-de-France.
Il est constitué de 4 parties :
- Le contexte socio-économique
- Le contexte sanitaire
- Le contexte environnemental
- Portraits de territoire
L’ensemble représente 342 pages.
La région Hauts-de-France cumule les scores les plus mauvais en matière d’état de santé. Néanmoins, les rédacteurs du document Etat des lieux ont cru bon de préciser en introduction, dans un avertissement :
« Le lecteur ne doit pas rechercher systématiquement une cause environnementale à l’éventuelle sur-incidence d’une pathologie repérée localement, car de nombreuses autres causes peuvent être à l’origine de la situation. »
Le taux de chômage reste supérieur à la moyenne nationale et cela fait des années que le constat reste le même. Le revenu par habitant est moins élevé ; 60% de la population régionale est exonéré d’impôt contre 54% pour la moyenne nationale. Le taux de jeunes sortant du système scolaire sans aucune qualification est supérieur de 2% à la moyenne nationale.
+23% pour les hommes et +21% pour les femmes.
+22% pour les hommes et 14% pour les femmes.
Parmi ceux-ci les cancers du sein touchent plus les femmes de la région que la moyenne nationale : +8%.
+44% pour les femmes et +27% pour les hommes.
Il faut encore citer le saturnisme et le mésothéliome pleural parmi les maladies graves touchant la région.
Dans cet état des lieux par contre, on peut déplorer l’insuffisante recherche d’hypothèses ou de pistes permettant de comprendre l’origine des maladies présentes et encore plus l’analyse des causes potentielles de surcroît de survenance dans notre région.
Nulle part dans cet état des lieux, ne sont évoqués les problèmes liés à la qualité de l’eau et l’état des différentes stations de traitement.
- Les résidus médicamenteux
- les résidus phytosanitaires
- les nitrates
- les perchlorates
- L’aluminium
- Le plomb, le cadmium, l’arsenic
Combien de stations sont elles aux normes pour le traitement des résidus de matière organique i.e. pesticides, médicaments, produits chimiques ménagers… ?
Quel est le plan d’action pour la mise au norme de l’ensemble des stations de la région ?
Ensuite, l’effet de combinaison de ces substances dans l’organisme peut conduire à des conséquences beaucoup plus graves que l’ingestion d’une seule substance.
Certaines de ces substances ont la propriété d’être des perturbateurs endocriniens (PE).
Les Perturbateurs Endocriniens (PE) ont des effets néfastes sur les processus de synthèse, de sécrétion, de transport, d’action ou d’élimination des hormones. Ils peuvent, selon leur type, altérer le taux d’hormones dans le sang, les imiter, les bloquer ou encore modifier la quantité d’hormones envoyées aux organes.
L’équilibre de ce système est très fragile, c’est pourquoi les dérèglements que les PE entrainent dans notre corps peuvent avoir de très lourdes conséquences. En particulier, dans les premières étapes de la vie, nos hormones jouent un rôle aussi important que les gênes dans le développement physiologique de l’individu : les impacts des PE sur le fœtus, le nourrisson, ou l’enfant en croissance peuvent s’avérer irréversibles.
La pollution de l’air ambiant et ses conséquences sanitaires très lourdes
Cette donnée environnementale aux multiples conséquences sanitaires pour le corps humain cause d’après les estimations 6500 morts prématurés par an.
Les pathologies liées à la mauvaise qualité de l’air sont nombreuses : bronchiolites pour les petits enfants et bébés, puis asthmes, maladies respiratoires chroniques (BPCO, cancers du poumon, mais aussi troubles cardiaques, AVC, ischémie cérébrale et perturbation endocrinienne.
A cela s’ajoute, la foetotoxicité et la neurotoxicité démontrées suite à l’exposition aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) présents dans l’air.
ATMO Hauts-de-France avec le CITEPA connaissent les différents sources d’émissions des polluants de l’air :
Pour l’ex-région Nord-Pas-de-Calais :
| Particules (PM10) | Oxyde d’azote (NOx) |
Chauffage résidentiel et secteur tertiaire | 27 % | 7 % |
Transport routier | 20 % | 49 % |
Industrie, énergie, traitement des déchets | 30 % | 41 % |
Agriculture | 23 % | 3 % |
Pour la métropole lilloise (MEL) :
| Particules (PM10) | Oxyde d’azote (NOx) |
Chauffage résidentiel et secteur tertiaire | 35 % | 12 % |
Transport routier | 36 % | 64 % |
Industrie, énergie, traitement des déchets | 22 % | 22 % |
Agriculture | 7 % | 2 % |
Ce tableau montre bien les différences considérables par rapport à la moyenne régionale et les vraies cibles d’action de prévention en territoire urbanisé.
La pratique de l’épandage de boues de stations d’épuration sur les terres agricoles
Cette pratique a fait dans le passé l’objet de nombreux débats. Cette pratique provient du fait que les eaux usés à traiter sont en quantité toujours croissante et que ce type de « valorisation » de déchets est d’un coût plus faible que celui des filières de mise en décharge ou incinération. Ces boues provenant de stations d’épuration sont contaminés par des métaux lourds et des résidus organiques. Les boues peuvent être porteurs de risque pathogène en l’absence de traitement « d’hygiénisation » (à la chaux par exemple).
