Pesticides : « Il n’est plus temps de faire semblant de prendre des demi-mesures »

Publié le par Le monde via M.E.

Paris, Lille, Nantes, Grenoble et Clermont-Ferrand interdisent les pesticides sur leur territoire. « Une démarche concertée pour faire changer la loi », affirment ces villes.

Le gouvernement a lancé une consultation sur les distances à respecter entre habitations et zones d’épandage de pesticides. PHILIPPE HUGUEN/AFP

Paris, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lille et Nantes, mais aussi Langouët (Ille-et-Vilaine), Puy-Saint-André (Hautes-Alpes), Villeneuve-d’Ascq (Nord), Antony (Hauts-de-Seine), Murles (Hérault) et Saint-Genis-Pouilly (Ain), entre autres. Une cinquantaine de maires, de villages comme de grandes villes – ainsi que le département du Val-de-Marne –, ont décidé de protéger leurs concitoyens des pesticides de synthèse. Les uns ont tranché pour des zones tampons sans épandage, d’au moins 150 mètres, autour de toute habitation, les autres veulent bannir complètement l’usage de ces produits chimiques dans leur commune.

L’initiative fait chaque jour des émules depuis le revers juridique essuyé par l’écologiste Daniel Cueff, élu de Langouët. Attaqué par la préfecture, son arrêté municipal a été suspendu par le tribunal administratif de Rennes, le 27 août.

Jeudi 12 septembre, cinq grandes villes ont choisi de communiquer ensemble sur leur détermination à en finir avec «l’usage des produits phytosanitaires chimiques sur l’ensemble de leurs territoires», au nom du «principe de précaution». « Notre première idée était de manifester notre solidarité avec les maires ruraux, puis nous nous sommes dit que nous serions plus efficaces ensemble pour faire modifier la loi, témoigne Olivier Bianchi (PS), maire de Clermont-Ferrand. Ouvrir le débat, changer de paradigme, c’est ce qui m’anime. Pour notre part, nous n’utilisons plus ces produits dans les espaces publics, y compris dans les cimetières, depuis 2012. »

Un simple « coup de com » ?

La question des pesticides est évidemment plus prégnante dans les zones rurales agricoles. Au demeurant, deux lois récentes limitent grandement leur usage en milieu urbain. La première, dite « loi Labbé », bannit, depuis le 1er janvier 2017, leur emploi dans l’entretien des espaces verts ouverts au public (jardins, parcs, forêts, promenades, voiries). La seconde étend cette interdiction aux jardiniers amateurs : depuis le 1er janvier 2019, ces derniers ne doivent plus employer chez eux que des phytosanitaires d’origine naturelle.

Du coup, l’initiative des cinq grandes villes n’est-elle qu’un « coup de com », comme a ironisé la ministre de la transition écologique, Elisabeth Borne ? D’autant que leurs arrêtés municipaux risquent fort d’être à leur tour attaqués par l’Etat, comme une quinzaine d’autres avant eux.

Les cinq élus rétorquent que leur démarche n’est pas seulement symbolique, elle est aussi motivée par les lacunes de l’actuelle réglementation. « Il y a des trous dans la raquette », assurent en chœur M. Bianchi, son homologue de Nantes, Johanna Rolland (PS), et Pénélope Komitès (PS), adjointe chargée des espaces verts à Paris.

«Si des copropriétaires font appel à une entreprise privée pour entretenir leur jardin, celle-ci n’est pas concernée par l’interdiction, précise Mme Rolland. En outre, les villes ont toutes, sur leurs territoires, d’anciennes parcelles de la SNCF ou d’entreprises, qui ne sont pas tenues par ces restrictions. Nos services municipaux ont commencé à se passer de pesticides dès 2008. Cependant, en parallèle, nous accompagnons les agriculteurs en transition. Nous préparons un projet alimentaire territorial et l’installation de fermes, bio, dans le quartier Doulon-Gohards.» Le mouvement gagne : La Chapelle-sur-Erdre, l’une des vingt-quatre communes de Nantes Métropole que préside Mme Rolland, vient de prendre un arrêté comparable, de même que Ceyrat, près de Clermont-Ferrand.

« Il n’est plus temps de prendre des demi-mesures »

«A Paris, nous travaillons beaucoup sur la biodiversité. Nous avons fait de l’information auprès des particuliers pour leur montrer comment prendre soin de leurs plantes de manière plus écologique, rapporte Mme Komitès. Mais cela ne suffit pas : environ 600 hectares dans la capitale échappent à l’interdiction d’utiliser ces substances toxiques.»

Cependant, dans les campagnes françaises, plus rien ne protège légalement les riverains des pesticides, car l’arrêté national encadrant les épandages a été annulé en juin par le Conseil d’Etat. Le gouvernement veut encourager les agriculteurs à s’engager volontairement dans des chartes locales et a mis en consultation, jusqu’au 1er octobre, un texte imposant une distance minimale des habitations de 5 à 10 mètres selon les cultures, du moins « pour les substances les plus dangereuses ». « Chacun sait qu’elles sont volatiles, c’est n’importe quoi », juge Mme Komitès.

« Nous en savons désormais suffisamment sur les effets des pesticides sur la santé et l’environnement», estime pour sa part Martine Aubry (PS), maire de Lille. « Nous, élus, n’aimons pas prendre des arrêtés qui n’entrent pas légalement dans nos compétences. Si nous l’avons fait tous les cinq, c’est pour dire ensemble au gouvernement : il faut y aller, il n’est plus temps de faire semblant de prendre des demi-mesures à 5 ou 10 mètres. »

Source : https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/09/12/paris-lille-nantes-grenoble-et-clermont-ferrand-interdisent-les-pesticides-sur-leur-territoire_5509486_3244.html

 

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