Pour les éléments métalliques résiduels, on trouve du zinc, du cuivre, du plomb, du chrome, du nickel et dans une moindre mesure du cadmium et du mercure. Pour les résidus organiques, se trouvent des HAP, et toute la famille des PCB. A ces derniers peuvent s’ajouter des traces de produits chimiques d’origine diverses : produits ménagers, cosmétiques, médicaments, phytosanitaires, molécules d’origine industrielle.
Pour la teneur en plomb et en cuivre, une quantité vient s’ajouter en provenance des réseaux de conduites vétustes.
La diminution des résidus indésirables métalliques et organiques doit donc commencer par l’amont :
- limiter strictement les rejets industriels et les teneurs en contaminants,
- exiger le respect des traitements d’élimination des pathogènes,
- éliminer ou réhabiliter les conduites d’eaux usées en plomb.
Il existe des normes à respecter pour utiliser des boues (certaines cultures en sont exclues), pour ne pas avoir des concentrations dépassant les normes en contaminant.
Il existe aussi dans la législation des limitations à l’emploi dans la durée et la répétition des épandages de boues. Des contrôles des teneurs en métaux lourds et substances organiques doivent être faits à intervalle régulier pour suivre toute accumulation excessive dans le sol.
Néanmoins par la présence de ces contaminants métalliques et organiques existe un risque avéré de contamination des eaux superficielles et des nappes en profondeur.
C’est pourquoi, nous souhaitons avoir la garantie du respect strict de la législation d’emploi des boues issues des STEP, des analyses de contrôle des boues avant épandage et des analyses de suivi des phénomènes d’accumulation des contaminants dans les sols et d’entrainement par lessivage via les eaux de pluies via les eaux superficielles et profondes.
Le cas de l’usine Arcelor-Mittal de Dunkerque
Le problème posé par les rejets atmosphériques de cette seule usine mérite qu’on s’y attarde avec quelques chiffres :
- 9 600 tonnes / an de dioxyde de soufre (gaz sulfureux)
- 3 070 tonnes / an de particules fines
- 650 tonnes / an d’oxydes d’azote
Ces tonnages émis sont impressionnants pour un seul site situé de surcroît à côté de l’agglomération de Dunkerque. Le tonnage annuel de particules fines émis est à lui seul supérieur à celui des rejets de particules de la totalité de l’agglomération lilloise.
Allergies, asthmes, bronchiolites, cancers, les maladies dues à cette pollution sont nombreuses à Dunkerque. Le coût des dommages provoqué par ces rejets aériens très polluants est situé entre 1,2 et 2, 5 milliards d’Euros.
La question est donc tant pour la désulfuration des rejets aérien que pour la captation des particules fines des actions que l’industriel doit entreprendre pour diminuer de manière drastique ces rejets toxiques sur de nombreux aspects pour la santé humaine.
En conclusion cet état des lieux même s’il représente un travail de compilation de données conséquent manque de vision systémique et de volontarisme pour la prise de compte des influences environnementales sur la santé. La prévention ne peut se faire que dans cet état d’esprit. Masquer les problèmes environnementaux pour « ne pas faire peur à la population » est une bien mauvaise stratégie de santé environnementale. Elle ne conduit qu’à toujours plus accumuler les problèmes, à aggraver les conséquences sanitaires d’autant plus que l’on sait à quel point les facteurs environnementaux peuvent avoir des effets combinés.
M.E.
- Le Projet régional de santé (PRS) 2018-2027 dans les Hauts-de-France
https://www.hauts-de-france.ars.sante.fr/le-projet-regional-de-sante-prs-2018-2027-dans-les-hauts-de-france
http://social-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/les-plans-d-action-nationaux/article/le-plan-national-sante-environnement-pnse3-2015-2019
- Impact de l’exposition chronique à la pollution de l’air sur la mortalité en France : point sur la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, INVS, juin 2016
- L’environnement en Nord-Pas-de-Calais, DREAL Hauts-de-France, octobre 2015.
- M.GROSMAN, R.LENGLET, Menaces sur nos neurones, Actes Sud, 2011.
- N.CHEVRE, S.ERKMAN, Alerte aux micropolluants, PPUR, 2011.
- J.C. LEFEUVRE, L’eau douce en France : histoire d’un long combat, Milan, 2009.
- F.NICOLINO, F.VEILLERETTE, Pesticides : Révélations sur un scandale français, Fayard, 2007.
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- F.X.REICHL, Guide pratique de toxicologie, De Boeck, 2004.
- Pollution : Elle s’attaque aussi au cerveau, Science & Vie, Janvier 2017.
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- J.MAHEROU & L.FERRER, Que fait la pollution de l'air, www.asef-asso.fr, 03/02/2016.
- Eau, la qualité en question, Que Choisir, mars 2012.
- L'AEE chiffre le coût de la pollution de l'air et des émissions de CO2 des industriels européens, 27 novembre 2014, https://www.actu-environnement.com
- Pollution de l'eau et risque de cancer, http://www.cancer-environnement.fr/
- Les maladies liées à l'eau, INVS, 2008, http://invs.santepubliquefrance.fr
- Les boues de station d’épuration, http://www.centre-antipoison-environnemental.com/boues-station-epuration.html
- M.M.BOUALLEGUE, Des métaux dans les boues de stations d’épuration, ENGREF, décembre 2010.
- P.PERRONO, Les micro-polluants métalliques et les sols amendés par des boues résiduaires urbaines, mémoire, Université de Picardie, 1999